Les collectivités achètent de plus en plus de terres agricoles

Les achats de terres agricoles par les collectivités ont bondi de 61% en 2022, selon l'analyse des marchés fonciers ruraux publiée par la FNSafer, le 25 mai. Une tendance qui peut s'expliquer par l'essor des projets alimentaires ruraux, même si les volumes restent très limités par rapport à l'ensemble du marché. Autre phénomène à noter : la forte poussée des achats de parts sociales (+25%), sans doute par anticipation de la loi Sempastous. À noter aussi, un frein à l'urbanisation (-46%) dans la perspective du ZAN, cependant compensée par l'essor des espaces de loisirs. 

Les collectivités ont acquis 7.000 hectares de terres agricoles en 2022, soit une progression de 61% sur un an, a indiqué la FNSafer, jeudi 25 mai, en présentant sa traditionnelle étude annuelle sur les marchés fonciers ruraux, élaborée en partenariat avec le service statistique du ministère de l'Agriculture. "Nous n'avons pas la capacité de dire pourquoi", a cependant déclaré le président de la FNSafer, Emmanuel Hyest, émettant l'hypothèse du développement des projets alimentaires territoriaux. Aussi notable soit-elle, cette forte progression reste cependant limitée au regard des 480.400  hectares de terres qui se sont vendus l'an dernier (+ 2,7%).

La fédération constate une nette progression des achats par des personnes morales (sociétés d’exploitation et sociétés de portage du foncier), alors que les personnes physiques ne possèdent plus que pour 51% des surfaces. Et restent sans doute majoritaires pour la dernière année.

Les achats de parts sociales atteignent des niveaux "inédits" en nombre (+25%) et en valeur (+105%), avec une accélération en décembre qui peut s'expliquer par anticipation de la mise en œuvre de la loi Sempastous de 2021, analyse Loïc Jegouzo, adjoint au directeur des études à la FNSafer. Cette loi entrée en vigueur le 1er mars (voir notre article du 3 mars 2023) vise à donner plus de transparence dans les transactions de parts sociales. "Il devenait urgent de mettre en œuvre une régulation, à égalité avec celle qui régit les marchés agricoles depuis 1960", estime Loïc Jegouzo.

Lors du dernier salon de l'Agriculture, certaines associations comme Terres de Liens avaient alerté sur le risque d'accaparement des terres par le biais de rachats de parts, estimant les mesures de la loi Sempastous peu convaincantes (voir notre article du 28 février 2023). Pour Emmanuel Hyest, au contraire, l'essentiel a été fait et il faut à présent "faire une pause et regarder", d'autant que la loi doit donner lieu à une évaluation fin 2024.

Inversion des ventes de maisons à la campagne 

Plus globalement, après une année de rebond post-Covid, le marché foncier rural et forestier enregistre un repli de 6% des transactions (au nombre de 374.000), avec toutefois un tableau "plus contrasté". Dans le total, les marchés fonciers agricoles et forestiers restent au plus haut, à l'inverse des ventes de maisons à la campagne – qui avaient suscité un fort appétit dans l'après-covid – et du foncier destiné à l'urbanisation.

120.000 ventes de maisons ont été enregistrées, ce qui représente près du tiers du total des transactions, mais pour 9% seulement des surfaces. À l'inverse, les terres agricoles représentent les deux tiers des surfaces vendues (480.000 hectares) pour 28% des transactions.

Les ventes de maisons à la campagne enregistrent une baisse de 11,8% et de 15% en surface (- 6,6% en valeur), plus rapide que l'ensemble du marché des maisons dans l'ancien (- 5% de transactions selon l'Insee). Cette "inversion" s'accentue à partir du second semestre 2022, en raison d'un "accès au crédit qui s'est compliqué et qui a fermé le marché". "2023 sera à suivre de près", considère la fédération qui avait été l'une des premières à émettre l'hypothèse d'un "exode inversé" en 2021 (voir notre article du 28 mai 2021). Parmi les acquéreurs, les étrangers reviennent, en particulier les frontaliers.

L'urbanisation marque le pas

L'urbanisation des terres marque le pas, avec une chute de 46% des surfaces, avec 18.100 hectares destinées à être transformées. C'est "encore trop". Mais Emmanuel Hyest y voit un signal "positif", une prise de conscience des élus locaux sur le fait qu' "il faut cesser de gaspiller les terres agricoles", dans la trajectoire du ZAN (zéro artificialisation nette). "Un nouveau modèle de développement est en train de se mettre en place", veut-il croire. Toutefois, cette baisse est compensée par le marché des espaces de loisirs non bâtis qui connait une nouvelle hausse avec une surface totale de 33.800 ha (+6,8%). Pour la première fois, ils dépassent l'urbanisation. Ces espaces utilisés pour de l'agriculture de loisir, pour fournir un pré à un cheval ou autre sont "soustraits à la production agricole" et peuvent contribuer au mitage des terres, met en garde la FNSafer.

Du côté des forêts, les ventes diminuent en nombre (- 2,8%) mais augmentent en surface (+2,2%, avec 155.100 hectares). Ce sont en effet les ventes de grands massifs qui progressent par rapport aux petites forêts, avec une forte augmentation des surfaces acquises par les groupements forestiers ou les scieries (+29%) par rapport au particuliers (-11%).