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Le projet de loi d'orientation des mobilités définitivement adopté par le Parlement

Par un ultime vote de l'Assemblée ce 19 novembre, le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) a enfin terminé son marathon parlementaire, un an après sa présentation en conseil des ministres. Le texte entend améliorer les déplacements au quotidien tout en intégrant l'enjeu environnemental. Mais des associations regrettent ses insuffisances sur ce point.

Un an après sa présentation en conseil des ministres, après une longue période de concertation lors des Assises de la mobilité, le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) a été définitivement adopté ce 19 novembre par le Parlement, lors d'un ultime vote de l'Assemblée nationale. Le texte a été approuvé par 116 voix contre 49 et 9 abstentions avec l'appui des députés LREM-MoDem et des élus UDI-Agir, les autres groupes votant essentiellement contre, avec quelques abstentions.
Le gouvernement espérait une adoption définitive du projet de loi avant l'été, mais il a subi un coup de frein en juillet lorsque députés et sénateurs ont échoué à s'accorder sur une version commune. Les discussions avaient achoppé sur la question du financement d'une nouvelle compétence attribuée aux intercommunalités, qui doivent devenir des "autorités organisatrices de la mobilité" avec pour mission de coordonner les modes de déplacements. En nouvelle lecture, le Sénat, toujours en désaccord sur ce volet financier, a rejeté le texte le 5 novembre.

Critiques des oppositions

Ce texte fleuve qui entend améliorer les déplacements au quotidien des Français, tout en intégrant l'enjeu environnemental, avait été présenté en conseil des ministres alors qu'émergeait tout juste le mouvement des gilets jaunes. Vanté comme "très attendu" par des élus de la majorité, le texte se veut notamment une réponse au "sentiment d'abandon" dans certains territoires. Mais il n'a pas obtenu l'assentiment des oppositions, critiqué notamment par LR car "le financement continue à faire défaut", tandis qu'à gauche, le PS a déploré "un rendez-vous manqué" et LFI une "loi d'affichage" et "sans ambition" pour les Français qui ne se déplacent "ni en Uber ni en trottinette".
Elisabeth Borne et le secrétaire d'Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, qui ont porté le texte, ont salué après le vote une "réponse forte aux fractures sociales". Le projet de loi part du constat d'une mobilité "en panne" et vise à "des transports du quotidien à la fois plus faciles, moins coûteux et plus propres".
Une enveloppe de 13,4 milliards d'euros doit être affectée sur la période 2018-2022 au développement des infrastructures, essentiellement pour les "déplacements du quotidien". Priorité est notamment donnée à l'entretien des réseaux existants, l'effondrement meurtrier lundi d'un pont près de Toulouse n'ayant pas été évoqué dans les ultimes échanges.
Parmi les mesures phares du texte en matière de "verdissement", figure notamment l'objectif d'une fin de la vente d'ici 2040 des véhicules "à carburants fossiles", c'est-à-dire essence ou diesel. Est prévue aussi la mise en place d'un forfait mobilités, qui doit permettre aux employeurs de verser jusqu'à 400 euros par an à leurs salariés se rendant au travail en covoiturage ou en vélo. Ce forfait pourra être versé via "un titre mobilité", à l'instar des titres restaurants.
La limitation à 80 km/h sur les routes secondaires depuis juillet 2018, qui avait été un des détonateurs de la crise des gilets jaunes, a également occupé une large place dans les débats. Après l'aval du Premier ministre Edouard Philippe, l'Assemblée avait voté en juin en première lecture un assouplissement de la mesure : les patrons de départements pourront relever la vitesse à 90 km/h sur certaines routes secondaires, mais aussi les maires pour les routes relevant de leur compétence. Les élus LR ont regretté l'exclusion des routes nationales (sous autorité de l'Etat), Valérie Lacroute accusant à nouveau mardi le gouvernement d'avoir "dupé les Français".

Le vélo encouragé

Le texte prévoit d'autres mesures pour encourager l'usage du vélo - notamment un marquage pour lutter contre le vol - et des voitures électriques. Trottinettes, vélos et autres gyropodes en libre-service seront aussi davantage régulés. Dans un communiqué, le Club des villes et territoires cyclables dit "[avoir pris] acte avec satisfaction de la volonté affichée du gouvernement de créer par ce texte de nouveaux leviers pour la mise en place d’un véritable système vélo en France, reconnu et porté au niveau étatique". Il affirme rester cependant "vigilant, aux côtés des collectivités territoriales et plus généralement des acteurs du monde cycliste" en continuant "à exiger des moyens à la hauteur d’une vraie politique vélo nationale, à toutes les échelles et pour tous les publics" et "à veiller à une mise en œuvre réelle et rapide des ambitions affichées dans la loi".
Pour les plateformes employant des chauffeurs VTC et coursiers, le projet de loi met en place un socle d'obligations (droit à la déconnexion et transparence au niveau du prix des courses). Des chartes sociales complémentaires pourront être mises en place par les plateformes. Les parlementaires socialistes envisagent de saisir le Conseil constitutionnel sur ce volet du texte. Peu avant le vote, 14 plateformes, dont Deliveroo et Frichti ont annoncé lancer une Association des Plateformes des Indépendants (API) et se doter d'une "charte de bonnes pratiques" censée améliorer conditions de travail et rémunérations.

"Ambition et moyens limités", estime le Réseau Action Climat

Sur le volet environnemental, le Réseau Action Climat France, qui fédère les associations impliquées dans la lutte contre les changements climatiques, a estimé dans un communiqué que le projet de loi "marque des avancées" mais "n'est pas à la hauteur des engagements pris pour lutter contre les dérèglements climatiques et la pollution de l'air". Il voit comme "des avancées bienvenues" les mesures prises pour déployer avant fin 2020 des zones à faibles émissions dans les villes les plus polluées, pour verdir les flottes de véhicules ou pour augmenter les investissements programmés de l'Etat dans les transports en commun et le vélo mais selon lui, "l'ambition et les moyens restent limités". Il voit dans la création d'une éco-contribution sur les billets d'avion et dans l'augmentation de la taxe sur le gazole des poids lourds "un premier pas qui doit être renforcé dans le budget 2020. Le Réseau Action Climat souligne aussi des "incohérences" qui "persistent dans la loi". "En témoignent, le maintien de projets routiers, la fin de vente des voitures essence et diesel neuves prévue en 2040 alors que limiter la hausse des températures à 1,5°C implique d'avancer cette date à 2030, le caractère facultatif de certaines mesures comme le forfait mobilité durable pour les salariés, l'apprentissage du vélo à l'école et enfin l'absence de mesures structurantes pour diminuer le fret routier ou pour favoriser le ferroviaire et diminuer le transport aérien."

Les principales mesures du projet de loi d'orientation des mobilités

ROUTES
- Compétence donnée aux présidents de département et le cas échéant aux maires pour relever à 90 km/h la vitesse maximale autorisée sur certaines routes aujourd'hui limitées à 80 km/h.
- Possibilité pour toutes les communes de créer des "zones à faible émission" (ZFE) interdisant la circulation de certains véhicules polluants à certaines heures. Ces zones deviendront obligatoires dans les territoires où les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées.
- Systématisation des restrictions de circulation en cas de dépassement ou risque de dépassement du seuil d'alerte à la pollution.
- Objectif d'une fin de la vente des véhicules à carburants fossiles d'ici 2040.
- Sur les réseaux routiers hors agglomération, possibilité de réserver des voies à certains types de véhicules (transports en commun, véhicules "propres", covoiturage, taxis...).
- Socle d'obligations pour les plateformes employant des chauffeurs VTC et coursiers (droit à la déconnexion et transparence au niveau du prix des courses). Des chartes sociales complémentaires pourront être mises en place par les plateformes.
- Renforcement de la sécurité des passages à niveau. Les transports scolaires devront notamment rechercher des itinéraires alternatifs réduisant le nombre de franchissements de passages à niveau.
  
 TRANSPORTS EN COMMUN
 - Possibilité d'ouvrir des services de transport scolaire à d'autres usagers.
 - Généralisation de l'arrêt à la demande dans les bus de nuit, pour favoriser la sécurité.
 - Fixation du cadre social de l'ouverture à la concurrence des lignes de bus de la région parisienne.
  
VÉLO
- Pour lutter contre les vols, le marquage deviendra obligatoire à partir de 2021.
- SNCF et RATP devront réaliser des stationnements vélos sécurisés avant le 1er janvier 2024.
- Ajout pour les cars neufs d'un système permettant de transporter au minimum cinq vélos.
- Généralisation d'un enseignement de l'usage du vélo.
- Obligation pour les poids lourds, à partir de 2021, de signaler leurs angles morts, par exemple par des autocollants, pour renforcer la sécurité des cyclistes.
  

AIDE DES EMPLOYEURS
- Possibilité pour les employeurs de rembourser à leurs salariés un montant maximum de 400 euros par an, exonéré de charges sociales et fiscales, afin d'encourager les déplacements domicile-travail à vélo ou en covoiturage. Ce forfait pourra être versé via "un titre mobilité", à l'instar des titres restaurants. Ce forfait sera cumulable avec le remboursement des frais de transports en commun, et a été étendu aux services de mobilité partagés.
  
VÉHICULES ÉLECTRIQUES
- Obligation de doter tous les parkings de plus de 10 places des bâtiments neufs ou rénovés de pré-équipements (conduits pour câbles, dispositifs d'alimentation...) pour l'installation de bornes de recharge. Tous les parkings de plus de vingt places des bâtiments non résidentiels devront, eux, disposer d'un point de recharge par tranche de vingt places.
- Renforcement du "verdissement" des flottes d'entreprises, VTC, taxis et loueurs automobiles.
  
NOUVELLES MOBILITÉS
- Tout le territoire sera couvert par des "autorités organisatrices de la mobilité", communautés de communes ou régions, qui auront pour mission de coordonner les modes de déplacements.
- La mise à disposition des nouveaux modes de déplacement (trottinettes, vélos, gyropodes...) en libre-service ou "free floating" sera soumise à la possession d'un titre d'occupation du domaine public. Un décret publié fin octobre a défini les conditions de circulation des trottinettes électriques, fixant notamment l'âge minimal d'utilisation à 12 ans.
  
RAIL
- Possibilité de transférer aux régions certaines missions de gestion de l'infrastructure sur des "petites lignes" ferroviaires.
- Création d'une plateforme unique de réservation à l'intention des personnes handicapées et à mobilité réduite.
- Le gouvernement mènera une étude en vue de la relance des trains de nuit.
  
TRANSPORT AÉRIEN
- Principe d'une contribution du transport aérien pour le financement des autres modes de transport, à défaut de taxer le kérosène.
- Rapport du gouvernement sur la fiscalité dans l'aérien.
  
INFRASTRUCTURES
- Priorité est notamment donnée aux transports du quotidien et à l'entretien des réseaux existants.
- Ajout de la diminution des émissions de gaz à effet de serre et de la prise en compte de la pollution sonore parmi les objectifs.
- Le gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance pour créer des sociétés de projet, à l'image de la Société du Grand Paris.