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Le projet de loi Justice définitivement adopté par le Parlement

Par 31 voix contre 11, l'Assemblée a définitivement adopté dans la nuit du 18 au 19 février 2019 le projet de loi Justice considéré comme "ambitieux" et "équilibré" par le gouvernement mais contesté par les oppositions.

La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, peut enfin souffler. Après un parcours chaotique, pour cause, entre autres, de crise des gilets jaunes, mais surtout en raison des navettes entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui sont tour à tour revenus à leurs propres versions du texte, et d'une commission mixte paritaire qui n'a pas réussi à trouver de compromis, le projet de réforme de la justice a enfin été adopté dans la nuit du 18 au 19 février 2019 par les députés. Peu de voix exprimées (42) si l’on tient compte de l’ampleur de l’enjeu et de la contestation, qui porte notamment sur le peu de concertation reproché au gouvernement : "Le groupe UDI-Agir et Indépendants reste très sceptique face à ce texte, et demeure fort déçu de la manière dont se sont déroulés nos débats sur un sujet aussi fondamental que la justice", a ainsi affirmé Pascal Brindeau, député UDI du Loir-et-Cher, lors des derniers débats du 18 février. "Nous voulons exprimer notre regret que ce moment ne soit pas à la hauteur de l’attente forte de nos concitoyens", a pour sa part déploré David Habib, député PS des Pyrénées-Atlantiques.
Le parcours du texte n’est cependant pas terminé : le PS a déclaré vouloir saisir le Conseil constitutionnel, notamment sur la question de la réforme par ordonnance de la justice des mineurs ; par ailleurs le projet de loi organique sera soumis au scrutin ce 20 février, et a besoin pour sa part d’une majorité absolue. 

La réorganisation, un point très contesté

Création d’un parquet antiterroriste, expérimentation de tribunaux criminels départementaux, nouvelle échelle des peines... parmi tous les points de la réforme sujets à controverse, la réorganisation par la fusion des tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance suscite des inquiétudes. Une fusion annonciatrice d'"une disparition de la justice de proximité", comme le dénonçait déjà en décembre 2018 Philippe Gosselin, député LR de la Manche.
Les professionnels de la justice et élus locaux ont encore en tête la réforme de la carte judiciaire menée par Rachida Dati il y a une dizaine d’années, qui avait entraîné la fermeture de 303 tribunaux sur 1.118. L’actuelle ministre de la Justice a pourtant martelé plusieurs fois qu'il n’y aurait "aucune fermeture, aucune dévitalisation des juridictions existantes, aucune coquille vide", que les fusions ne seraient qu’administratives, que le gouvernement souhaitait mutualiser les effectifs de magistrats et de greffe, unifier la gestion budgétaire pour la rationaliser et la simplifier.
L’inquiétude demeure, notamment sur l’accès à la justice des populations isolées, tant on a constaté dans bien des domaines des désertifications pour cause de rationalisation organisationnelle. "À chaque fois les services de l’État nous ont dit : ne vous inquiétez pas la proximité sera préservée, nous allons améliorer l’efficacité", a rappelé le député communiste de la Seine-Maritime Sébastien Jumel lors des débats à l'Assemblée nationale début décembre 2018, à propos de la ville de Dieppe qui a vu disparaître nombre de services publics depuis trente ans.
Dans cette réorganisation, la possibilité de spécialiser certains tribunaux pour des sujets très techniques, et donc de regrouper les affaires en un lieu soulève un point mécaniquement évident : qui dit regroupement, dit éloignement d'une partie de la population. Ces spécialisations ne devraient cependant se faire qu’au cas par cas, selon la nécessité jugée localement. Et c’est apparemment ainsi que l’entendent les professionnels : "La spécialisation d'une ou de plusieurs de nos juridictions ne se fera qu'avec l'accord de tous," a annoncé Éric Negron, premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, fin janvier 2019, lors de l'audience solennelle de rentrée de la cour.

Une numérisation pour plus d’accès à la justice ?

Plus besoin de se déplacer pour les petits litiges civils... Voulue pour améliorer la rapidité et l’efficacité de la justice, la dématérialisation complète des procédures, du dépôt de plainte jusqu’au jugement, pose également question. Certes, elle évite de devoir se rendre dans un commissariat, une gendarmerie, puis au tribunal. Mais les petits litiges civils ne nécessitent pas moins un besoin de contact physique ou d'accompagnement dans les démarches. Se pose aussi le problème de l'accès au numérique... 

Référence : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.