Les Pyrénées, sentinelle du changement climatique

L’Observatoire pyrénéen du changement climatique (OPCC) a présenté les premiers résultats de son programme Adapyr lors du quatrième colloque international sur le changement climatique en montagne qui s’est déroulé à Bilbao (Espagne), les 19 et 20 mai. En soixante ans, le massif a connu une élévation de la température d'1,6°C, plus rapide que la moyenne mondiale.

"Depuis 1983, plus de la moitié des glaciers des Pyrénées ont disparu." Et la vingtaine qui restent se trouvent dans une situation "délicate". C’est le constat dressé par Eva Gracia Balaguer, coordinatrice de l’Observatoire pyrénéen du changement climatique (OPCC), lors d’une conférence de presse organisée en marge du quatrième colloque international sur le changement climatique en montagne qui s’est déroulé à Bilbao (Espagne), les 19 et 20 mai. À cette occasion a été présenté le premier bilan du projet Adapyr qui, depuis trois ans, a permis de compiler toutes les données disponibles sur l’impact du changement climatique dans Pyrénées et obtenir ainsi le diagnostic le plus fiable possible. La fonte des glaciers est peut-être ce qui frappe le plus les esprits. L’un des plus emblématiques d’entre eux, le glacier de l’Aneto (point culminant de la chaîne du haut de ses 3.404 mètres) a ainsi perdu 53% de sa surface en trente ans. Et le glacier du Seil de la Baque, situé dans le cirque du Portillon, sur la frontière espagnole, a vu passer sa surface de 17,76 hectares en 1990 à 7,86 hectares en 2020… La grotte glacée de Cotiella (Aragon) a fondu de 20% et la température intérieure augmente. Autant d’exemples illustrés dans le documentaire "Sur le chemin des glaces" diffusé en avant-première dans le cadre du colloque. Les effets du réchauffement sont plus marqués en altitude qu’en plaine. Et les Pyrénées subissent la double peine : le bassin méditerranéen est lui-même est particulièrement exposé. "Entre 1960 et 2020, les températures ont augmenté de 1,6°C en moyenne dans les Pyrénées", alerte Eva Gracia Balaguer. Soit bien plus vite que la moyenne mondiale (+1,2°C depuis 1850). Les montagnes sont des milieux "plus vulnérables" face aux changements, insiste la coordinatrice.

8% de précipitations en moins

Le projet transfrontalier Adapyr, qui bénéficie des fonds européens Interreg, est porté par l’OPCC, lui-même créé dix ans plus tôt par la communauté de travail des Pyrénées (CTP). Cette structure transfrontalière regroupe l’Aquitaine et l’Occitanie côté français, la Catalogne, l’Aragon, la Navarre et l’Euzkadi en Espagne et la Principauté d’Andorre. Sorte de "Giec" local, Adapyr a permis d’amasser bien d’autres données. Toujours entre 1960 et aujourd’hui, les précipitations ont diminué de 8%. Ce qui a un impact sur le cycle de l’eau. Et l’accumulation de neige sous 1.500 mètres pourrait diminuer de 78% d’ici le dernier quart du XXIe siècle, compromettant ainsi l'avenir des stations de basses altitude.

Les forêts aussi sont impactées. "Elles couvrent plus de la moitié du massif et remplissent de nombreuses fonctions : production de bois, accueil de la biodiversité, séquestration et stockage du carbone, stabilisation des sols", souligne Sébastien Chauvin, directeur du programme Forespir. Et "elles ont une valeur patrimoniale forte en termes paysagers, les publics sont toujours plus nombreux à les parcourir". Les scientifiques ont scruté 63 placettes qui ont permis de suivre chaque année quelque 2.500 arbres d’un bout à l’autre de la chaîne. Entre 2013 et 2019, les débourrements (apparition de bourgeons) des sapins pectinés ont gagné 14 jours sur le calendrier. Pour les chênes, c’est une semaine. Entre 1997 et 2020, les pertes de feuilles (défoliations) ont pris de l’ampleur, surtout dans le nord et l’est des Pyrénées, particulièrement chez les feuillus thermophiles. En versant sud, la situation est beaucoup plus contrastée.

Une stratégie pyrénéenne pour le climat

Les fleurs ne sont pas épargnées. 5% de la flore pyrénéenne est menacée de disparition. "Le changement climatique intervient directement sur les milieux mais il révèle que nos pratiques ne sont peut-être plus tout à fait adaptées dans le contexte actuel", insiste Gérard Largier, directeur du Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées et responsable du projet Florapyr. 

Mais Adapyr ne se contente pas d’amasser des données. Un des principaux projets du programme a été l’adoption fin 2021 d’une stratégie pyrénéenne pour le changement climatique (EPiCC). Il s'agit de la première stratégie climatique transfrontalière en Europe. L’objectif est de rendre les Pyrénées "plus résilientes" face au changement climatique à horizon 2050, à travers cinq axes de coopération : climat, espaces naturels, populations et territoires, économie de la montagne et gouvernance. Un catalogue de 89 actions prioritaires doit être mis en place d’ici 2030. Également à l'actif du programme : la publication d'un bulletin annuel du climat et ses impacts sur les Pyrénées (BICCPIR) ou d'un site Geportail régulièrement actualisé avec toutes sortes de données. Aux pouvoirs locaux à présent de passer à l'action.

  • Quelle évolution pour les alpages des Alpes ?

L'Inrae et Météo France ont mis au point un nouvel outil pour aider les éleveurs à anticiper l'évolution des alpages des Alpes françaises face au changement climatique. Baptisé Alpages sentinelles, cet outil internet en accès libre permet de visualiser le "profil climatique" de quelque 2.700 alpages avec des indicateurs qui remontent jusqu'aux années 1960. Ce qui permet de comparer les valeurs d'un année par rapport aux années de référence. Il permet d'"appréhender les évolutions climatiques, comme les conditions au démarrage des végétations en alpage par exemple (déneigement, gel, températures notamment)", explique l'Inrae. Il donne aussi des indications sur le moment à partir duquel il est possible de monter les bêtes en estive. "Grâce à cet outil, on note un gain de précocité de l’ordre d’une quinzaine de jours en moyenne sur la période récente par rapport à la période de référence historique (1960-1990) à l’échelle des Alpes, mais qui est aussi sujet à une forte variabilité interannuelle", précise l'Inrae qui compte à présent sur une appropriation de son outil par les éleveurs. L'enjeu sera de "dépasser l’horizon des constats pour se donner les moyens d’anticiper les besoins d’adaptation".

 

 

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