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Accessibilité - L'avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi Elan prépare des lendemains difficiles pour les logements évolutifs

Le point est passé relativement inaperçu dans l'avis du Conseil d'Etat, pris en assemblée générale le 29 mars, sur le projet de loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) présenté au conseil des ministres quelques jours plus tard (voir nos articles ci-dessous des 4 avril et 6 mars 2018). Globalement positif sur le projet de loi, l'avis du Conseil d'Etat porte un regard plus critique sur "l'obligation d'accessibilité et l'obligation de produire des 'logements évolutifs'".

Le flou de la loi ouvre la porte aux recours

En pratique, l'obligation générale d'accessibilité de tous les logements neufs, instaurée par la loi Handicap du 11 février 2005, serait remplacée par une obligation de proposer des "logements évolutifs", susceptibles d'être adaptés à la survenue d'un handicap ou au vieillissement des occupants. Seul un quota de 10% des logements neufs devraient être effectivement accessibles d'emblée.
Sur ce point, le Conseil d'Etat estime notamment que "s'il est nécessaire, afin que le législateur ne méconnaisse pas l'étendue de sa compétence [...], de préciser qu'un logement est dit 'évolutif' lorsqu'il peut être rendu accessible à l'issue de travaux simples, il ne paraît pas possible de fixer, au niveau législatif, les conditions précises d'application de la mesure visant à la production, au sein des bâtiments d'habitation collectifs, d'un dixième de logements accessibles (et d'au moins un logement) tandis que les autres logements seraient 'évolutifs', sauf à empiéter manifestement sur la compétence du pouvoir réglementaire pour tenir compte des 'particularités propres' [...] de ces constructions".
En l'absence de toute précision législative sur la prise en compte des 10% de logements accessibles, mais aussi sur le cadre du "logement évolutif" et notamment sur la notion de "travaux simples" utilisée dans le projet de loi, on peut s'attendre à des contentieux (recours en excès de pouvoir) sur les décrets qui devront mettre en œuvre ces dispositions de l'article 18 du projet de loi.

Accessibilité : une rédaction qui "ne s'avère pas satisfaisante"

Un autre aspect de l'avis du Conseil d'Etat sur la question de l'accessibilité des logements laisse également entrevoir de possibles recours, cette fois-ci d'ordre constitutionnel. En effet, à l'occasion de la réécriture - "à droit quasi constant" - de l'article L.111-7-1 du code de la construction et de l'habitation (accessibilité des logements) par le projet de loi, le Conseil d'Etat "attire l'attention du gouvernement sur la nécessité d'une clarification des dispositions de la section III du chapitre Ier du titre Ier de ce code, relative aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, dont la rédaction actuelle ne s'avère pas, au regard de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, satisfaisante".
Certes, le Conseil constitutionnel n'est nullement tenu par les avis du Conseil d'Etat dans ses décisions portant sur la constitutionnalité des lois ou sur les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Mais l'expérience montre un lien fréquent entre les prises de positions du Conseil d'Etat et celles, ultérieures, du Conseil constitutionnel. Et un recours sur l'actuel article 18 de la loi Elan apparaît très vraisemblable, compte tenu de la forte mobilisation des associations de personnes handicapées sur le sujet (voir notre article ci-dessous du 5 mars 2018).