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Le Conseil de l’Europe invite à encadrer strictement les usages de la reconnaissance faciale

Le Conseil de l’Europe vient de publier des lignes directrices sur la reconnaissance faciale à l’intention des gouvernements et décideurs. Compte tenu de la sensibilité des données traitées et des risques pesant sur la vie privée, il invite à interdire tous les usages générateurs de potentielles discriminations ou visant à capter des émotions.

Le Conseil de l'Europe a publié le 28 janvier 2021 des lignes directrices sur l’usage des technologies de reconnaissance faciale. L’organisation de défense des droits de l’homme (47 États membres) invite législateurs et entreprises à "interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale dans le seul but de déterminer la couleur de la peau, les croyances religieuses ou autres, le sexe, l’origine raciale ou ethnique, l’âge, l’état de santé ou le statut social d'une personne". Une interdiction que le Conseil veut étendre aux technologies de "reconnaissance de l’affect" permettant de "détecter les traits de personnalité, les sentiments intérieurs, la santé mentale ou l’engagement des salariés".

Encadrer chaque catégorie d’usage

Pour le Conseil de l’Europe, l’usage des technologies de la reconnaissance faciale n’a rien d’inéluctable et il ne tient qu’aux dirigeants européens de les "arrêter". Si la technologie peut simplifier l’accès à certains services (comme le déblocage de smartphone ou d’ordinateur), le Conseil de l’Europe invite à encadrer les usages d’une technologie potentiellement liberticide ou discriminante. Plutôt qu’un texte générique, l’organisation invite à légiférer par catégorie d’usage en précisant à chaque fois la finalité poursuivie, la fiabilité minimale de l’algorithme utilisé, la durée de conservation des images, le contrôle des critères employés et la traçabilité des processus.

Stopper les dérives en cours

Dans son avis, le Conseil de l’Europe s’inquiète de plusieurs dérives d’ores et déjà à l’œuvre dans le monde occidental. Il demande ainsi l’interdiction de concevoir des algorithmes de reconnaissance faciale à partir d’images collectées sur internet ou sur les médias sociaux sans consentement des personnes photographiées. Il s’inquiète aussi de la possibilité de recourir à de simples mises à jour de systèmes de vidéosurveillance pour y intégrer des fonctionnalités de reconnaissance faciale. D’une façon générale, il estime que "les législateurs et les décideurs devraient veiller à ce que les bases de données d'images numériques existantes, initialement utilisées à d'autres fins, ne puissent servir à extraire des modèles biométriques".

Pas de consentement possible

Concernant l’usage de la reconnaissance faciale dans l’espace public, le Conseil de l’Europe estime que "le consentement ne devrait pas être le fondement juridique utilisé pour la reconnaissance faciale effectuée par les autorités publiques compte tenu du déséquilibre des pouvoirs entre les personnes concernées et ces autorités". Il appelle à ce que tous les usages soient strictement encadrés par la loi et justifiés au regard des finalités poursuivies. Pour vérifier la nécessité et la proportionnalité des dispositifs de reconnaissance faciale, le Conseil de l’Europe suggère l’organisation de tests préalables. Il insiste aussi sur la transparence des algorithmes, leur "loyauté"  et la nécessité de maintenir de "l’humain" dans les processus décisionnels.

Un sujet absent de la loi de sécurité globale

Le Conseil de l’Europe invite enfin les Etats membre à s’appuyer sur les autorités de contrôle existantes (la Cnil en France) et à développer des systèmes de certification des systèmes proposés par les fabricants. Les recommandations du Conseil de l’Europe rejoignent très largement celles de la Cnil. Et si certains parlementaires auraient souhaité utiliser le véhicule de la loi de sécurité globale pour définir ces interdictions, or force est de constater que la proposition va plutôt dans le sens d’un recours accru aux images (camera piéton, drone) sans aborder le sujet essentiel du contrôle des algorithmes les traitant.