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L'Agence nationale du sport créée pour "mieux faire ensemble"

La gestation aura été longue et l'éclosion difficile, mais elle est née. Un arrêté du ministère des Sports daté du 20 avril 2019 porte approbation de la convention constitutive du groupement d’intérêt public (GIP) dénommé Agence nationale du sport. La nouvelle venue a été présentée à la presse mercredi 24 avril au stade de France, à Saint-Denis. Dans la foulée, s'est tenu son premier conseil d'administration.

Longue, la gestation le fut si l'on songe que la question du renouveau de la gouvernance du sport français s'est posée dès 2013. Plus près de nous, en novembre 2017, la ministre des Sports d'alors, Laura Flessel, installait un comité de pilotage dont l'objectif était de repenser l’organisation du sport français. Il s'agissait à la fois d'accroître l'autonomie du mouvement sportif et de clarifier le rôle de l'État et des collectivités territoriales. En juillet 2018, le comité rendait sa copie et ouvrait la voie à la création d’une agence constituée sous la forme d'un GIP. Le pilotage de la politique nationale du sport ne devait plus dépendre de l’État mais d'une gouvernance partagée au sein d'un organe où la répartition des voix serait de 30% pour l’État, 30% pour le mouvement sportif, 30% pour les collectivités et 10% pour les entreprises.

Égalité des territoires

Difficile, l'accouchement le fut. Il fallut d'abord donner une place, pas toujours prévue, à des organisations, telle que l'association d'élus France urbaine, désireuses de prendre leur place autour de la table en tant que membres fondateurs. "Le fait d'intégrer France urbaine dans la matrice de l'organisation de ce GIP ne nous dissocie pas de l'AMF. Mais nous avons voulu ce distinguo car dans la période 2020-2026, certains grands équipements indispensables à l'égalité des territoires seront pris en compétence par les intercommunalités", a expliqué Roselyne Bienvenu, première vice-présidente d’Angers Loire Métropole et référente sport de France urbaine

Il fallut ensuite contourner un dernier obstacle, l'avis défavorable du Conseil d'État, selon lequel le recours à un GIP était inadapté dans la mesure où l'État sera le seul contributeur financier (à hauteur de 350 millions d'euros en 2019, dont 30 millions pour les collectivités) d'une institution au sein de laquelle il partagera le pouvoir. Malgré l'invitation de la Haute Cour, le gouvernement a finalement écarté le recours à un établissement public administratif.

Développement des pratiques

Après deux reports, l'Agence nationale du sport est donc née. Derrière une ambition contenue dans le slogan "Mieux faire ensemble", elle aura un double rôle. Tout d'abord en matière de développement des pratiques sportives, puisqu'elle devra soutenir des projets visant le développement de l’accès au sport de tous les publics sur l’ensemble du territoire. "L’accompagnement des projets de développement des fédérations et de leurs déclinaisons territoriales, la correction des inégalités sociales et territoriales en matière d’accès aux pratiques et aux équipements sportifs, ainsi que le soutien aux équipements structurants au regard de la politique sportive nationale, bénéficient prioritairement des financements de l’État affectés au groupement", précise l'arrêté. D'autre part, en matière de développement de la haute performance sportive, puisque l'agence devra élaborer une stratégie nationale et internationale de mise en oeuvre des objectifs nationaux concernant le haut niveau, en particulier dans les disciplines olympiques et paralympiques. Il est d'ailleurs à noter que sur ce second axe, les droits de vote de l’État sont doublés pour atteindre 60%. Autrement dit, l'État pourra imposer sa volonté.

Déclinaisons territoriales

Il est en revanche une matière où les règles ne sont pas encore figées : les déclinaisons territoriales de l'agence, à savoir, les parlements du sport, instances de concertation, et les conférences des financeurs, forces de frappe économique. Ici, tout reste à créer. "On s'est battu lors de l'élaboration de la loi Notr pour que le sport reste une compétence partagée. Il faudra parfois faire fi des frontières administratives et avoir l'intelligence, tous ensemble, d'accompagner des démarches qui viendront du territoire ou seront impulsées par l'État", a souligné André Viola, président du conseil départemental de l'Aude et représentant de l'Assemblée de départements de France (ADF). De son côté, après s'être réjoui de sortir d'une période où "l'on mettait la main à la pâte sans être codécideur", David Lazarus, coprésident du groupe de travail sur le sport de l'Association des maires de France (AMF), a émis un souhait : "Le grand frein que nous rencontrons est le délai administratif, que nous créons parfois nous-mêmes. Si nous arrivons demain à avoir un guichet unique au niveau territorial, alors nous aurons réalisé une grande avancée pour le développement du sport."

Sur ce sujet important – car les financements aux équipements de proximité dépendront directement de ces instances régionales –, le lancement de l'agence a été l'occasion d'apporter un éclairage par la voix de Jean-Paul Omeyer, représentant de l'association Régions de France et président de la commission sport du Grand Est où une expérimentation est actuellement mise en place : "Nous n'allons pas décliner l'agence, mais la gouvernance sur le territoire, avec l'agence comme partenaire incontournable. Une fois de plus, l'objectif est de mettre tout le monde autour de la table, sans chef de file, pour répondre avec souplesse aux attentes de chaque territoire, car on ne peut pas avoir la même politique sportive en Île-de-France et dans la Meuse."

Plus généralement, si chacun a fait valoir l'audace de la création de l'Agence nationale du sport, de nombreux acteurs ont insisté pour dire qu'après ce départ réussi, il restait beaucoup de travail à réaliser.