Le Sénat au chevet des secrétaires de mairie

Une mission sénatoriale d'information sur l'avenir du métier de secrétaire de mairie a présenté, ce 1er juin, 17 propositions pour renforcer l'attractivité de cette fonction en forte tension. Au menu : une meilleure reconnaissance – notamment via l'attribution d'une prime de responsabilité –, une montée en compétences et des promotions internes facilitées. Les mesures d'ordre législatif seront débattues dès la mi-juin dans l'hémicycle.

Alors que les élections sénatoriales se profilent, la Haute Assemblée s'active pour trouver des solutions à la crise que traverse la fonction de secrétaire de mairie, l'un des principaux métiers en tension de la fonction publique territoriale, et pourtant si indispensable aux maires des petites communes.

Au 10 mars dernier, 1.919 postes de secrétaires de mairie étaient à pourvoir, "notamment dans les communes les plus petites", selon la mission d'information sur l'avenir de ce métier, créée à l'initiative de la délégation sénatoriale aux collectivités et à la décentralisation, qui a présenté ses 17 propositions ce 1er juin à la presse. Or, si rien ne change, la pénurie pourrait s'aggraver en raison des "départs massifs" à la retraite qui concerneront les secrétaires de mairie d'ici 2030. Pour cause : en 2022, 25% d'entre eux avaient plus de 58 ans et 60% avaient plus de 50 ans. Pour Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités, qui prend le sujet très au sérieux, cette situation alarmante concernant les "couteaux suisses" des petites communes, n'est pas sans lien avec les quelque 1.300 démissions de maires enregistrées depuis 2020.

Prime de responsabilité

Nombreuses sont les causes du "découragement" vécu par les secrétaires de mairie ou les candidats à cette fonction, pointe Catherine Di Folco, rapporteure (LR) de la mission : "la charge mentale, le fait de devoir se frotter constamment aux lourdeurs administratives, la précarité de la fonction, le temps partiel très fréquent, le cumul d'employeurs, les déplacements fréquents liés à celui-ci et leur coût…". Des inconvénients qui ne sont pas compensés sur le plan de la rémunération. En effet, une secrétaire de mairie ayant 32 ans d'ancienneté et qui occupe le grade d'adjoint administratif principal de première classe perçoit "un salaire de 13,75 euros par heure", soit à peine plus que le Smic, qui s'élève à "11,52 euros" par heure, selon la sénatrice.

La mission d'information n'a pas éludé cette question essentielle. Elle entend rendre possible l'attribution aux secrétaires de mairie de la prime de responsabilité, actuellement réservée aux directeurs généraux des services (communes de plus de 2.000 habitants). Le montant de cette prime cumulable avec le régime indemnitaire (Rifseep) serait fixé par le maire "sur la base de critères objectifs clairement établis par voie réglementaire". En outre, les sénateurs prônent l'attribution à tous les secrétaires de mairie des 30 points de nouvelle bonification indiciaire (NBI) représentant environ 140 euros bruts mensuels. Ce geste avait été consenti en mars 2022 en faveur des secrétaires de mairie des communes de moins de 2.000 habitants (voir notre article du 1er mars 2022), mais son application reste imparfaite. La mission préconise en plus l'élargissement du bénéfice de la NBI aux secrétaires de mairie employés dans les communes de la strate 2.000-3.500 habitants.

Promotion interne

Par ailleurs, considérant que les secrétaires de mairie relèvent d'un emploi de catégorie B - alors qu'aujourd'hui 60% d'entre eux sont classés en catégorie C - les sénateurs estiment que ceux-ci doivent se voir proposer des "perspectives de carrière". Ils préconisent d'ouvrir, par la loi, aux agents des catégories B et C exerçant les fonctions de secrétaire de mairie des possibilités de promotion interne en leur faveur. Le mécanisme offrirait d'assez grandes marges de manœuvre aux maires.

Mais de tels leviers d'attractivité sont loin d'être neutres financièrement pour les petites communes, dont beaucoup ont peu de moyens financiers et sont, de ce fait, déjà économes, entre autres avec les indemnités de fonctions du maire et de ses adjoints. Les sénateurs prévoient donc la création d'un "fonds d'amorçage" financé par le budget de l'État, permettant une prise en charge pendant trois ans du coût lié au recrutement ou à la promotion d'un secrétaire de mairie en catégorie B. Au-delà, les communes concernées devraient assumer seules les conséquences financières de décisions de revalorisation, qui sont de toute façon "dans l'intérêt des maires", souligne Cédric Vial (apparenté LR), autre rapporteur de la mission. Il insiste aussi sur l'importance de "faire monter en compétences" les secrétaires de mairie : avec un collaborateur formé, la sécurité des actes administratifs est plus grande. Dans ce but, la mission recommande de renforcer la formation continue des secrétaires de mairie et les moyens déployés pour accompagner la prise de poste.

"Secrétaire général de mairie"

La mission estime aussi qu'une nouvelle appellation - celle de secrétaire général de mairie - est indispensable pour redorer l'image de la "cheville ouvrière" du maire. Ce nouveau nom serait utilisé dans le cadre une campagne de recrutement au niveau national, notamment à destination des jeunes.

Une fenêtre de tir sera très prochainement ouverte pour les mesures de la mission qui sont de nature législative. Une proposition de loi "visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie" sera en effet examinée, le 14 juin, dans l'hémicycle de la Haute Assemblée. Initiée par François Patriat, président du groupe RDPI et proche de la majorité présidentielle, elle devrait être soutenue par le gouvernement. Avec leur collègue socialiste Jérôme Durain, autre rapporteur de la mission, Catherine Di Folco et Cédric Vial préparent donc des amendements dans le but d'intégrer les pistes de la mission au texte, qui ne contient pour l'heure que trois articles. Les mesures de la proposition de loi d'origine communiste sur les secrétaires de mairie, qui avait été adoptée en première lecture, à l'unanimité, le 6 avril (voir l'article paru à cette date), devraient aussi être introduites dans la proposition de loi.

Plusieurs recommandations de la mission nécessitent des évolutions d'ordre réglementaire et doivent donc obtenir l'aval du gouvernement, soulignent les rapporteurs. Ceux-ci apparaissent plutôt confiants, le ministre en charge de la fonction publique, Stanislas Guerini leur semblant "à l'écoute" sur le dossier.