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Environnement / Risques - La nouvelle compétence Gemapi source de multiples interrogations chez les élus

La nouvelle compétence "Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations" (Gemapi) qui sera transférée au bloc communal au 1er janvier 2016 soulève de nombreuses inquiétudes chez les élus qui craignent de ne pas avoir les moyens nécessaires pour y faire face. Un point info qui s'est tenu dans le cadre du congrès de l'AMF le 27 novembre a montré qu'il reste encore beaucoup à faire pour les rassurer.

Faut-il redouter la nouvelle compétence "Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations" (Gemapi) créée par la loi Maptam du 27 janvier 2014 ? Donnera-t-elle les moyens aux collectivités d'œuvrer efficacement en la matière ou risque-t-elle de se traduire par de nouvelles charges qu'elles auront du mal à assumer ? Un point info sur sa mise en œuvre, organisé dans le cadre du congrès de l'Association des maires de France (AMF) le 27 novembre, a finalement suscité plus de questions de la part des élus qu'il n'a apporté de réponses, alors que les inondations continuent à faire la "une" de l'actualité, avec une succession d'épisodes dramatiques ces dernières semaines dans le sud de la France. Catherine Gibaud, chef du bureau de la planification et de l'économie de l'eau à la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'Ecologie a d'abord rappelé la raison d'être de la nouvelle compétence.

Remédier au problème des "territoires orphelins"

"Il s'agit de pouvoir disposer d'une maîtrise d'ouvrage sur l'ensemble du territoire en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations car il y a encore des territoires orphelins dans ce domaine. La loi a donc attribué cette compétence au bloc communal (communes, avec transfert aux EPCI lorsque ceux-ci existent, le maire gardant ses pouvoirs de police, ndlr)." A noter, le bloc communal peut déléguer cette compétence ou adhérer à un ou plusieurs syndicats mixtes et ce faisant, leur transférer tout ou partie de la compétence car celle-ci englobe des missions relativement larges : l'aménagement de bassins hydrographiques, l'entretien de cours d'eau, canaux, lacs ou plans d'eau, la défense contre les inondations et contre la mer, la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines. En termes de calendrier, la loi a fixé la date d'entrée en vigueur de la compétence Gemapi au 1er janvier 2016 mais elle prévoit la possibilité d'une mise en oeuvre anticipée. En outre, les régions et départements exerçant cette compétence à la date de la parution de la loi pourront continuer à l'exercer jusqu'à son transfert à un EPCI à fiscalité propre, au plus tard le 1er janvier 2018. De son côté, l'Etat – ou l'un de ses établissements publics -, lorsqu'il gérait des digues à la date d'entrée en vigueur de la loi continuera d'assurer cette gestion pour le compte de la commune ou de l'EPCI compétent pendant dix ans.

Une nouvelle taxe facultative

La loi a aussi proposé un schéma cible pour gérer les milieux aquatiques et la prévention des inondations à des échelles cohérentes, a souligné Catherine Gibaud. Ce schéma comporte donc trois échelles : le bloc communal, l'établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (Epage), syndicat mixte en charge de la maîtrise d'ouvrage locale pour l'ensemble de la compétence Gemapi au niveau du sous-bassin versant hydrographique et l'établissement public territorial de bassin (EPTB), syndicat mixte en charge de missions de coordination dans le domaine de l'eau et de maîtrise d'ouvrage de projets d'intérêt commun à l'échelle des groupements de bassins versants. Pour permettre aux collectivités d'exercer leur nouvelle compétence, la loi a aussi prévu une taxe facultative plafonnée à 40 euros par habitant résidant dans le périmètre de la commune ou de l'EPCI. La représentante du ministère de l'Ecologie a aussi donné des indications sur les décrets d'application attendus. Un seul des cinq textes réglementaires prévus a été publié en juillet dernier : il précise le fonctionnement des missions d'appui technique de bassin. Les quatre autres décrets porteront sur les Epage et les EPTB, sur les digues, sur la nouvelle taxe et sur le nouveau fonds de compensation des dommages causés aux biens des collectivités par les événements climatiques de forte intensité. Au cours de l'année 2015, un état des lieux des structures existantes sera réalisé afin d'identifier les territoires où il est nécessaire de créer des Epage et des EPTB, a encore précisé Catherine Gibaud.

Risque d'inégalités territoriales ?

Mais pour les élus qui seront amenés à l'exercer, la nouvelle compétence soulève encore de multiples interrogations. "Nous constatons qu'elle ne traite pas globalement la question de la prévention des inondations, a relevé Marie-France Beaufils, sénatrice-maire de Saint-Pierre-des-Corps, vice-présidente de la communauté d'agglomération de Tours Plus et présidente du Centre européen de prévention du risque inondation (Cepri). Nous nous demandons aussi si la nouvelle taxe dédiée sera capable de répondre à l'ampleur de la tâche. En l'occurrence, on oublie la solidarité nationale en matière d'impôt. La taxe sera fonction de la population qui doit être protégée et nous risquons de voir les inégalités territoriales se creuser car les ouvrages de protection sont très différents d'un territoire à l'autre. En outre, nous craignons le désengagement financier des conseils généraux et régionaux qui finançaient jusqu'à présent 40% du montant des travaux, et les effets de la nouvelle ponction sur le budget des agences de l'eau prévue par la dernière loi de finances". Pour Marie-France Beaufils, les estimations financières qui ont été faites paraissent sous-estimées pour faire face aux travaux de remise en état des ouvrages qui seront transférés. "Nous avons besoin d'expertise sur les digues pour que l'on sache si les moyens sont cohérents ou pas", a insisté la présidente du Cepri.

Incertitudes sur le nouveau régime de servitudes

Noël Faucher, maire de Noirmoutier-en-l'Ile, président de la communauté de communes de l'Ile-de-Noirmoutier (85) et co-président du groupe de travail littoral de l'AMF, a pour sa part soulevé les problèmes juridiques qui risquent de se poser aux élus. Auront-ils par exemple réellement les moyens d'exiger des travaux d'entretien et de réparation des digues sur les propriétés privées, même si la loi prévoit notamment la création d'un régime de servitudes en la matière ? "Nous nous interrogeons aussi sur les questions de gouvernance car il risque d'y avoir des problèmes d'ajustement entre différentes structures - EPCI, Epage, EPTB - qui n'ont pas le même périmètre d'intervention, a souligné l'élu vendéen. Nous voyons aussi des problèmes de cohérence entre les cartographies de risques qui nous sont présentées, ce qui rend difficile leur appréhension par les élus et les citoyens". Pour Marie-France Beaufils, l'ampleur de la tâche incombant aux collectivités ne s'arrête pas aux ouvrages de protection. "Il va aussi falloir travailler sur la question des réseaux permettant un retour à la normale".
"Nous somme tous conscients que le chemin à parcourir est encore long, a reconnu Catherine Gibaud. Mais la compétence Gemapi va permettre de simplifier les structures intervenant dans la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations et celles-ci auront le temps de s'adapter. Quant à la taxe, si nous ne l'avions pas créée, on nous l'aurait reproché. Surtout, elle ne remet pas en cause les financements des agences de l'eau et du fonds Barnier (fonds de prévention des risques naturels majeurs, ndlr)."
 

 

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