Le "pouvoir d'achat" des collectivités aura-t-il lui aussi ses mesures de soutien ?

Les associations d'élus continuent d'alerter sur les conséquences des hausses de prix pour leurs finances. L'Association des petites villes en a témoigné ce 18 mai, appelant le futur gouvernement à "réunir sans tarder une conférence des exécutifs locaux". Pour l'heure en tout cas, il n'a pas été question de mesures en faveur des collectivités dans le projet de loi de finances rectificatives spécial "pouvoir d'achat" annoncé pour fin juin.

Un projet de loi de finances rectificative (PLFR) notamment destiné à adopter un paquet de mesures de soutien au pouvoir d'achat sera présenté après les élections législatives des 12 et 19 juin, indiquait le 11 mai Gabriel Attal à l'issue du dernier conseil des ministres du gouvernement Castex. "Ce texte est déjà travaillé, préparé et sera présenté dans la foulée des élections législatives pour être adopté très rapidement", avait-il déclaré, l'objectif étant que la future Assemblée nationale s'en saisisse dès début juillet.

Ce paquet de mesures comprendra une prolongation du bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l'électricité jusqu'à la fin 2022 ainsi qu'un "dispositif pérenne et mieux ciblé" que la remise de 18 centimes sur les prix du carburant. Les chèques alimentaires promis par le candidat Macron pour aider les plus modestes à se fournir en produits de première nécessité en feront aussi partie pour être lancés "dès cet été" puis être prolongés, là encore, par un "dispositif pérenne". Devraient également figurer au menu de ce PLFR : le dégel annoncé du point d'indice pour les fonctionnaires, le triplement du plafond de la "prime Macron" pour le secteur privé, un allègement des cotisations pour les travailleurs indépendants, la revalorisation "anticipée" au 1er juillet des prestations sociales… et la suppression de la redevance audiovisuelle.

D'autres mesures encore ? "Bruno Le Maire consulte actuellement les associations, y compris les associations de consommateurs, pour voir comment nous pouvons réagir sur les grands postes de dépenses que sont l’alimentation, le logement, l’énergie et les carburants", indiquait pour sa part Emmanuelle Wargon le 13 mai sur France Info. "Il faut voir comment on évite que l'inflation se propage dans toutes les zones de dépenses des Français. La réponse sera globale dans cette loi pouvoir d'achat", déclarait aussi la ministre en charge du logement.

Alors que les collectivités locales avaient bénéficié de mesures dédiées dans les LFR successives de 2020 et 2021 liées aux effets économiques et financiers de la crise sanitaire, cette fois, elles n'ont pour l'heure pas été mentionnées. Les associations d'élus n'ont pourtant eu de cesse, depuis plusieurs mois, de faire savoir à quel point les hausses de prix frappent leurs finances, à commencer bien-sûr par l'énergie et les carburants, mais aussi certaines matières premières, sans oublier l'alimentation (voir nos articles ci-dessous). Et ce, alors que leurs ressources ne sont, elles, évidemment pas calées sur l'inflation… Dans le même temps, les difficultés de certaines entreprises se répercutent aujourd'hui sur les ressources des collectivités dans le cadre des marchés publics que celles-ci sont obligées d'adapter (voir notre article de ce jour). De surcroît, certaines des mesures du PLFR vont leur coûter de l'argent – ainsi en sera-t-il tout au moins de la revalorisation du point d'indice (voir notre article).

"Ce choc conjoncturel ne sera pas facile à absorber"

Fin mars, le gouvernement tendait toujours à minimiser l'impact des hausses de prix de l'énergie pour les collectivités. Qu'en sera-t-il début juillet ? Il semble en tout cas probable que les associations d'élus locaux veilleront à ce que ces collectivités ne soient pas oubliées et, s'il le faut, à porter des amendements en ce sens.

L'Association des petites villes de France (APVF) l'a encore redit ce 18 mai dans un communiqué : elle tient à "alerter le nouveau gouvernement sur les risques de dégradation du service public de proximité et de contraction de l’investissement local si la conjoncture économique devait perdurer". L'impact de la hausse des prix "se fait sentir sur les dépenses à caractère général qui peuvent augmenter dans certaines petites villes jusqu’à + 20% (denrées alimentaires dans la restauration scolaire, matériel informatique, carburant, fonctionnement des équipements...)" et "certaines petites villes voient leurs dépenses d’énergie bondir parfois de plus de 50%", témoigne-t-elle. Or "ce choc conjoncturel ne sera pas facile à absorber malgré la réalisation d’économies d’énergies ou le report, voire l’annulation, de certains investissements", assure l'association présidée par Christophe Bouillon.

Sur le plus long terme, la crainte des associations d'élus est renforcée par la possible perspective d'un "effort" de 10 milliards d'euros d'économies demandé aux collectivités sous forme d'une contractualisation sur les dépenses, ainsi que celle d'une suppression de la CVAE – deux propositions de campagne d'Emmanuel Macron. Comme l'avait fait récemment Intercommunalités de France (voir notre article du 6 mai), l'APVF dit aujourd'hui son opposition à cette "mise à contribution" : "Les collectivités territoriales ne disposent plus de marges suffisantes pour réduire encore leurs dépenses de fonctionnement sauf à remettre en cause le bon fonctionnement des services publics" et ne pourront plus "participer efficacement au plan de relance et au soutien de l’activité économique, alors même que la croissance est en train de fléchir très nettement".

L'APVF demande d'ores et déjà au futur gouvernement de "réunir sans tarder une conférence des exécutifs locaux avec les principales associations d’élus" pour mettre tout cela sur la table. Un jour plus tôt, l'Association des maires de France (AMF), dans un communiqué félicitant Élisabeth Borne pour son accession à Matignon, a dit elle aussi la nécessité d'une concertation rapide sur les "dossiers urgents [qui] sont sur la table comme les conséquences de la hausse brutale du prix des matières premières, la mise en œuvre des dispositions résultant de la loi climat et résilience, les annonces de restrictions budgétaires et fiscales pour le bloc communal pour ne citer que les plus importants d’entre eux".

Les représentants des élus locaux devaient en tout cas avoir un tout premier contact avec Elisabeth Borne dans le cadre des consultations tous azimuts menées par la Première ministre ces 18 et 19 mai en vue de la constitution de son gouvernement. Selon l'AFP, des échanges, à Matignon ou par téléphone, étaient en effet programmés avec, entre autres, les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, les représentants des partenaires sociaux... et, donc, les associations d'élus.