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La résilience du plan THD gouvernemental à l'épreuve de la crise

Le ministre du Logement, Julien Denormandie, a confirmé le maintien des objectifs gouvernementaux en matière de couverture numérique à l'occasion de la présentation de la 8e édition de l'observatoire du THD même si les chiffres montrent que ce sera très difficile. D'autant plus que le nombre de logements à couvrir est supérieur à celui estimé initialement.

1,5 million de prises FTTH en moins, une demi-année de perdue…. L'impact de la pandémie sur le plan national de couverture va peser lourd dans la stratégie numérique gouvernementale. C'est ce qu'il ressort des chiffres présentés le 25 juin 2020 pour la 8e édition de l'observatoire du THD, élaboré par Infranum et l'Avicca avec le soutien de la Banque des Territoires. Plus précisément, le manque à gagner sur 2020 représente 1 million de prises et 0,5 million en 2021, le retour à la normale, compte tenu des contraintes sanitaires, n'étant envisagé qu'à partir de 2022. "Sans accompagnement, il ne sera pas possible d'atteindre les objectifs du THD pour tous en 2022" alertent les deux associations qui estiment que dans le meilleur des cas, 79% de la population devraient être desservis en fibre en 2022, soit 1% de moins que ce que prévoyait de gouvernement.

Les sanctions toujours d'actualité

Réviser les objectifs du plan THD ? "Hors de question" pour le ministre Julien Denormandie qui participait à la table ronde (virtuelle) suivant la présentation de l'observatoire. Rappelant les mesures prises pendant la crise sanitaire (simplifications, guides…), il a réaffirmé son soutien à la filière via des "avances de subvention" et certifié que le plan de relance gouvernemental comporterait un important volet numérique, "tant sur les infrastructures que sur les usages". Concernant les zones AMII et Amel ou encore les déploiements de pylônes dans le cadre du New Deal mobile, il a aussi assuré de la fermeté du gouvernement, aux cotés de l'Arcep, pour ne tolérer que des "retards démontrés", la crise du covid-19 ne pouvant servir de "prétexte". "Le L33.13 [article qui soumet les opérateurs à des sanctions en cas de retard NDLR] doit être pleinement utilisé" a-t-il soutenu. 

Cinq millions de logements à couvrir en plus

Le président de l'Arcep, Sébastien Soriano, a abondé dans ce sens mais appelé les associations à ne pas semer le doute sur les objectifs de couverture en parlant "d'un changement de référentiel ". En effet, l'Arcep a mis à jour le référentiel de logements utilisé pour le calcul des taux de couverture FTTH. Il est désormais basé sur les chiffres extraits des fichiers Informations Préalables Enrichies (IPE) des opérateurs et non plus sur la base logement de l'Insee, qui date au mieux de 2016. Or, en se fondant sur des données plus proches des évolutions démographiques et urbaines, le nombre de logements à raccorder s'accroît de 5 millions d'ici à 2025 par rapport au référentiel Insee. Plus précisément, ils sont évalués par l'observatoire à 39,7 millions de locaux en 2019, à 41,1 millions en 2022 et à 42,4 millions en 2025. Les opérateurs, notamment en zone AMII ou Amel pourraient donc être tentés de se réfugier derrière ces changements de base de calcul pour justifier des taux de couverture en dessous d'objectifs contractuels calculés en pourcentage.

400 millions d'euros en plus

Ce changement de référentiel impacte aussi le volet financier, sachant que les dernières prises seront les plus coûteuses… Or, les deux associations ont trouvé avec la crise sanitaire un argument supplémentaire pour demander la couverture du territoire à 100% en fibre optique en 2025. Un point qui figure en bonne place dans le plan de résilience numérique présenté le 23 juin par l'Avicca (voir ci-dessous). "Trois départements ont déjà atteint le 100% fibre, un quatrième devrait bientôt les rejoindre, il n'y a pas de raison de ne pas proposer du FTTH partout. Ce n'est qu'une question de volonté politique", a affirmé le président de l'Avicca, Patrick Chaize. Sur la base du référentiel, les associations réclament 400 millions d'euros supplémentaires par rapport aux 280 millions affectés par le gouvernement au FSN (soit au total 680 millions) pour achever la couverture du territoire en FTTH d'ici à 2025. Un point sur lequel Julien Denormandie a une nouvelle fois botté en touche. "La société du "Gigabit pour tous" en 2025 est un objectif européen, elle sous-entend que c'est celle du FTTH" a-t-il assuré… tout en réaffirmant la nécessité du mix technologique. Le satellite, le THD radio - et la 4G fixe a tenu à mentionner le ministre alors que cette technologie n'était pas listée par les associations - sont bien dans les solutions que les acteurs des RIP proposent de mobiliser en attendant la fibre. Pour autant, les associations craignent que faute d'ambition 100% FTTH, le provisoire dure dans certaines zones rurales.

Remettre de d'ordre dans les déploiements

Autre point évoqué, la multiplication des désordres dans les déploiements de fibre avec des armoires de brassage débordant de "paquets de nouilles".  Un phénomène que les deux associations imputent au mode STOC, acronyme de "sous-traitance opérateur commercial" qui se traduit par une sous-traitance en cascade des raccordements finaux à des intervenants pas toujours correctement formés. La responsabilité des opérateurs commerciaux se retrouve ainsi diluée, chaque intervenant se renvoyant la balle en cas de problème et la qualité de la connexion espérée pour l'abonné final n'est pas toujours au rendez-vous. Les deux associations appellent à remettre à plat urgemment ce mode STOC car il nuit à la commercialisation des réseaux. Sébastien Soriano a cependant jugé ces problèmes comme "normaux dans un processus en cours d'industrialisation". Pas question donc pour le moment de réguler.

L'Avicca présente son plan de résilience numérique

L'Avicca a présenté le 23 juin pour un "plan de résilience numérique"  avec 37 mesures opérationnelles . On y retrouve des leitmotivs de l'association comme l'objectif du 100% FTTH, en donnant priorité aux territoires les moins bien couverts en THD, la péréquation et l'affectation "d'un minimum" de 680 millions d'euros au FSN. L'Avicca converge aussi avec Infranum (notre édition) sur la nécessité d'aider les entreprises du THD à passer le cap de la crise ou encore sur la facilitation de la pose de fibre en aérien. Mais l'association met aussi l'accent sur les usages, la sécurité et l'inclusion. Elle appelle le gouvernement à concevoir un véritable "plan d'inclusion numérique", en mettant d'avantage de moyens humains. Elle demande d'accélérer l'accès des TPE/PME au THD, de développer les services cloud nationaux et de permettre une gestion mutualisée de la sécurité entre collectivités. En matière d'éducation enfin, elle insiste sur la nécessité d'un accompagnement de la transition numérique à l'école et de penser "l'école à distance" qui pourrait revenir en cas de regain épidémique.