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Le monde de la culture entrevoit enfin le bout du tunnel

Emmanuel Macron et Franck Riester ont annoncé ce 6 mai une série de mesures nouvelles en faveur du secteur de la culture. Un "grand programme de commandes publiques", la prolongation des droits des intermittents jusqu'en août 2021, un fonds d'indemnisation pour les tournages, un "fonds festival" abondé par les collectivités... Le calendrier de réouverture des lieux culturels et artistiques a en outre été réexpliqué.

Arrivé aujourd'hui presque à bout de nerfs, le secteur de la culture commence enfin à sortir de l'incertitude. Jusqu'alors grand oublié des diverses mesures de soutien – dans la quarantaine d'ordonnances promulguées depuis le début de l'état d'urgence sanitaire, seules quelques dispositions ponctuelles concernent ce domaine, et encore sur des sujets assez limités comme les droits d'auteur –, le secteur pouvait difficilement se satisfaire des annonces du ministère, comme la création d'une "cellule d'accompagnement des festivals 2020" (voir notre article ci-dessous du 7 avril 2020), ou de l'accroche figurant en bonne place sur son site : "Covid-19 : le ministère de la Culture informe et écoute les professionnels". Les mesure présentées sur la rubrique dédiée du ministère sont d'ailleurs, pour une bonne part, des mesures d'ordre général, comme les prêts garantis ou les mesures sur l'emploi. L'inquiétude du monde de la culture a encore été accrue par les hésitations sur le sort des festivals, avec le lancement hasardeux de la notion de "petit festival" (voir nos articles ci-dessous).

Un grand programme de commandes publiques, pour que "les lieux de création revivent"

Féru de culture, Emmanuel Macron a donc repris les choses en main. Dans la matinée du 6 mai, il s'est ainsi entretenu en visioconférence avec des représentants de toutes les composantes du secteur. A l'issue de cette réunion virtuelle, le chef de l'État a annoncé son intention de lancer un "grand programme de commandes publiques" auprès de divers métiers du secteur culturel. Expliquant qu'"il faut que les lieux de création revivent" – tout en respectant les contraintes de l'état d'urgence sanitaire –, Emmanuel Macron souhaite "qu'on mette le paquet [...] que ce soit [pour] les métiers d'art, les spectacles vivants, la littérature, les arts plastiques". Il a indiqué penser "en particulier aux créateurs de moins de 30 ans".

Sur la réouverture des lieux de culture, le chef de l'État estime qu'"on doit pouvoir rouvrir les librairies, les [petits] musées sans qu'il y ait trop de brassages, les disquaires, les galeries d'art". De même, les théâtres doivent pouvoir "commencer" à fonctionner et à répéter. Il est par ailleurs prévu "un point fin mai et début juin" pour l'accueil du public dans les lieux de spectacle vivant et les festivals. Les cinémas, les salles de concerts, les théâtres et les autres musées restent en revanche fermés jusqu'à nouvel ordre. Dans sa deuxième présentation de la stratégie de déconfinement, au Sénat le 4 mai, Edouard Philippe avait d'ailleurs indiqué que "la situation sera réévaluée fin mai pour une décision effective au 2 juin" (voir notre article ci-dessous du même jour).

Un an d'indemnisation garantie pour les intermittents, mais sans "année blanche"

Côté audiovisuel, le chef de l'État a fait part de son intention de créer un fonds d'indemnisation pour les séries et les tournages de cinéma qui ne peuvent être menés à bien en raison de la pandémie de covid-19. Cette indemnisation, qui sera discutée avec les assureurs, se fera toutefois "au cas par cas".

Emmanuel Macron était également très attendu sur la question des intermittents. Sur ce point, il a indiqué qu'il souhaite prolonger de douze mois les droits à l'assurance-chômage des intermittents du spectacle. Il demande "que l'on s'engage à ce que les artistes et techniciens intermittents soient prolongés d'une année, au-delà des six mois où leur activité aura été impossible ou très dégradée, c'est-à-dire jusqu'à fin août 2021". Emmanuel Macron a cependant réfuté le concept d'"année blanche" mis en avant par ces derniers, laissant ainsi entendre que les productions de spectacles pourraient recommencer avant cette échéance. Évoquant cette indemnisation, il s'est dit en effet convaincu que les mesures mises en œuvre allaient "donner suffisamment confiance pour que, quasiment, on n'en ait pas besoin".

Après avoir ainsi tracé les grandes lignes d'un "plan pour la culture", le chef de l'État a laissé la parole à Frank Riester, qui a détaillé certaines mesures depuis le perron de l'Élysée.

Des "mesures de résilience", pour "accompagner la reprise"

Le ministre de la Culture a évoqué "la crise terrible que traverse la culture, que traversent les femmes et les hommes qui sont l'âme de la culture". Il a rappelé "les mesures d'urgence prises dès le départ pour protéger cet écosystème", mais prévues pour "la totalité de notre société" (prêts garantis par l'État, fonds de solidarité, chômage partiel, report de cotisations...).

Mais "des compléments sont nécessaires pour que personne ne soit laissé sur le bord du chemin". L'objectif est donc "d'ajuster les dispositifs au plus près des problématiques de chaque artiste, de chaque technicien, de chaque acteur de la culture". Le plan correspond ainsi plutôt à des "mesures de résilience", pour "accompagner la reprise, dans les semaines qui viennent, des activités culturelles, des répétitions d'artistes, du spectacle vivant, des ouvertures de salles de cinéma". Viendra ensuite "le temps de la refondation", pour "réaffirmer la force du modèle français de la culture".

Franck Riester est revenu, pour conforter les annonces du Premier ministre, sur le calendrier de la reprise. Rouvriront ainsi, à partir du 11 mai, les librairies, les disquaires, les bibliothèques, les médiathèques, les galeries d'art et "un certain nombre de musées et un certain nombre de monuments historiques", dès lors qu'ils respectent les normes de sécurité sanitaire. Pour le spectacle vivant, les compagnies – mais pas les spectateurs – pourront commencer à "réinvestir les lieux" à partir du 11 mai. La question d'autoriser des rassemblements de plus de dix personnes – et donc les spectacles et les festivals – sera posée à la fin du mois de mai. Franck Riester estime "qu'à ce moment-là, en étant inventif, en faisant preuve à la fois de bon sens et de créativité", il pourrait être possible "de trouver des façons de remettre des artistes devant leur public". Une telle mesure sera toutefois discutée avec les maires, les préfets et les professionnels du secteur.

Enfin, les grands rassemblements de plus de 5.000 personnes, qui nécessitent une autorisation préfectorale, "ne seront toujours pas ouverts avant fin août".

Intermittents : une occasion de "réinventer" l'éducation artistique et culturelle

Sur l'intermittence, Franck Riester a rappelé que le gouvernement a "sanctuarisé" les trois mois du confinement, de début mars à fin mai. Il faut maintenant "donner des garanties pour l'avenir". A ce titre, la prolongation des droits des intermittents jusqu'à la fin du mois d'août 2021 constitue "une décision très forte, un pacte de confiance". Durant cette période d'un an, le ministre de la Culture réaffirme le souhait du chef de l'État que les intermittents du spectacle, et plus largement les artistes, s'impliquent davantage dans l'éducation artistique et culturelle, qui doit être "réinventée". Dès le 7 mai, Franck Riester et Jean-Michel Blanquer vont coprésider une réunion du Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle et "travailler à ce que pourrait être une plateforme de mise en contact entre les artistes et l'éducation nationale". Cette approche pourrait se poursuivre au-delà de la période scolaire, "dans le cadre d'un été apprenant et culturel".

Un fonds pour les tournages et un fonds pour les festivals

Les tournages pourraient reprendre, de façon limitée, dès ce mois de mai, mais la situation devrait se décanter surtout à partir de la fin du mois, dès lors que les conditions de sécurité sanitaire pourront être assurées. Le gouvernement a par ailleurs décidé la création d'un fonds d'indemnisation dans la mesure où les assureurs ne pouvaient pas s'engager dans le cadre des contrats classiques. L'État souhaite que ce fonds, dont les "moyens lourds" sont en train d'être définis avec le CNC, soit abondé par les régions, mais aussi cofinancé par les assurances et "pourquoi pas par les banques". Pour sa part, le Centre national de la musique, créé le 1er janvier 2020, sera doté de 50 millions d'euros pour bâtir des plans d'accompagnement des acteurs du monde musical.

En complément, sera aussi créé un "fonds festivals, qui viendra soutenir ces milliers de festivals qui sont la force et la vitalité" du spectacle. Le gouvernement souhaite également que les collectivités, et notamment les régions, abondent ce fonds festivals.

Rapport Bricaire : des normes, mais "qu'on peut mettre en œuvre"

Après que le chef de l'État a évoqué "l'avalanche de normes", Franck Riester a semblé prendre quelques distances avec le rapport du professeur François Bricaire, chef de service honoraire d'infectiologie et membre de l'Académie de médecine, sur "La culture et le déconfinement covid-19 : propositions d'un processus de réouverture des lieux de spectacles, de tournage et de répétitions", remis au chef de l'État le 30 avril. Face à ce rapport qui inquiète les acteurs culturels par le caractère particulièrement drastique des mesures proposées, le ministre de la Culture a expliqué que "ça doit continuer à être étudié et discuté, pour que ça soit à la fois des normes de sécurité, mais aussi des normes qu'on peut mettre en œuvre"...

Enfin, pour refonder le modèle culturel français, un "point de rencontre" est prévu à la fin du mois d'août avec les artistes. Il sera précédé par de nombreux échanges et rencontres au cours du mois d'août.

Auvergne-Rhône-Alpes annonce un plan de 32 millions d'euros pour la culture

Sollicitées par Franck Riester pour participer notamment au financement du fonds d'indemnisation des tournages ou à celui du fonds festivals, les régions n'ont pas attendu cette demande pour s'engager (voir par exemple notre article ci-dessous du 10 avril 2020). La région Auvergne-Rhône-Alpes vient ainsi d'annoncer, également le 6 mai, un "plan de soutien aux acteurs culturels". Doté d'une enveloppe de 32 millions d'euros, ce plan prévoit en particulier le maintien des subventions aux festivals annulés (ce qui correspond à une dépense qui était déjà budgétée), mais aussi des prêts à taux zéro pouvant aller de 3.000 à 20.000 euros. Des aides sont également prévues pour compenser les pertes imputables à l'annulation ou au report de projets. De même, une enveloppe de 4 millions d'euros est prévue pour le cinéma. L'objectif est moins de compenser l'arrêt des tournages – comme dans le cas du fonds de compensation annoncé par l'exécutif –, mais plutôt de soutenir la création cinématographique régionale et les salles de cinéma indépendantes. Ainsi, les salles s'engageant à organiser durant une semaine, entre le 1er septembre et le 31 octobre 2020, une action de mise en valeur de films tournés dans la région bénéficieront d'une subvention de 1.500 euros. Une initiative similaire, qui fait l'objet d'un appel à projets, est également en cours auprès des libraires.
 

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