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Le droit d’accès aux documents et données administratifs encore loin d’être effectif

Dans un rapport intitulé "Transparence : il est temps de respecter la loi !" publié début avril 2022, la députée des Français de l’étranger Paula Forteza (ex LREM), dénonce les écarts entre les obligations légales et la réalité de l’accès aux documents administratifs. Au-delà de la question des moyens de la Cada, l’élue propose quelques pistes de réformes sans bouleverser le cadre existant.

En 2021, la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) a été saisie plus de 7.000 fois par des citoyens, des journalistes ou des organisations souhaitant accéder à des rapports, données, codes sources et autres documents. Si dans 80% des cas, la commission a donné un avis favorable à ces demandes, seulement 58% des administrations se sont soumises à l’avis de la Cada. Pire, de l’avis même de celle-ci, 40% des saisines ne devraient pas avoir lieu du fait des obligations de transparence énoncées par la loi de 1978 et renforcées en 2016 par la loi Lemaire. Cette dernière instaure en effet l’open data "par défaut" pour les administrations et leur demande d’ouvrir leurs codes sources et algorithmes.

Des acteurs publics qui ne respectent pas la loi

"Alors que la défiance envers les institutions et responsables publics ne cesse de croître, il est urgent que cet impératif démocratique devienne plus effectif, et que l'ensemble des acteurs publics respecte tout simplement la loi", s’inquiète la députée Paula Forteza dans un rapport réalisé en son nom propre et publié début avril. La députée qui a fait du gouvernement et du Parlement "ouverts" son principal cheval de bataille détaille le parcours du combattant auquel sont confrontés les citoyens en quête de transparence. Les témoignages qu’elle a recueillis avec l’appui de l’ex-journaliste de NextINpact Xavier Berne font état de "mauvaise foi voire d’obstruction de certaines administrations, qui vont parfois jusqu’à détruire des documents à communiquer". Il faut également être patient, avec une moyenne de 82 jours pour obtenir un avis de la Cada, un délai qui va "toujours au-delà de ce qui est prévu par les textes". Il est enfin difficile pour les demandeurs de trouver le bon interlocuteur : même les services du Premier ministre ne respecteraient pas la loi du fait de l’absence de désignation d’une "personne responsable de l'accès aux documents administratifs" (Prada). A peine la moitié des administrations soumises à cette obligation l’auraient fait.

Des collectivités loin d’être exemplaires

Loin d’être anodin, ce droit d’accès aux documents administratifs a trouvé un écho particulier dans l'actualité avec les difficultés d’accès des journalistes aux études demandées par le gouvernement au cabinet de conseil McKinsey ou encore au rapport complet des inspections menées par les services de l’Etat sur le groupe Orpéa. Si la députée n’établit pas de palmarès des administrations les plus récalcitrantes, le site "madada", qui permet de suivre l’ensemble des demandes de documents auprès des organismes soumis à des obligations Cada, montre que les collectivités ne seraient pas épargnées par le manque de transparence. Les statistiques produites par le site indiquent par exemple que sur 18 demandes à la ville de Paris, 8 ont abouti. Un score qui tombe à 10 pour 1 à Nice et à 7 pour 1 à Toulouse. Le département du Nord et la métropole de Lyon font mieux avec des chiffres de 7 demandes pour 4 et 10 pour 8 à la métropole de Lyon. Détail des algorithmes utilisés par les collectivités, chiffres et rapports sur la vidéoprotection et police municipale, détail de la commande publique… les dossiers où cela coince ne manquent pas.

Rendre l’avis de la Cada contraignant ?

Pour rendre le droit d’accès aux documents, données et algorithmes plus effectif, Paula Forteza propose plusieurs pistes. Les sous-effectifs de la Cada figurent sans surprise au premier rang. Avec seulement 17 ETP et un budget de 1,4 million d’euros, contre 38 millions pour l’Arcom, la Cada peut difficilement faire face à l’augmentation des saisines. Elle estime aussi que les administrations se réfugient trop facilement derrière la dizaine d’exceptions à la communicabilité - secret des affaires, secret des délibérations… - et souhaite qu’elles soient "mises en balance" avec la nécessaire transparence de l’action publique. Elle suggère ainsi que certains documents protégés soient communiqués "au regard de l’intérêt public d’en connaitre le contenu". Elle émet aussi l’idée de sanctionner les récalcitrants en conférant à la Cada un pouvoir d’injonction sur le modèle de la Cnil. En cas d’avis favorable de la Cada, l’administration aurait l’obligation de communiquer le document, sauf si elle décide de saisir le juge administratif. Et en cas d’avis négatif, les motivations de l’administration concernée seraient rendues publiques. A court terme, elle souhaite que le Parlement se saisisse officiellement du sujet en créant une commission d’enquête et une mission d’évaluation de la loi République numérique de 2016.