Le Sénat vote à l'unanimité la proposition de loi contre les agressions d’élus

Les sénateurs ont adopté à l'unanimité, mardi 15 novembre, la proposition de loi visant à soutenir les élus dans les démarches judiciaires, en cas d'agression. Selon ce texte, soutenu par le gouvernement, les grandes associations d'élus pourront se constituer partie civile, de même que les collectivités et les assemblées.

Les sénateurs font bloc pour mieux protéger les élus dont les agressions ont augmenté depuis la crise sanitaire. Ils ont adopté, mardi soir, à l’unanimité, la proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d’élus ou aux collectivités de se constituer partie civile pour soutenir un édile victime d’agression. Le texte, cosigné par 95 sénateurs, était présenté par Nathalie Delattre (Gironde) dans le cadre d'une niche parlementaire réservée au groupe RDSE. Il a été retravaillé en concertation avec le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, qui a salué "les synergies trouvées entre le gouvernement et la commission des lois du Sénat".

Ces échanges ont permis de réécrire l’article premier de la proposition de loi qui, désormais, donne à toutes les associations d'élus ayant l'ancienneté suffisante la possibilité de se porter partie civile. Jusqu’ici, seules les associations départementales de maires avaient cette faculté (article 2-19 du code de procédure pénale). À la demande de l’Association des maires de France (AMF), l’auteure souhaitait initialement l’étendre aux trois grandes associations nationales : l’AMF, Départements de France et Régions de France. Ces trois dernières restent explicitement mentionnées, de même que "toute association nationale, reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus". "Réserver cette possibilité à une seule association nationale aurait été contraire au principe constitutionnel d'égalité", a justifié le ministre de la Justice.

Divulgation d'informations personnelles

En commission, les sénateurs ont aussi ajouté à la liste le Sénat, l’Assemblée nationale, le Parlement européen ou la collectivité territoriale concernée. L’affaire récente du député LFI Louis Boyard, insulté par l’animateur Cyril Hanouna sur le plateau de son émission sur C8, n’est pas étrangère à l’élargissement aux assemblées. Ancien chroniqueur de l’émission TPMP, le député a demandé l’ouverture d’une commission d’enquête. "Je suis loin de partager toutes ses idées, mais je le soutiens dans sa démarche judiciaire. Rien ne justifie un tel acharnement, qui renforce le sentiment d'impunité des citoyens qui s'en prennent aux élus locaux", a déclaré Nathalie Delattre.

La nouvelle rédaction étend la liste des infractions concernées à l'ensemble des crimes et délits contre des personnes et les biens, à certaines atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique et à tous les délits de presse. L’élargissement aux biens est "nécessaire, comme l'illustre l'incendie en septembre du cabinet médical du maire de Saint-Pierre-des-Corps", a soutenu Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales.

Le texte prend aussi en compte les nouveaux risques auxquels sont exposés les élus, comme la divulgation d’informations personnelles sur les réseaux sociaux et le cyberharcèlement.

Concrètement, les infractions doivent être commises "à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public en raison de ses fonctions ou de son mandat". Le texte cherche aussi à protéger les proches vivant sous le même toit que l’élu : "Le conjoint ou le concubin de l’élu ou le partenaire lié à celui-ci par un pacte civil de solidarité, les ascendants ou les descendants en ligne directe de celui-ci ou sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile, en raison des fonctions exercées par l’élu ou de son mandat". L’action doit être exercée avec l’accord de la victime, ou avec celui de ses ayants droits si la personne est décédée.

"Il était urgent de protéger les élus et leur famille"

Pour la rapporteure Catherine Di Folco (Rhône, LR), cette proposition de loi "apporte des réponses concrètes aux dysfonctionnements de l'accompagnement des élus, au service d'un exercice serein des mandats territoriaux". Le but initial de la constitution de partie civile "est la réparation du dommage subi", rappelle-t-elle dans son rapport. Il s’agit donc pour les associations de récupérer les sommes déboursées pour la défense des maires agressés. Seules sont concernées par la loi les affaires qui arrivent devant une juridiction, prend-elle soin de préciser : "La constitution de partie civile (...) ne peut forcer à l'engagement de poursuites ou à l'instruction."

Le ministre de la Justice a indiqué que cette initiative sénatoriale répondait à une volonté du gouvernement de légiférer en la matière "suite à la vague d'indignation suscitée par l'agression du député Romain Grau, à Perpignan", en marge d'une manifestation contre le passe vaccinal. "Les violences contre nos élus ne sont pas encore suffisamment endiguées", a-t-il reconnu, malgré le nombre d’initiatives récentes, comme sa circulaire du 7 septembre 2020. "Au 15 septembre, 509 atteintes avaient été dénombrées, pour 860 victimes : il était donc urgent de protéger les élus et leur famille", a-t-il indiqué, se félicitant cependant que "les choses évoluent". "100% des 203 suspects poursuivis ont fait l'objet d'une réponse pénale et une poursuite a été engagée dans 92% des cas, avec 114 condamnations prononcées, dont 78% assorties d'une peine de prison", a-t-il ajouté. Pourtant, selon Nathalie Delattre, "seule une poignée de plaintes donne lieu à suite pénale et le nombre de condamnations est extrêmement faible". Lors des débats, chaque sénateur ou presque a pu apporter des exemples d’agressions d’élus. "Le dépôt de plainte est loin d'être systématique, qu'il y ait autocensure et souci de ne pas envenimer les choses, ou peur des représailles et craintes que la plainte ne soit pas suivie d'effet", a souligné Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse, LR).

Le texte doit à présent passer à l'Assemblée nationale.
Le sujet sera à l’ordre du jour du congrès des maires mercredi 22 novembre, lors d'un séquence à laquelle participera Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF (voir aussi notre article du jour).