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Les intrapreneurs territoriaux à l’épreuve du droit à l’échec

Plusieurs collectivités ont lancé des programmes d’intrapreneuriat avec pour objectif d’améliorer le service à l’usager et le fonctionnement de leur collectivité. Une belle idée qui se heurte parfois aux difficultés de faire accepter que certains projets n’aboutissent pas, comme en ont témoigné la communauté d'agglomération de Pau et la région Bretagne.

Dans le cadre du mois de l’innovation publique, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a organisé un webinaire pour faire témoigner la communauté d'agglomération (CA) de Pau et la région Bretagne, deux collectivités ayant lancé des projets "d’intrapreneuriat". Des démarches d’innovation ouverte portées par les agents que l’agence souhaite aujourd’hui démultiplier via son "incubateur des territoires" (notre article du 26 octobre).  

Financer le droit à l’erreur

À Pau, le projet a été lancé voici deux ans avec l’appui de Beta.gouv, la task force de l’État dédiée aux méthodes d’innovation agile. "Un projet plutôt bien accueilli par les élus car il avait des résonnances fortes avec notre territoire qui a l’innovation dans son ADN", explique François Mengin Lecreulx, DGS de la ville de Pau et de l’agglomération Pau Béarn-Pyrénées. L’innovation externe, via l’appui à des incubateurs locaux, et l’innovation interne n’ont cependant pas grands rapports, même si certains projets nés au sein de la collectivité sont susceptibles de profiter à des start-up locales. Les difficultés ont commencé quand il s’est agit de trouver des ressources budgétaires et de convaincre les directions d’accepter que certains de leurs agents puissent consacrer du temps à des projets n’entrant pas directement dans leurs missions. "Il a fallu beaucoup de force de conviction, justifier que les projets apportaient une véritable plus-value pour la collectivité", reconnait le DGS. Quant au budget, la collectivité a tranché en dédiant une enveloppe à l’amorçage des projets, ceux-ci ayant vocation à être portés (et financés) par les directions métiers dans leur phase de production. Le portage politique de l’intrapreneuriat s’avère d’autant plus nécessaire que les projets des agents peuvent échouer ou être abandonnés en cours de route. "Nous avons un vrai sujet avec le financement du droit à l’erreur", estime Céline Faivre, DGA de la région Bretagne. Et de faire remarquer que "les grandes entreprises gagnent de l’argent parce qu’elles ont accepté d’en perdre à un moment".  

L’ANCT en appui du déploiement

La question du risque devient cruciale dès lors que le projet a vocation à dépasser les frontières du territoire qui l’a incubé. "C’est là que l’ANCT intervient", indique Pierre-Louis Rolle, directeur de programmes à l’ANCT. L’ANCT, qui se positionne comme une sorte de "tiers de confiance apportant une expertise technique et juridique aux collectivités ainsi qu’un appui au déploiement". L’agence a affecté 3 millions d’euros sur 2021 au financement des projets des territoires. Dans un premier temps, il s’agira surtout de financer des investigations. Celle-ci vise à cerner le problème à résoudre et à vérifier qu’il n’existe pas de solutions ad’hoc pour le résoudre, elle est intégralement prise en charge par l’agence (pour candidater, c’est ici). Il s’agit aussi de déconnecter l’agent ayant soumis "le problème à résoudre" de la gouvernance du projet en faisant en sorte qu’il ne soit pas le "product owner" [terme du monde des start-up qui désigne celui qui a la responsabilité du produit]. Une mission qui a elle aussi vocation être assumée par l’ANCT, notamment pour les projets ayant un intérêt national, comme c’est par exemple le cas pour les "Aidants Connect". Reste à savoir ce qu’il adviendra des agents qui pourraient ainsi se faire voler leur bébé… "Il faut que cette participation à un projet d’innovation se traduise par la certification des compétences acquises", assure Pierre-Louis Rolle. Clémence Hiénard, chargée d'intrapreneuriat à Pau, défend pour sa part une vision d’un entrepreneuriat à risque limité en estimant que les agents doivent avoir la possibilité de quitter la collectivité pour mener leur projet tout en ayant des garanties sur leur réintégration. En attendant, toutes ces questions ne semblent pas entamer la dynamique : pour son troisième appel à candidatures, la collectivité paloise a d’ores et déjà fait carton plein.
Ce webinaire, comme tous ceux organisés dans le cadre du mois de l’innovation publique, devrait être disponible en replay et les collectivités peuvent d’ores et déjà consulter le "territoire store" qui liste la vingtaine de projets en cours.