Le Sénat appelle à refonder les relations entre l'IGN et les collectivités territoriales

Un rapport du Sénat, publié le 4 novembre 2022, valide le recentrage de l'IGN sur les données de service public utiles à la gestion de la transition écologique. Face à une équation financière difficile pour l’institut, il appelle à un partenariat renouvelé avec les collectivités et à solder les irritants autour du cadastre et des PCRS.

Les événements géopolitiques et climatiques récents ont mis en évidence l’importance stratégique de l’information géographique. Un constat au cœur du rapport sur l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) que vient de publier la commission des finances du Sénat. Signé Vincent Capo-Canellas, le rapport valide globalement les nouvelles orientations de l’IGN fondées sur l’information géographique de service public, la création d’une plateforme de "géocommuns" et la cartographie de l’anthropocène (voir notre article du 9 juin 2022). Pour résoudre l’équation économique auquel l'institut est confronté, la Haute Assemblée l’invite à poursuivre son travail de rationalisation et à se tourner résolument vers les nouvelles technologies, satellite et intelligence artificielle en tête.

Limite des financements ponctuels

Car l’IGN est confronté à une diminution de ses recettes commerciales - les grands référentiels géographiques sont désormais en open data, les ventes de cartes papiers sont anecdotiques - et à une subvention de l’État qui, au mieux, stagne. L’institut doit donc se tourner vers d'autres financeurs pour ses "grands projets". Or cette quête de subsides atteint aujourd’hui ses limites, comme en témoigne le projet phare Lidar HD [cartographie aérienne 3D du territoire], aujourd’hui financé pour l'essentiel par les ministères de la Défense et de l’Agriculture. "Alors que le projet est entamé et doit être achevé en 2025, un quart de son financement (15 millions d'euros) reste à trouver. L'IGN espère des contributions volontaires des collectivités locales sans avoir de réels moyens pour les inciter", écrit le sénateur.

Mutualiser la production de données

Face au "risque de trou d’air", le rapport souhaite que "l'IGN développe et formalise de nouveaux partenariats, en priorité avec les collectivités locales". Pas question pour autant que l’IGN soit le prestataire de service des territoires. D’une part parce que certaines collectivités, au premier rang desquelles les métropoles et régions, ont aujourd’hui des compétences et des bases de données géographiques qui n'ont rien à envier à celles de l’Institut. D’autre part parce qu’il s’agit davantage de se répartir la tâche pour produire les géodonnées d’intérêt général, en évitant les doublons comme c’est aujourd’hui le cas pour les photos aériennes. Le rapport encourage donc la création de partenariats, formule aujourd’hui testée avec des collectivités et Sdis. Bordeaux métropole contribue ainsi à la mise à jour de la BD Uni, l’une des bases de référence de l’IGN. Un modèle qui gagnerait à "être généralisé", de même que les démarches collaboratives telles qu’IGNRando.

L’IGN en appui des petites collectivités

Ces partenariats doivent cependant s’accompagner d’un "cadre formalisé", à même de clarifier la répartition des missions entre les collectivités et l’IGN. Il s’agit notamment de garantir l’usage de standards communs et l’interopérabilité des données. Le Sénat appelle l’IGN à "concentrer ses moyens sur les petites collectivités et les territoires moins dotés". Un rôle de soutien qu’il convient d’articuler avec celui de l’ANCT et du Cerema, deux acteurs qui interviennent de plus en plus sur la production de données géographiques. Des partenariats tels que celui sur les bases adresses locales, copiloté par l’IGN et l’ANCT, sont ainsi encouragés.

Solder les irritants

Si le rapport note une nette amélioration de l’image de l’IGN chez les collectivités, il relève plusieurs irritants en suspens. La question du cadastre unique entre les impôts et l’IGN apparait ainsi particulièrement "urgente". Pour mémoire, le plan cadastral n'est pas superposable avec les autres cartes qui décrivent le territoire, ce qui "pose de graves difficultés aux collectivités locales, en particulier pour des enjeux aussi importants que la prévention des risques". Or le projet de représentation parcellaire cadastrale unique (RPCU) est en chantier depuis 2014. Sa "généralisation", entamée en 2018, n’est pour le moment effective que dans quatre départements (35, 44, 92, 94), une nouvelle mouture du RPCU est en cours d’implémentation dans le 56. Autre source de conflit avec les territoires, le plan de corps de rue simplifié (PCRS), cartographie des réseaux dont toute collectivité doit être dotée d’ici à 2026. Un dossier sur lequel "l’IGN propose son expertise sans pouvoir apporter les financements", une "position inconfortable" que le rapport appelle à "clarifier".