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L'emploi transfrontalier, signe d'un déséquilibre persistant

Plus de 360.000 Français vont travailler dans des territoires situés à moins de 25 kilomètres de la frontière dans des pays comme la Suisse, le Luxembourg, l'Allemagne et la Belgique. Un nombre en forte augmentation entre 2010 et 2015, selon une étude de l'Insee. En sens inverse, la France n'accueille que 10.000 travailleurs frontaliers. Autre enseignement : le travail frontalier a peu d'effet d'entraînement sur l'emploi de la région d'origine.

A Rust, en Allemagne, ouvrira en novembre un nouveau parc aquatique du nom de Rulantica. 300 postes sont à pourvoir. Et c'est vers le Grand Est que le propriétaire Euro-Park se tourne. Pôle emploi et la Bundesagentur für Arbeit ont déjà entamé une phase de recrutements. "Des formations sur-mesure ont été mises en œuvre par la Région Grand Est, conjointement avec Pôle emploi, notamment dans le domaine de l’hôtellerie-restauration grâce au Fonds d’intervention pour la formation et l’emploi", se félicite la région Grand Est, dans un communiqué du 26 juin. Des opportunités de bon aloi mais cet exemple illustre le déséquilibre du marché du travail entre la France et les voisins de l'Est. Selon l'Insee, 360.000 Français allaient travailler de l'autre côté de la frontière, en 2015, tout particulièrement en Suisse et au Luxembourg, soit 40.000 de plus qu'en 2010. C'est la Suisse qui en accueille le plus et où la progression est la plus importante (179.200, +3,6% en cinq ans), suivie du Luxembourg (75.000, +2,5%), de l'Allemagne (malgré une légère diminution) et de la Belgique. Les pays du Sud attirent moins de travailleurs en provenance de la France excepté Monaco qui capte 7% des actifs en emploi sortants, soit 25.900 personnes. L'attractivité des pays frontaliers de la France s'explique principalement par des niveaux de salaires plus élevés et un taux de chômage faible, avec donc un potentiel d'emplois.
Seulement, en sens inverse, la France n'accueille que 10.000 travailleurs frontaliers. Ce qui traduit un profond déséquilibre.

Pas d'effet d'entraînement dans la région d'origine

Autre enseignement : les régions françaises d'origine bénéficient rarement de retombées positives sur l'emploi, à part les communes situées autour du lac Léman. En effet, le mouvement pourrait attirer de nouveaux habitants côté français, et donc des emplois présentiels supplémentaires pour répondre aux besoins d'une population qui évolue. Mais cette stimulation est finalement marginale sauf pour la Suisse, dont la croissance semble se diffuser et créer de l'emploi côté français dans les zones proches de Genève (Genevois français, Annecy, Chambéry, Le Chablais) et à Saint-Louis près de Bâle. Mis à part cet exemple positif, l'emploi transfrontalier ne semble pas développer l'emploi en France au niveau local. Ainsi si le dynamisme économique du Luxembourg stimule la croissance résidentielle des zones françaises les plus proches (+0,4% par an à Longwy et à Thionville entre 2010 et 2015), il n'a pas d'effet positif sur l'emploi local, qui, lui, décroit (-1,5% et -0,8% respectivement). Même chose à Metz, où l'emploi diminue dans la zone d'emploi (-1,1%) alors que la population reste stable. "En Alsace, dans les zones d'emploi de Sélestat, Colmar et Mulhouse ainsi qu'au Nord, près de la frontière belge (Béthune, Roubaix-Tourcoing, Valenciennes), le nombre d'habitants augmente légèrement et l'emploi diminue", précise aussi l'Insee, sachant que cela concerne surtout l'emploi productif.
Les profils des travailleurs frontaliers varient selon le pays de destination : ceux qui travaillent en Allemagne et en Belgique sont le plus souvent des ouvriers (pour près de la moitié des frontaliers vers ces destinations). C'est aussi le cas des travailleurs qui se rendent au Luxembourg et en Suisse. Mais dans ces deux derniers pays, les cadres sont aussi surreprésentés parmi les travailleurs frontaliers : jusqu'à 21% des navetteurs vers la Suisse (mais aussi pour Monaco), soit 7 points de plus que parmi les non-frontaliers (ceux qui résident et travaillent en France, à proximité des frontières). Enfin "en Allemagne et en Belgique, les navetteurs français travaillent plus fréquemment dans l'industrie que dans les autres pays, tandis que le secteur tertiaire domine partout ailleurs".