Le logement passe de la "bombe sociale" à "l’incendie", selon la FFB

Après plusieurs années d’une crise interminable pour le secteur de la construction, la Fédération française du bâtiment a tiré le bilan de 2024, entre retraits d’opérations, chute de la production et défaillances d’entreprises. Dénonçant un amoncellement contreproductif de normes, Grégory Monod, président du pôle habitat, a par ailleurs enjoint l’État de prendre ses responsabilités vis-à-vis des élus locaux réticents aux nouvelles constructions.

"J’espère qu’on a touché le fond !", a déclaré tout de go Grégory Monod, président du pôle habitat de la Fédération française du bâtiment, lors d’un point presse organisé jeudi 27 février. "Je suis de nature plutôt optimiste, mais n’oublie pas pour autant d’être prudent." Qui ne le serait pas après les trois années de baisse brutale de la production de logements ? 

Bien que l’inflation semble désormais contenue (1,6% selon les dernières données gouvernementales, contre 6,3% en février 2023) et que les crédits immobiliers décollent grâce à des taux en baisse, les ventes de logements neufs ont continué de diminuer en 2024 pour atteindre -10% en glissement annuel sur 12 mois. Une chute certes moins lourde que pour les années précédentes, mais qui situe le nombre de transactions à près de -50% par rapport aux moyennes annuelles de long terme. Un bilan qui s’accompagne d’un recul des autorisations de plus de 12%, d’abandons d’opérations (1 projet sur 3 selon la FFB), ainsi que de défaillances d’entreprises (+147% pour la promotion immobilière et +30% pour le BTP) et de destructions d’emplois massives (-40% des effectifs dans le BTP), hypothéquant les perspectives de la production future.

"Une autorisation ne donne pas forcément lieu à une mise en chantier", a rappelé Grégory Monod, qui estime à environ 30% la différence entre ces deux étapes. Selon la FFB, une perte d’effectifs de l’ordre de 5 à 10% est à prévoir sur le premier semestre 2025, touchant les équipes commerciales comme techniques. "Quand on casse un outil de production, il faut plusieurs années pour le remettre en route", a soufflé Grégory Monod, qui y voit l’un des enjeux des prochains mois. "La bombe sociale a explosé, aujourd’hui c’est un incendie. Il faudra du temps pour l’éteindre. Derrière l’industrie que nous représentons, il y a des besoins primaires pour nos concitoyens !"

Du courage politique en 2025

Pour la FFB, le seul segment à même de permettre une reprise rapide est celui de la maison, qui bénéficiera du prêt à taux zéro dès le 1er avril prochain et redonnera de fait un semblant d’oxygène à la filière. Avec l’extension du PTZ, l’exonération des droits de donation constitue aussi un signal encourageant. La FFB a néanmoins une revendication à ce sujet et demande une tolérance dans la doctrine fiscale pour l’éligibilité de la construction de logement neuf. "Des discussions sont en cours sur ce point", a assuré Grégory Monod. A ceux qui considèrent ladite exonération comme "une mesure pour riches", le président du pôle habitat de la FFB répond qu’elle permettra de débloquer de l’épargne afin de constituer de l’apport pour les primo-accédants. "Cette mesure présente un effet solvabilisateur important !", a-t-il estimé.

Plusieurs chantiers restent à mener en 2025, notamment sur le plan de l’investissement locatif qui nécessite un statut universel, pérenne et incitatif. "Il faut arrêter avec ces lois exceptionnelles qui portent le nom du ministre en exercice ! Une mission parlementaire dédiée a été lancée, nous attendons de voir qui va s'en saisir", a déclaré Grégory Monod, en espérant que le dispositif puisse être ancré dans la loi de finances pour 2026. 

S’agissant de l’année prochaine, un autre sujet éminemment politique est arrivé sur la table : celui des élections municipales, qui devront instaurer un débat local sur la construction. 

" L’État doit prendre ses responsabilités vis-à-vis des collectivités locales : trop de PLUi, de PLU et autres documents d’urbanisme ne permettent pas de construire, en ajoutant de la norme sur la norme", s’est agacé Grégory Monod en enjoignant les élus locaux à faire preuve de "plus de pragmatisme" et à "mettre les acteurs économiques autour de la table" lors de l’élaboration des documents. Ces derniers, a estimé le président du pôle habitat de la FFB, sont "en inadéquation avec la réalité des marchés". 

Christophe Boucaux, délégué du pôle habitat, a tenu également à aborder le sujet des surcoûts liés à l’évolution des seuils de la RE2020, "qui découlent d’une anticipation française de la réglementation européenne sur la performance énergétique et environnementale des bâtiments". Selon lui, et hors effet inflation sur le prix des matériaux, cette évolution aurait impacté d’environ 7% le prix moyen d’une maison. "Les premières évaluations sur les seuils 2028 sont de l’ordre de 8 à 12%", a-t-il constaté.

 

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