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Le Cese plaide pour des trajets domicile-travail plus écologiques et plus justes

Un an après le début du mouvement des gilets jaunes et en attendant l'adoption définitive au Parlement du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté ce 13 novembre un avis intitulé "Travail, emploi et mobilités" dans lequel il formule des propositions très concrètes pour répondre aux enjeux de transition écologique et de justice sociale induits par les déplacements domicile-travail.

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté ce 13 novembre à une très large majorité – 147 voix pour, 15 voix contre et 7 abstentions – un avis intitulé "Travail, emploi et mobilités" qui pose fort opportunément la question des trajets domicile-travail sous l'angle environnemental et social. À l'origine du déclenchement du mouvement des gilets jaunes il y a un an, la hausse du prix des carburants a mis en exergue la dépendance à la voiture de la majeure partie de la population pour se rendre au travail. Reprenant les chiffres de l'enquête Insee sur les mobilités, le Cese rappelle que les véhicules motorisés représentaient en 2015 le moyen de transport le plus utilisé, avec 70% de ces déplacements. Les modalités de déplacement entre le domicile et le lieu de travail sont de surcroît marquées par des inégalités sociales et territoriales, souligne le Cese. Ainsi, dans les communes rurales, seules 17% des personnes déclarent avoir le choix de leur mode de transport contre 67% dans les villes-centres des métropoles et les espaces de faible densité comptent la plus forte proportion d'automobilistes quotidiens – 64% contre 31% dans les villes centre de métropoles et 5% pour Paris intra-muros. Pour certains ménages, le budget consacré à la mobilité peut atteindre 40% du revenu, constate encore le Cese. Les déplacements domicile-travail constituent l'un des enjeux du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) qui arrive en dernière lecture à l'Assemblée nationale ce 19 novembre. Le texte met en particulier l'accent sur la mise en œuvre des plans de mobilité des employeurs en envisageant une nouvelle obligation de négocier. Le Cese considère aussi la politique des mobilités comme "un levier de la transition écologique" qui doit être "l'affaire tous".

Trois axes prioritaires

Il formule donc des préconisations dans trois directions. Le premier axe consiste à s'appuyer sur les nouvelles autorités organisatrices des mobilités (AOM) pour améliorer les trajets domicile-travail. Il prévoit notamment d'étendre le versement mobilité aux territoires couverts par les futures AOM régionales si le défaut de financement de ces autorités est confirmé, de consulter les AOM compétentes sur l'implantation d'établissements de plus de 49 salariés et de zones d'activités économiques ainsi que sur les programmes locaux d'habitat des collectivités territoriales et de développer les "contrats de réciprocité ville-campagne" pour faciliter, en milieu rural, la mise en œuvre du télétravail, l'installation d'espaces de travail partagés ainsi que le conception de pôles d'échange multimodaux en lien avec les métropoles. Il propose aussi de placer sous la responsabilité des AOM régionales un "guichet unique" chargé de l'information sur l'offre de services et la tarification des mobilités, ainsi que de l'exploitation des données numériques collectées sur les flux de mobilités, et de consulter les Ceser sur l'offre régionale de services de mobilités et sur la délimitation des bassins de mobilité.
Le deuxième axe de propositions, qui vise particulièrement les partenaires sociaux et les acteurs territoriaux, porte sur la négociation et la mise en œuvre des plans de mobilité. Il entend préciser le contenu de ces plans et relever le plafonnement prévu par le code général des impôts pour les prises en charge cumulées d'autres frais de transport au titre des mobilités durables et des frais d'abonnement aux transports publics. Il juge aussi nécessaire de prévoir un versement additionnel à celui destiné au financement des services de mobilité lorsqu'un établissement n'a pas souscrit à ses obligations en matière de "plan de mobilité" et d'attribuer aux AOM la mission d'appui aux entreprises et aux administrations dans la conception et la mise en œuvre de leur plan de mobilité.
Le troisième axe consiste à orienter la politique des mobilités liées aux activités professionnelles en fonction de critères de justice sociale et environnementale. Afin de favoriser la conversion des flottes de véhicules professionnelles en véhicules propres, le Cese recommande de concevoir une fiscalité et des règles de comptabilité publique incitant les structures privées et publiques à investir dans des véhicules faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. Il préconise en outre que des aides à l'équipement en véhicules propres et en bornes électriques soient apportées aux très petites entreprises ainsi qu'aux travailleurs indépendants dans les territoires qui n'offrent aucune alternative à la voiture individuelle. Il propose aussi d'inclure les frais de déplacements entre deux interventions des personnels du secteur de l'aide à domicile dans le coût des prestations tarifées par les départements, de même que le renouvellement de leur véhicule. Enfin, dans la continuité des préconisations formulées dans son avis "Climat-énergie" du 9 avril dernier, il recommande la mise en place de mesures transitoires de redistribution d'une partie du produit de la hausse de la TICPE à destination des ménages à revenus modestes contraints d'utiliser une voiture pour se rendre au travail, à une formation ou pour rechercher un emploi notamment dans les territoires enclavés.