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Le nouveau diagnostic de performance énergétique se veut plus fiable, plus lisible et plus en phase avec le climat

La nouvelle mouture du diagnostic de performance énergétique (DPE) a été annoncée ce 16 février par Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon. Tous les nouveaux diagnostics réalisés à partir du 1er juillet 2021 suivront la méthode et le format déterminés par cette refonte qui vise à la fois à rendre le DPE plus fiable, plus lisible et complet pour les usagers, et plus cohérent avec les enjeux climatiques. Rendu opposable, le nouveau DPE servira notamment à mettre en oeuvre l'interdiction progressive de la location des "passoires thermiques" qui sera généralisée à partir de 2028.

Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon ont annoncé, le 16 février dans un communiqué, la nouvelle mouture, profondément rénovée, du diagnostic de performance énergétique. Le DPE est l'une des clés de voûte de la politique de rénovation énergétique des logements et de mise en œuvre des engagements de la France en matière de climat. C'est notamment sur sa base que sera mise en œuvre l'interdiction progressive de la location des "passoires thermiques" (logements classés F ou G sur une échelle de A à G), qui sera généralisée à compter de 2028. Le nouveau DPE entrera en vigueur le 1er juillet prochain, la date initialement prévue du 1er janvier ayant dû être reportée pour cause de pandémie. Il deviendra alors un document juridiquement opposable – au même titre que les autres diagnostics sur les bâtiments (installations électriques, amiante, plomb...) – et non plus seulement un document d'information. 

Trois arrêtés à venir en mars

Le principe du nouveau DPE a été acté dès la loi Elan (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018. Sa refonte a déjà fait l'objet de deux décrets du 17 décembre 2020 (voir notre article du 11 janvier 2021). Elle se traduira également dans le projet de loi "portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets" (dit également "Climat et Résilience"), présenté au conseil des ministres du 10 février (voir notre article du 12 février 2021).
Enfin, trois arrêtés viendront préciser la méthode de calcul et la définition des étiquettes. La publication de ces arrêtés est prévue pour mars 2021. Cette échéance semble assez ambitieuse, sachant que le ministère prévoit de les mettre en consultation publique la semaine prochaine pour une durée de trois semaines, et qu'il reste à recueillir les avis du CNTGI (Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières), du CSE (Conseil supérieur de l'énergie), du CSCEE (Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique) et du CNH (Conseil national de l'habitat), qui doivent s'échelonner entre le 3 et le 10 mars, avec envoi des projets de textes quinze jours avant.

Pour un DPE enfin harmonisé et fiable

En attendant, la refonte du DPE répond à trois objectifs. Le premier, et le plus essentiel, est celui de la fiabilité. Créé en 2006 et désormais bien connu du public, le DPE actuel présente en effet de sérieuses lacunes en termes de fiabilité, qui nuisent à sa crédibilité. La principale faiblesse est la coexistence de deux DPE : le DPE s'appuyant sur les caractéristiques physiques du logement (bâti, qualité de l'isolation, type de fenêtres, système de chauffage...) et le DPE "sur factures" (factures d'énergie), qui aboutit à produire des "DPE vierges" lorsque aucune facture n'est disponible (ce qui représente tout de même 20% des DPE actuels). Outre ce biais majeur, le DPE "sur factures" a l'inconvénient de refléter davantage le mode de vie et les habitudes de consommation des habitants que la performance énergétique réelle du logement.
La réforme élimine donc le DPE sur factures au profit de la seule appréciation des caractéristiques physique du bâtiment. Elle prévoit aussi une méthode rénovée intégrant de nouveaux paramètres, permettant une évaluation plus représentative de la performance du bâtiment : consommations énergétiques en matière d'éclairage et d'auxiliaires, mise à jour des scénarios météorologiques, prise en compte des équipements les plus récents ou encore calcul thermique amélioré. Cette harmonisation dans la conception du DPE et cette restauration de sa fiabilité doivent améliorer la confiance du public et des professionnels dans ce diagnostic.

Un DPE plus lisible et plus complet

Le second objectif de la réforme est de rendre le DPE plus lisible et plus facile à comprendre pour les usagers. La célèbre échelle de A à G et de vert à rouge demeure, mais les mentions sont simplifiées : plus d'allusion à "l'énergie primaire" (KWhEP/m2.an) – même si celle-ci demeure la base du calcul – au profit d'une formulation plus simple (kWh/m2.an). Même chose pour l'affichage des émissions de gaz à effet de serre (GES), où la notion d'eqCO2 (équivalent CO2) disparaît au profit du "kg CO₂/m².an". Autre innovation : la mise en avant, de façon plus simple et plus lisible, de l'estimation du montant moyen des factures énergétiques du logement, sous la forme de fourchettes annuelles. 
Le nouveau DPE comportera également des informations supplémentaires, par exemple sur le confort d'été, la qualité de ventilation, celle de l'isolation ou même la répartition des déperditions thermiques dans le logement. Pour faire le lien avec les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique, le nouveau DPE s'accompagnera également de conseils et même d'une estimation (fourchette) du coût des travaux nécessaires, en distinguant deux niveaux : travaux essentiels et travaux à envisager. Le DPE devient ainsi un document de six pages, qui méritera alors pleinement son nom de diagnostic.

Double seuils : la performance énergétique, mais pas que...

Enfin, le troisième objectif de la réforme du DPE est celui d'une meilleure mise en cohérence avec les enjeux climatiques. Cette approche consiste à revoir les seuils définissant les différentes étiquettes et notamment les passoires énergétiques (logements avec étiquettes F et G). Elle se traduit dans la notion de "double seuils". Dans le DPE actuel, les étiquettes énergie sont uniquement exprimées en consommation d'énergie primaire. Avec le nouveau DPE, les seuils des étiquettes traduisant la performance énergétique seront calculés en combinant deux facteurs : l'énergie primaire, mais aussi les émissions de gaz à effet de serre, d'où la notion de "double seuils". Au final, le logement sera classé sur la base de sa plus mauvaise performance, qu'elle concerne l'énergie primaire ou les émissions de GES.
Cette approche devrait se traduire par d'importantes migrations d'une classe à l'autre. Le dossier de présentation du nouveau DPE, donne ainsi l'exemple de la classe C : 60% des logements aujourd'hui classés C le resteront, tandis que 40% migreront soit vers la classe B, soit vers la classe D. L'enjeu est particulièrement important pour les passoires énergétiques compte tenu de l'interdiction à venir (voir notre article). Selon l'entourage de la ministre du Logement, environ 600.000 logements chauffés au fioul (en collectif ou en individuel) devraient se retrouver classés passoires énergétiques (F ou G, au lieu de E pour la plupart) avec le nouveau DPE, de même que 200.000 logements chauffés au gaz. A l'inverse, environ 600.000 logements chauffés à l'électricité et 200.000 chauffés au bois devraient remonter en classe E. Il ne s'agit pas d'une réhabilitation du chauffage électrique, mais d'une conséquence de la prise en compte d'une moindre émission de GES pour certains de ces logements. L'entourage d'Emmanuelle Wargon prend d'ailleurs bien soin de rappeler que deux millions de logements chauffés à l'électricité resteront classés comme passoires énergétiques. Par ailleurs, environ 200.000 logements du parc social (sur plus de 5 millions) devraient se retrouver classés en F ou G.
Le nombre de passoires énergétiques devrait donc rester globalement inchangé, autour de 4,8 millions selon l'estimation du Commissariat général au développement durable (voir notre article du 2 septembre 2020), le ministère contestant vigoureusement le chiffre de 8 millions avancé par l'Ademe en 2013, jugé peu fiable en raison de son faible échantillon et de nombreux problèmes méthodologiques.

Un nouveau DPE pour quoi faire ?

La réforme ne change pas seulement le contenu du DPE, pour le rendre plus fiable, plus lisible et plus en phase avec la lutte pour le climat. Elle va aussi en modifier le rôle. Le premier changement est l'opposabilité, évoquée plus haut, du nouveau DPE, dès son entrée en vigueur le 1er juillet 2021. Cette opposabilité permettra de l'utiliser comme référence pour des réglementations ou certaines aides spécifiques selon le niveau de performance du logement. Les DPE réalisés avant le 1er juillet 2021 pourront néanmoins encore être utilisés (dans la limite de leur validité actuelle) pour conclure des ventes ou des baux immobiliers durant une phase transitoire qui durera jusqu'au 31 décembre 2024.
En termes d'impact du nouveau DPE, l'enjeu le plus important concerne l'interdiction de la mise en location des passoires énergétiques (classées F ou G) à compter de 2028. La disposition est prévue dans le projet de loi Climat et Résilience, en s'appuyant sur le décret, maintes fois remanié, du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. L'interdiction se fera progressivement : dès 2023 pour les logements les plus énergivores (consommation supérieure à 450kWh/m2.an d'énergie finale), en 2025 pour les logements classés G et en 2028 pour tous les logements F et G. 
Autre usage du nouveau DPE : à compter du 1er janvier 2022 – et conformément à la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat –, les annonces immobilière devront afficher non seulement l'étiquette énergie (comme cela est déjà prévu depuis 2011), mais aussi l'étiquette climat (émissions de GES) et l'estimation de la facture énergétique.
Reste la question du coût du DPE. Celui-ci n'est pas réglementé et est donc fixé par les diagnostiqueurs, aujourd'hui au nombre d'environ 8.000, accrédités par le Cofrac (Comité français d'accréditation). Il se situe généralement entre 100 et 250 euros, en fonction notamment de l'année de construction et de la superficie du bien à évaluer.

 

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