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Congrès des maires - La survie du commerce physique dans les centres-villes déclarée d’intérêt général

La question de l’e-commerce et d’une nouvelle fiscalité économique locale a focalisé le débat sur le thème de l’innovation au service du dynamisme commercial des territoires, mercredi 21 novembre 2018, lors du 101e Congrès des maires. Le commerce physique, qui fait face à la concurrence de l’e-commerce, étant même déclaré "d’intérêt général" par certains.  

"Je ne pense pas que le sens de l’histoire soit de tout se faire livrer à domicile", a démarré d’emblée David Lisnard, maire de Cannes, lors de l'ouverture du forum dédié au thème de l’innovation au service du dynamisme commercial des territoires qui s’est tenu mercredi 21 novembre, porte de Versailles. “Le commerce physique, s’il n’est pas victime de distorsion de concurrence et si l’espace est aménagé pour créer des flux et rendre pratique l’accès aux vitrines, est porteur d’avenir.” Et c’est bien ce qui le préoccupe : la distorsion de concurrence entre l’e-commerce et le commerce physique : 3 taxes contre 85, à la louche. Pour résoudre l’anomalie, le politique a proposé l’introduction d’un amendement au PLF 2019 avec le député Benoît Potterie.
“L’idée c’est de dire que parmi les très nombreuses surcharges, il y a celle du poids de la fiscalité foncière qui ne pèse par définition que sur le commerce physique. Donc nous proposons une baisse de 10% sur tout le territoire national de la fiscalité foncière sur toutes les unités de moins de 400 m2, ce qui correspond, par extrapolation, à 340.000 millions d’euros”. Concrètement, il s’agirait pour le consommateur, lorsqu'il commande sur un site, de verser un 1 euro s’il souhaite se faire livrer chez lui. Cet euro reviendrait à la commune de destination. "Et si le consommateur prend l’option d’un 'click and collect', cela permettrait de développer les activités commerciales dans les villes et dans les villages", estime l’auteur de l’amendement qui a été rejeté le 8 novembre 2018,  critiqué notamment car n’établissant pas de distinction entre les grandes plateformes de vente en ligne et les e-boutiques de petites entreprises. "La réflexion de la relation entre fiscalité résidentielle et fiscalité des flux va revenir dans le cadre de la grande réforme de la fiscalité”, promet le porte-parole et vice-président de l’AMF.  Les arguments ne manquent pas. "L’activité de livraison à domicile, c’est H24 !”, souligne-t-il évoquant “l’usure, la consommation, l’entretien de l’espace public qui résulte de l’hypertrophie de la livraison à domicile”. Ce qui pose une problématique d’adaptation de la capacité des maires de gestion de l’espace public : conflits d’usage sur les livraisons, gestion "des jours et nuits", etc. "Face aux commerces, qui sont des résistants [...] il y a des prestataires qui ne participent pas d’un seul euro à l’entretien des routes, à l’éclairage public etc.”, pointe-t-il, concluant : “C’est ça la question que je veux poser : quelle est la fiscalité moderne qui nous permettra de trouver le juste équilibre ?” 

Une reprise de la maîtrise du foncier immobilier

"Tout le monde est concerné par l’évolution des modes de consommation après dix années de croissance du e-commerce à deux chiffres", renchérit Laurent Hénart, président de la commission Développement économique, tourisme, commerce de l’AMF. "Le débat sur la taxation des Gafa et une économie de flux en partie dématérialisée n’est pas un débat seulement pour l’Union européenne et l’Organisation mondiale du commerce, c’est un débat aussi pour la fiscalité économique locale." Il identifie un “besoin d’authenticité et de singularité de nos concitoyens". "Il n’y a pas un centre-ville qui ressemble à un autre”, se félicite le président l’AMF qui estime qu’ils échappent à une “standardisation grâce au bâti, aux monuments historiques”. "Les élus ne peuvent pas intervenir qu’en subventionnement. Ils doivent aussi être en capacité de maîtriser le foncier : d’acquérir, de transformer, de louer ou de revendre”, revendique le président de l’AMF et maire de Nancy, témoignant que dans sa commune, le taux de vacance des locaux commerciaux plafonne entre 6 et 7 %. “Le péril, c’est celui de la spéculation et de l’incapacité à transformer vite l’immobilier”, reconnaît-il. “À Nancy, on a créé une SEM patrimoniale dotée de 5 millions d’euros de capital qui permet d’acheter les immeubles quand l’initiative privée est défaillante”, illustre celui qui plaide pour une reprise en main de la maîtrise du foncier immobilier. 

Lutter contre la vacance

L’annonce de taux de vacance si faibles n’ont pas manqué de faire réagir la salle. “Nous avons acheté des bâtiments.  Aujourd’hui la ville est propriétaire de 150 m2 dans une petite cité de caractère. Mais le taux de vacance des commerces en centre-ville atteint 27%. Pas 6 à 7. 27% ! “, martèle Béatrice Latouche, maire d’une commune de 4.500 habitants, Le Lude, dans la Sarthe. Pour autant, depuis mars 2017, sept nouveaux commerçants se sont installés en centre-ville. “Nous ne sommes pas dans l’action Coeur de ville”, regrette l’édile. "Évidemment on n'a pas été sélectionné, trop petits, pas d’argent”, poursuit-elle regrettant la fonte des dotations Fisac (1). "Dommage qu’on ne soient pas aidés." Mais "nous avons voté il y a quinze jours, une baisse de 15% de la taxe foncière pour les commerces de moins de 400m2 dans ma ville. Chez nous c’est fait !”, a-t-elle annoncé fièrement. "Il n’y plus de Fisac pour rénover les commerces et rénover l’espace public”, confirme Jean Girardon, maire de Mont-Saint-Vincent (71), président de la Commission nationale d'aménagement commercial (Cnac). Pourtant, “plus les communes sont modestes, plus cet outil était précieux”, renchérit Laurent Hénart qui aurait souhaité que des programmes comme “Coeur de ville” puissent être ouverts à des communes plus petites que les villes dites “intermédiaires”. 

Éditorialiser les rues

L’initiative sur la commune de Lude est unanimement saluée. "Il faut croire à l’avenir et à la modernité du commerce physique qui est d’intérêt général”, déclare le maire de Cannes qui parle de "marketing territorial". "Il faut éditorialiser  les rues, créer des ambiances lumineuses, olfactives, créer de nouvelles formes de stationnement, des modes de transport accessibles aux familles et des transports en commun, développer les points relais, les rendre compatibles avec les commerces numériques. Il faut utiliser les techniques des centres commerciaux”, liste-t-il, enthousiaste. Car le commerce physique est "source de sécurité, d’éclairage, de sociabilité, d’emploi". De son côté, Laurent Hénart évoque de "nouvelles formes de commerces, les repair-cafés, les commerces indépendants, les pépinières etc. qui font la singularité" et auxquels il ajoute "quelques grandes enseignes, pour faire l’attractivité". 

La solution passe par les Scot et les inter-Scot 

"Les enjeux et les problèmes auxquels on est confrontés sont les mêmes qu’on soit des villes plus ou moins peuplés, et y compris pour les villes touristiques", estime la maire d’Avignon. "Je crois beaucoup à une intervention globale", déclare Cécile Helle qui se félicite de l’adoption récente d’une charte à l’échelle du Scot (2). Cette charte interdit toute nouvelle création commerciale, extension de ces zones commerciales et densification acceptée sous certaines conditions. "Cela commence à se savoir auprès de ceux qui investissent et cela les amène à avoir plus un dialogue avec les élus locaux, à être moins en terrain conquis", remarque la première élue d’Avignon. "La solution vient par les Scot et  inter-Scot", soulignent plusieurs intervenants. "Ils permettent éviter les effet d’aubaines pour une commune qui aurait tendance à accueillir ces projets pour des raisons fiscales", fait-on remarquer dans la salle. 

Nouvel élan pour les CDAC

"Les CDAC sont quand même très laxistes”, réagit Jean Girardon, président la Cnac. "On ne censure qu'un projet sur deux (…) Beaucoup d’élus se rendent compte que d’autoriser ce type de projet, c’est prendre le risque de devoir gérer d’énormes verrues." Lui aussi considère que la solution est dans les documents d’urbanisme et passe par les Scot, les inter-Scot et "un peu dans le volet 'revitalisation des centres-villes' du projet de loi Elan", définitivement adopté le 16 octobre. En effet le texte renforce le poids des Scot en rendant obligatoire et opposable le document d’aménagement artisanal et commercial (Daac). Les chambres consulaires vont réintégrer les CDAC et le porteur de projet commercial devra produire à la commission une "analyse d'impact" réalisée par un organisme indépendant. L'objectif : prouver qu'un projet en périphérie n'aurait pas pu être réalisé dans le centre. Autant d'outils réclamés par les maires et les élus locaux pour soutenir le commerce. Couplés à une nouvelle fiscalité appelée à se rénover vers plus équité entre le e-commerce et le commerce physique, le commerce de proximité aura peut-être les moyens de se réinventer. 

(1) Fisac : fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce
(2) Scot : schéma de cohérence territoriale

 

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