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Logement - Les loyers à Paris : libres ou encadrés ? Stables ou en hausse ?

Moins d'un mois après la décision de la cour administrative d'appel (CAA) de Paris confirmant l'annulation de l'encadrement des loyers prononcée en novembre dans la capitale (voir notre article ci-dessous du 27 juin 2018), la mairie de Paris assure que, "dès l'automne prochain", elle rétablira l'encadrement des loyers, dans le cadre posé par l'article 49 du projet de loi Elan (portant Evolution du logement, de l'aménagement et de l'urbanisme) actuellement en discussion au Sénat (voir notre dossier).
La ville indique qu'elle "a demandé à l'État de faire appel de cette décision et de prendre en urgence toutes les mesures nécessaires pour permettre que l'encadrement des loyers puisse s'appliquer dans les zones tendues". Et Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, a indiqué le 23 juillet aux sénateurs qu’il allait se pourvoir devant le Conseil d’État pour tenter d’annuler les décisions de justice qui ont mis fin à l’encadrement des loyers à Lille et Paris.

"Nous le ferons dès l'automne"

Pour Ian Brossat, l'adjoint à la maire de Paris chargé du logement, "nous le ferons dès l'automne : c'est indispensable pour que celles et ceux qui travaillent à Paris puissent s'y loger, en particulier les jeunes, les étudiants, les familles monoparentales et les familles de la classe moyenne, qui furent les principaux bénéficiaires de cette mesure". Il est toutefois peu probable que cette disposition temporaire de la loi Elan, qui ne sera sans doute pas promulguée avant la fin septembre, puisse s'appliquer à l'automne, dans la mesure où des textes d'application seront nécessaires pour mettre en place l'expérimentation prévue par la loi.
Pour justifier sa décision d'aller vite, la mairie de Paris invoque "la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), association nationale qui défend les intérêts spécifiques des consommateurs et des usagers, [qui] a publié une étude sur l'impact de l'annulation de l'encadrement des loyers à Paris ces six derniers mois". Pour Ian Brossat, pas de doute : "Comme nous le craignions, la fin de l'encadrement des loyers à Paris a conduit à une hausse considérable des prix ces six derniers mois."

Pour l'Olap, une "légère reprise des loyers" en 2017

Le seul organisme officiellement agréé pour mesurer l'évolution des loyers à Paris est pourtant l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap), dont la mairie est membre au même titre que d'autres organismes comme les ministères de la Cohésion des territoires ou de l'Environnement, la préfecture de région, l'Anah, l'Adil, la Fnaim ou... la CLCV.
L'Olap a publié, le 17 juillet, un communiqué titré "Légère reprise des loyers des logements privés dans l'ensemble de l'agglomération parisienne en 2017". Il en ressort que la hausse des loyers d'habitation du parc locatif privé non meublé est en moyenne (tous locataires) de 0,8% dans l'agglomération parisienne en 2017. Après s'être fortement réduit entre 2011 et 2014, le "saut à la relocation" s'était stabilisé depuis lors, jusqu'à sa légère reprise en 2017. Point important, cette hausse est identique à Paris et en petite et grande couronne (respectivement 0,8%, 0,9% et 0,8%).
L'étude de l'Olap montre aussi que pour les loyers à la relocation, plus représentatifs de l'évolution du marché locatif, la hausse est plus forte en petite couronne (+3,1% contre +0,3% en 2016) et en grande couronne (+2,2% contre des baisses les trois années précédentes) qu'à Paris (+2%).
En revanche les chiffres pour 2017 fournis par l'Olap ne tiennent que très partiellement compte d'un éventuel effet de l'annulation de l'encadrement des loyers, puisque la décision du tribunal administratif de Paris n'est intervenue qu'à la fin du mois de novembre 2017 (avant d'être confirmée par la CAA en juin 2018).

Loyers 2018 en hausse pour la CLCV...

Egalement datée de juillet 2018, l'étude de la CLCV est très différente. Elle porte sur l'analyse de 1.000 annonces immobilières recueillies sur les sites spécialisés (sites de réseaux d'agences immobilières ou sites grand public), six mois après l'annulation de l'encadrement.
Il en ressort que 52% des annonces proposeraient des loyers supérieurs au maximum autorisé, en fonction de l'emplacement du bien, soit 48 % d'offres conformes. Les loyers non conformes excèderaient en moyenne le maximum autorisé d'environ 128 euros par mois, soit 1.536 euros par an. Si on compare aux 61% d'annonces conformes en 2017, alors que l'encadrement des loyers s'appliquait, la baisse est de 13 points. Elle est plus prononcée chez les agences immobilières (dont le taux de conformité serait passé de 77% à 57%) que parmi les bailleurs particuliers (de 44% à 39%). 

... en baisse pour Clameur

À noter que l'échantillon de l'étude de la CLCV n'est pas représentatif de la réalité. Il est "partagé de façon totalement équilibrée entre, d'une part, les locations meublées et nues et, d'autre part, les annonces passées directement par un particulier ou par l'entremise d'un professionnel de l'immobilier", soit 500 logements nus et 500 logements meublés, et 500 annonces issues d'une agence et 500 proposées directement par des particuliers. Or, selon une étude de l'Inspection générale des finances, les meublés ne représentaient que 18% de l'offre locative privée dans la capitale (chiffres de 2012).
Enfin, selon Clameur - l'Observatoire national qui regroupe les acteurs privés du logement -, les loyers dans Paris intra-muros (loyers de marché et de relocation) seraient... en baisse de 0,6% en février 2018, soit trois mois après l'annulation de l'encadrement.
Plusieurs années après la montée en charge de l'observation des loyers, il faut bien admettre qu'il devient de plus en plus difficile d'y voir clair.