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Le Sénat adopte sa proposition de loi pour verdir le numérique

La proposition de loi sénatoriale pour réduire l’empreinte environnementale a été adoptée ce 12 janvier par le Sénat. Le texte entend instituer un délit d’obsolescence programmée, responsabilise les opérateurs de réseaux et veut faire des administrations des modèles en matière de sobriété numérique. Une partie des dispositions devraient être intégrées au projet de loi traduisant les engagements de la convention citoyenne pour le climat.

La proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique été adoptée par la haute assemblée le 12 janvier 2021 dans la nuit (dossier législatif). "Elle concrétise une initiative parlementaire inédite et transpartisane", s’est réjouit Patrick Chaize (LR, sénateur de l’Ain), signataire de l’initiative parlementaire aux côtés de 135 sénateurs de tous bords politiques. Traduction législative d’un rapport sénatorial publié en juin (lire notre article du 25 juin 2020), la proposition de loi entend faire converger les transitions écologique et numérique en responsabilisant les industriels. Car si rien n’est fait, l’empreinte écologique des infrastructures et usages numériques pourrait passer de 2 à 7% d’ici à 2030 des émissions carbone, soit plus que le transport aérien. "Le texte aborde pour la première fois les impacts environnementaux de l'ensemble de la chaîne de valeur numérique, des terminaux aux centres de données, en incluant les réseaux", s’est félicité Patrick Chaize.

Sobriété numérique exemplaire des administrations 

Pour casser la courbe, le texte prévoit une vingtaine de dispositions. Il s’agit tout d’abord de renforcer l’information des utilisateurs-consommateurs, en commençant par les jeunes. L’empreinte environnementale du numérique pourrait ainsi être inscrite au programme des écoles, de même que les principes "d’écoconception" dans les formations d’ingénieur. La proposition entend surtout lutter contre l’obsolescence programmée des matériels et logiciels, que les sénateurs veulent ériger en délit. Comme ceux-ci sont fabriqués pour l’essentiel à l’étranger, ces dispositions devront trouver "des relais européens et internationaux" pour montrer pleinement leur efficacité ont souligné les sénateurs centristes. Souhaitant que les administrations soient exemplaires, le texte préconise par ailleurs la définition de critères de "sobriété numérique et de durabilité" ayant vocation à être intégrés aux appels d’offres publics. L’achat de matériels reconditionnés pourrait également être favorisé par une TVA réduite sur la réparation. Quant aux collectivités de plus de 50.000 habitants, le Sénat veut les obliger à se doter d'une "stratégie numérique responsable" (article 26), présentée chaque année en amont du débat budgétaire. Les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) devront pour leur part valoriser la chaleur émise par les data centers.

Une proposition "hémiplégique" pour Cédric O

Les sénateurs veulent aussi imposer aux opérateurs télécoms de souscrire d'ici à 2023 à des engagements environnementaux pluriannuels chiffrés contraignants. Intégrés aux licences des opérateurs mobiles, ils auraient vocation à être contrôlés par l’Arcep, les sénateurs consacrant l’élargissement des missions du régulateur des télécoms aux questions environnementales. La 5G a du reste accaparé une grande partie des débats. Plusieurs sénateurs ont regretté que l'avis du Haut Conseil pour le climat (HCC) sur la 5G, saisi à l’initiative du Sénat, intervienne après l’attribution des licences 5G. Dans un avis remis fin décembre, le HCC a estimé que les changements de terminaux, d’infrastructures et l’explosion des usages induits par la 5G pourraient générer une augmentation de 45% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Un rapport dont le secrétaire d’Etat au numérique Cédric O a relativisé la portée car il élude le "scénario contrefactuel, à savoir ce qui se passerait si l'on n'adoptait pas la 5G". Du reste, le secrétaire d’Etat a jugé la proposition de loi globalement "hémiplégique" en abordant "la consommation numérique sans prendre en compte ce qu'elle évite, les effets de substitution". Et si "la volonté portée par cette proposition de loi rejoint celle du gouvernement" il a émis des réserves sur plusieurs propositions, préférant notamment "l’incitation à l’approche contraignante" retenue par les sénateurs. Il a surtout relevé que plusieurs dispositions proposées figuraient dans le projet de loi de déclinaison de la Convention citoyenne pour le climat soumis aux instances consultatives le 8 janvier. En clair, il est peu probable que la proposition de loi aille telle quelle au bout du processus législatif.