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Jean Castex : rouvrir "autour de la mi-mai"... mais pas tout et pas partout

Le point effectué ce jeudi 22 avril par Jean Castex et trois de ses ministres - Jean-Michel Blanquer, Olivier Véran et Gérald Darmanin - n'avait pas pour objet de fournir d'informations précises sur ce qu'il sera possible ou pas de faire et d'ouvrir en mai. Car la "liste n’est pas définitivement fixée". Et si l'on sait que la limitation des déplacements devrait être levée le 3 mai, le couvre-feu pourrait bien continuer à s'appliquer un certain temps. Le ministre de l'Éducation nationale a en revanche décrit les ajustements devant intervenir à partir de lundi pour la reprise des cours.

Le contexte épidémique

"La situation sanitaire s'améliore", "le pic de la troisième vague de l'épidémie semble derrière nous", avec "une baisse réelle de la circulation virale depuis dix jours", a déclaré ce jeudi 22 avril Jean Castex lors de sa conférence de presse dont la tenue avait été annoncée la veille à l'issue du conseil des ministres.
Le nombre de cas quotidiens a baissé de 17% en une semaine pour être ramené à un peu plus de 30.000 par jour, une décrue qui "concerne près de 80% des départements". Elle est plus marquée en Île-de-France, Hauts-de-France, et Alpes-Maritimes, où l'épidémie était repartie plus rapidement et où ont été prises des mesures de restrictions anticipées dès le 20 mars.
Le niveau de circulation virale reste toutefois élevé dans une très large partie du pays, avec 15 départements affichant un taux d'incidence de plus de 400 pour 100.000 habitants et 30 autres départements entre 300 et 400. "Nous devons donc rester lucides sur la situation et pleinement mobilisés pour poursuivre nos efforts", a réaffirmé le Premier ministre.
Dans les hôpitaux, "les derniers chiffres semblent indiquer, là aussi, des signes positifs" puisque le nombre de patients admis en réanimation a atteint "un plateau" depuis quelques jours, a-t-il ajouté. Selon les chiffres de Santé Publique France ce jeudi, le nombre de patients en réanimation était en légère augmentation (5.981) et celui des patients hospitalisés, en légère baisse (30.634).

Réouvertures progressives et peut-être territorialisées

Alors dans ce contexte… Jean Castex s'est montré plus que prudent sur les réouvertures et les reprises d'activités à l'arrêt, en disant même moins que ne l'avait fait Gabriel Attal la veille (voir notre article du 21 avril). La "réouverture", "nous voulons qu’elle puisse commencer autour de la mi-mai" mais "nous devrons l’organiser de telle sorte qu’elle se fasse par étapes", a-t-il prévu, poursuivant : "Si nous voulons pouvoir permettre la réouverture du plus grand nombre possible de lieux et d’activités, cela ne pourra pas être le cas pour tout, notamment pour ce qui entraîne des concentrations importantes de public". Et ce qui sera rouvert devra l'être "dans des conditions strictes", "le cas échéant sur une base territorialisée". Une éventuelle territorialisation qui pourrait être basée sur "une batterie de critères, une tendance d'évolution", plutôt que sur des "chiffres absolus", a précisé le chef du gouvernement. Il s'agit d'"ouvrir au bon moment au bon endroit", a complété le ministre Olivier Véran.

La première vague pourrait concerner "les commerces, certaines activités culturelles et sportives et les terrasses"… mais "cette liste n’est pas définitivement fixée". Des "précisions" seront données "dans les prochains jours" et Jean Castex s'est refusé à en dire plus. Concernant les lieux culturels, il a indiqué que la concertation se poursuivait entre les représentants du secteur et Roselyne Bachelot, notamment pour connaître leurs impératifs en termes de délais (entre annonce d'une date et réouverture effective), sachant que les protocoles "sont quasi-finalisés".

Pas d'assurances précise pour les commerces, au moment où les principales fédérations du commerce et quelque 150 patrons, franchisés et affiliés de réseaux d'enseignes, venaient de publier un "plaidoyer pour une réouverture impérative de tous les commerces au plus tard le 10 mai", un mois "capital en termes d'activité" pour les 150.000 magasins fermés depuis le 3 avril. "Le 10 mai" ou "à la mi-mai", ça ne change pas grand-chose, a dit en substance Jean Castex. Entre les deux, il y a toutefois le pont de l'Ascension. La question du devenir des aides aux commerces et entreprises n'a pas été évoquée. Elle l'avait toutefois été le matin même par Bruno Le Maire et Élisabeth Borne suite à une réunion avec les partenaires sociaux (voir notre encadré ci-dessous).

Seule certitude ou presque : "À partir du 3 mai, nous pourrons lever les contraintes de déplacement." Car en revanche, s'agissant du couvre-feu, pas de perspectives données. Celui-ci est "maintenu jusqu'à nouvel ordre" : "Nous verrons à la mi-mai où nous en sommes" mais "il n'y pas d'automaticité de levée du couvre-feu", a dit le Premier ministre. Le premier couvre-feu a été instauré pour quatre semaines dans vingt départements (c'était alors à 21h) il y a... six mois.

Rentrée scolaire à pas comptés

Autre certitude… les élèves des écoles maternelles et primaires doivent bien faire leur retour dans les établissements scolaires dans quelques jours, lundi 26 avril. Les annonces du gouvernement dans le domaine de l'éducation étaient très attendues, y compris par les élus locaux (lire l'encadré de notre article du 21 avril). Cette rentrée se fera dans des conditions quelque peu revues par rapport au protocole en cours avant les congés de printemps.

Première mesure : une classe fermera de nouveau dès le premier cas de contamination confirmé chez un élève. Jean-Michel Blanquer a par ailleurs précisé que 5.000 remplaçants étaient actuellement recrutés pour pallier les absences des enseignants titulaires. Autre changement notable : dans les quinze départements* les plus touchés par l'épidémie, les collégiens des classes de quatrième et troisième ne reprendront les cours le 3 mai – après une semaine de cours à distance – qu'en demi-jauge, une mesure déjà appliquée au lycée et qui y perdurera.

Fermetures et demi-jauges vont entraîner une nécessaire continuité pédagogique à distance. Pour éviter les problèmes d'accès aux espaces numériques de travail (ENT) constatés durant la dernière semaine de cours précédant les vacances, le ministre de l'Éducation a indiqué que les capacités techniques avaient été augmentées, en lien avec chaque région. Toutefois, Jean-Michel Blanquer recommande, pour les classes virtuelles, de recourir au dispositif Ma Classe à la maison du Centre national d'enseignement à distance, également renforcé, et propose de réserver les ENT pour la seule correspondance.

Le nombre de tests salivaires sera également augmenté. Dans le primaire, le ministre de l'Éducation nationale indique qu'ils passeront d'un peu moins de 300.000 par semaine avant les vacances à 600.000.

En outre, des autotests seront déployés au lycée, à raison d'un par semaine et par élève. Leur utilisation pourrait être étendue aux collégiens selon un prochain avis de la Haute Autorité de santé. Quant aux personnels, ils recevront deux autotests par semaine. Sur la période mai-juin, 50 millions d'autotests devraient être déployés, là encore en priorité dans les départements les plus touchés.

Au chapitre de la prévention toujours, les enseignants – et donc très vraisemblablement les personnels des collectivités territoriales au contact des enfants – de plus de 50 ans seront bientôt éligibles à la vaccination. Aujourd'hui, seuls ceux âgés de plus de 55 ans le sont.

Enfin, Jean-Michel Blanquer a encouragé les collectivités locales à recourir à des capteurs de CO2 et à des purificateurs d'air dans les salles de classe. On saura par ailleurs que les conservatoires pourront accueillir les élèves des classes Cham. Et que les cantines resteront bien ouvertes, avec un espacement de deux mètres désormais exigé entre les élèves. Dans un entretien au Parisien, le ministre de l'Éducation a toutefois désigné ces réfectoires comme "le maillon faible de l'école", recommandant "aux parents de ne pas envoyer leur enfant à la cantine quand ils peuvent le faire".

Des informations ont été apportées concernant les examens qui approchent : en résumé, tous les examens et concours sont maintenus en présentiel. Le brevet des collèges, le bac... et, côté enseignement supérieur, les concours pour les élèves de classes préparatoires, le BTS, les partiels. Jean-Michel Blanquer a assuré que le "malaise" de certains étudiants en BTS avait été "compris" et que les "situations particulières" seront "prises en considération". Ainsi, une session de rattrapage, sous forme d'oraux, aura lieu en juillet en cas d'échec aux épreuves de mai.

Vaccination et tests

Assurant que la campagne de vaccination "avance bien" avec, "d'ici la fin de la semaine, 14 millions de personnes [qui] auront reçu une première dose de vaccin", le Premier ministre a réaffirmé que "l'objectif final reste le même - avoir pu proposer la vaccination à tous d’ici la fin de l’été". Les craintes suscitées par le vaccin AstraZeneca ont été évoquées, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avançant entre autres que le risque de thrombose était "50 fois plus élevé" en prenant un vol transatlantique.

Les Français de plus 55 ans pourront, "à compter de ce samedi", se voir administrer le vaccin de Johnson & Johnson, le quatrième disponible sur le territoire. En outre, les personnes vivant aux côtés d'une personne lourdement immunodéprimée pourront dès samedi bénéficier d'une vaccination quel que soit leur âge. D'autres élargissements sont à l'étude, notamment en direction des personnes souffrant d'obésité.

S'agissant des tests, le ministre de la Santé est revenu sur les autotests, disponibles à l'achat en pharmacie (500.000 autotests ont déjà été achetés) et pris en charge par l'assurance maladie pour certaines professions. Avec, en outre, la volonté d'"aller vers les publics précaires". Une expérimentation est ainsi engagée en Île-de-France avec la distribution d'autotests dans des lieux tels que les foyers d'hébergement.

Quarantaine de 10 jours pour tous les passagers en provenance de cinq pays

Tous les passagers en provenance du Brésil, d'Inde, du Chili, d'Afrique du Sud et d'Argentine feront l'objet d'une mise "en quarantaine de 10 jours décidée par arrêté préfectoral" et ce, "quel que soit le résultat de leur test, positif ou négatif" à l'arrivée en France, a fait savoir Gérald Darmanin. Ces mesures seront également appliquées aux voyageurs en provenance de Guyane où le variant brésilien se propage rapidement.
"L'arrêté de quarantaine s'appliquera en lieu et place de l'engagement à respecter un isolement de 7 jours que doivent prendre aujourd'hui les voyageurs arrivant en France", a expliqué le ministre de l'Intérieur. Ces derniers, a-t-il poursuivi, devront justifier à leur arrivée d'un "test PCR de moins de 36 heures", et seront "systématiquement" testés à nouveau par un "test antigénique".
Les contrôles de ces quarantaines seront "renforcés", avec justificatif de domicile au départ et à l'arrivée, des heures de sortie limitées au créneau 10h-midi, de possibles contrôles inopinés par policiers ou gendarmes, une amende de 1.000 à 1.500 euros en cas d'infraction. Les agents de l'assurance maladie seront chargés du suivi sanitaire de ces personnes. Le gouvernement introduira en outre dans le cadre du futur projet de loi sur la sortie du régime d'état d'urgence une disposition donnant la possibilité aux pouvoirs publics "d'imposer un lieu de quarantaine".

*Bouches-du-Rhône, Nord, Aisne, Oise, Yvelines, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Val d'Oise, Val-de-Marne, Essonne, Paris, Sarthe, Loire et Rhône.

  • Entreprises : vers une réduction progressive des aides

Bruno Le Maire et Élisabeth Borne avaient échangé ce jeudi matin avec les partenaires sociaux sur l'évolution des aides durant la sortie de crise. Prêt garanti par l'État, exonérations, fonds de solidarité, chômage partiel… entre maintien et arrêt, différentes formules, pas encore toutes arrêtées, prévaudront selon les secteurs d'activité.

Les entreprises pourront continuer de souscrire un prêt garanti par l'État (PGE) jusqu'à la fin de l'année, a annoncé jeudi en milieu de journée le ministre de l'Économie. L'accès à ce dispositif de soutien devait prendre fin au 30 juin, mais "il y a un consensus sur la nécessité de maintenir possible" la souscription de PGE, a-t-il expliqué lors d'un point de presse téléphonique à l'issue d'une rencontre avec les partenaires sociaux sur l'évolution des aides durant la sortie de crise.
Une réunion durant laquelle les ministres ont rappelé que les entreprises "pourront continuer à bénéficier du soutien des pouvoirs publics tant que des règles sanitaires leurs seront imposées", afin qu'elles "puissent se projeter dans les mois à venir", a affirmé Bruno Le Maire. Ce sera notamment le cas pour les secteurs toujours fermés administrativement ou les plus touchés par la crise, comme le tourisme, l'hébergement-restauration, la culture, l'évènementiel et le sport.
Concernant les éventuels nouveaux PGE souscrits, il a précisé que les entreprises pourront les utiliser pour payer les dettes qu'elles ont à l'égard de leurs fournisseurs.
Sur les autres dispositifs de soutien, toutes les modalités d'ajustement à la sortie de crise n'ont pas été tranchées durant cette réunion de concertation. Le gouvernement envisage toutefois de maintenir encore plusieurs mois des exonérations partielles de charges pour les secteurs les plus touchés. De même, le fonds de solidarité "devra être maintenu" pour les secteurs fermés.
Pour les entreprises qui vont redémarrer, "nous prévoyons une baisse dégressive du fonds de solidarité, selon les modalités de calendrier et de détermination des sommes qui seront étudiées avec les organisations syndicales et les organisations patronales", a ajouté le ministre : "Nous ne voulons pas qu'après une période de protection, il y ait tout d'un coup un dégel brutal qui se solde par des dizaines de milliers de faillites."

Activité partielle : passage à 40% de reste à charge en juin pour les secteurs non protégés

Les employeurs recourant à l'activité partielle dans les secteurs non protégés verront leur reste à charge augmenter de 15 à 40% en juin tandis que l'indemnisation des salariés diminuera de 84 à 72% du salaire net, a pour sa part fait savoir la ministre du Travail. "Il y a un consensus pour revenir rapidement aux règles de droit commun de l'activité partielle pour les secteurs non protégés", a déclaré Élisabeth Borne à l'issue de cette même réunion.
Pour les secteurs protégés (tourisme, événementiel, culture, sports et loisirs, hôtellerie-restauration, transport... et les activités en dépendant) qui bénéficient actuellement d'une prise en charge à 100%, l'évolution de la prise en charge dépendra "du calendrier de la levée des restrictions sanitaires", avec "une marche intermédiaire à 15%" de reste à charge, a-t-elle indiqué.
Actuellement, tous les établissements et entreprises fermés par décision administrative et les entreprises justifiant d'une perte de 60% de leur chiffre d'affaires par rapport au mois précédent ou au même mois en 2019 bénéficient d'une prise en charge à 100% de l'activité partielle. Le salarié est indemnisé à hauteur de 84% du salaire net. Le nombre de salariés effectivement en activité partielle était encore estimé à 2,1 millions en février (11% des salariés du privé) et devrait avoir augmenté en mars-avril avec la fermeture des commerces non essentiels.
Selon Michel Beaugas (FO), syndicats, patronat et gouvernement se rejoignaient autour de la table "sur une sortie progressive des aides" pour ne pas perdre le bénéfice "des sommes investies jusqu'ici". Selon lui, les organisations patronales ont appelé à "faire de la dentelle" pour tenir compte des secteurs et des régions, en prenant le cas de l'hôtellerie-restauration : "Si la reprise peut être forte cet été dans les régions touristiques, ce ne sera pas le cas pour l'hôtellerie de luxe à Paris par exemple."

C.M., avec AFP