L'Europe se fixe un objectif de 42,5% de renouvelables d’ici 2030

L'accord trouvé jeudi 30 mars sur la directive RED III boucle le marathon des textes du paquet "Fit for 55" porté par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Le Conseil et le Parlement ont arrêté un objectif de 42,5% de renouvelables dans la consommation finale d'ici à 2030. Pour accélérer les procédures dans la construction de nouvelles installations, les États devront définir des "zones d'accélération des énergies renouvelables". Quant à l'hydrogène bas-carbone, il se voit attribuer un régime dérogatoire difficile à mettre en oeuvre.

Présenté par la Commission le 14 juillet 2021, le paquet climat "Fit for 55" - corpus de 13 textes (directives et règlements) censé mettre l’Europe sur la voie des 55% de réduction de gaz à effet de serre d’ici à 2030 - a connu une forte accélération cette semaine. Après l’adoption par les Vingt-Sept, mardi, du règlement mettant fin à la commercialisation des voitures thermiques (voir note article du 29 mars 2023) et de deux règlements sur le "partage de l’effort" et sur "l’utilisation des terres et la foresterie", la boucle est quasiment bouclée avec l’accord trouvé, jeudi 30 mars à l’aube, entre le Conseil et le Parlement, sur la révision de la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED III). C’est l’un des textes phares de ce paquet climat, rehaussant les objectifs d’un précédent texte de 2018. Lui-même s’est vu renforcé par le plan RepowerEU qui vise à soustraire l’UE de la dépendance aux énergies fossiles, en particulier russes (voir notre article du 8 mars 2023). On pourrait même dire que c’est l’aboutissement d’un long processus qui a véritablement démarré en 2015, bien avant la guerre en Ukraine donc, mais dans les remous de l’annexion de la Crimée, avec la stratégie pour une Union de l’énergie résiliente (voir notre article du 2 mars 2015).

Vers un doublement de la part d'énergies renouvelables

Derrière le silence assourdissant qui entoure le sabotage du gazoduc NordStream 2, l’Europe pousse tous les curseurs dans les énergies renouvelables. Après 14 heures d’ultimes discussions, un compromis a donc été arraché jeudi fixant un objectif contraignant de 42,5% de renouvelables dans la consommation européenne finale d'ici à 2030 (les États qui le souhaitent pourront aller jusqu’à 45%). Cette cible se situe à mi-chemin entre les 45% que réclamaient la Commission européenne dans sa proposition initiale et le Parlement et les 40% demandés par les États. C’est un quasi-doublement par rapport au niveau actuel d'environ 22%. La France se situe pour sa part à 19%. La directive de 2018 fixait un objectif contraignant de 35% à horizon 2030. "Cela signifie faire en sept ans autant que ce que nous avons installé dans les quarante dernières années !", a commenté le député français Pascal Canfin (Renew Europe), président de la commission Environnement du Parlement.

Parallèlement à ces valeurs cibles, les négociateurs se sont mis d’accord sur des objectifs plus ambitieux dans le domaine des transports, de l’industrie et de la construction. Le secteur des transports devra ainsi réduire de 14% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 grâce aux énergies renouvelables, avec un objectif contraignant d’au moins 29% de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale du secteur d’ici 2030. L’industrie devra augmenter sa part d’énergies renouvelables de 1,6% par an. Enfin, l'accord fixe un objectif de 49% d’énergies renouvelables dans les bâtiments d’ici la fin de la décennie. Pour le chauffage et la climatisation, la part des renouvelables devra augmenter de 0,8% par an au niveau national jusqu'en 2026 et de 1,1% de 2026 à 2030.

Zones d'accélération des énergies renouvelables 

Dans le droit fil du plan RepowerEU, la nouvelle législation permettra par ailleurs d’accélérer les procédures d’octroi de permis pour les nouvelles centrales électriques fonctionnant aux énergies renouvelables ou pour adapter les centrales existantes. Chaque État aura dix-huit mois, à compter de l’entrée en vigueur de la directive, pour définir des "zones d'accélération des énergies renouvelables" où les procédures seront simplifiées. Ils devront également élaborer un plan de développement de ces zones dans un délai de vingt-sept mois. Dans ces périmètres, choisis pour leur fort potentiel ou pour leurs faibles risques environnementaux, les autorités nationales disposeront d’un délai maximum de douze mois pour approuver les projets de nouvelles installations (excepté pour les projets d’éoliennes en mer, où le délai est porté à deux ans). En dehors de ces zones, le processus ne devrait pas dépasser deux ans (ou trois ans pour l’éolien en mer). Un enjeu de taille pour la France où il faut compter en moyenne cinq ans de procédures pour construire un parc solaire, sept pour un parc éolien et dix pour un parc éolien en mer. Le sujet est déjà au cœur de la loi Accélération de la production d’énergies renouvelables qui vient tout juste d’être promulguée et qui vise à diviser par deux la durée des procédures dans des zones prioritaires (voir notre dossier).

L’un des gros enjeux de la directive consistait aussi à déterminer quelles sources d’énergies utiliser pour parvenir à ces objectifs ambitieux. La biomasse forestière est considérée comme renouvelable mais les députés sont parvenus à imposer des critères stricts "afin de s’assurer que l’UE ne subventionne pas les pratiques non durables", souligne le Parlement. "Le bois-énergie, qui a fait l'objet de nombreux débats au niveau européen, reste une énergie renouvelable qui est incontournable afin de boucler notre équation énergétique et nous nous félicitons que la France ait maintenu une position claire sur ce sujet depuis le début des négociations", s’est félicité Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), cité dans un communiqué.

Le nucléaire non considéré comme renouvelable

Autre enjeu important : la place de l’hydrogène bas-carbone produit à partir du nucléaire (hydrogène rouge), pomme de discorde entre la France et l’Allemagne depuis des mois. La France réclamait le même traitement que l'hydrogène renouvelable (comme c'est le cas dans de nombreux pays dont les États-Unis). Ce n'est pas le choix fait par l'Europe. Le texte prévoit que 42% de l’hydrogène utilisée dans l’industrie devra être d’origine renouvelable (solaire et éolien) d’ici à 2030 et 60% d’ici à 2035. Toutefois, un régime dérogatoire est introduit. Il permettrait aux États d’abaisser à 20% la part de l’hydrogène renouvelable dans l’industrie mais à une double condition. L’État devra tout d’abord remplir les objectifs généraux fixés à la directive (les 42,5% d’énergies renouvelables). Par ailleurs, la part d'hydrogène d'origine fossile consommée dans l'État membre ne devra pas dépasser 23% en 2030 puis 20% en 2035. Une formulation alambiquée qui fait que même Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l’énergie, et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, ont dit, jeudi, attendre les détails de l’accord pour y voir clair. Un comble. Pour la France, il s’agirait concrètement de doubler sa part d’énergies renouvelables et de porter à 77% la part d’hydrogène bas-carbone ou renouvelable d’ici la fin de la décennie. Ce qui semble suffisamment contraignant pour satisfaire les opposants au nucléaire, en particulier en Allemagne. "Cet hydrogène produit à partir de l’énergie nucléaire ne sera pas considéré comme répondant aux objectifs verts des énergies renouvelables", a déclaré le rapporteur allemand Markus Pieper (Parti populaire européen). L'accord franco-allemand du 22 janvier n'est plus qu'un lointain souvenir...

Le député français Christophe Grudler rapporteur du groupe Renew Europe, préfère voir le verre à moitié plein et retient surtout les objectifs ambitieux du texte. "En fixant cet objectif de 45% (non contraignant, NDLR) d’énergies renouvelables d’ici 2030, nous faisons un pas de géant pour réaliser nos objectifs climatiques européens", a-t-il réagi.

L'accord informel doit à présent être approuvé par le Parlement et le Conseil pour permettre l’entrée en vigueur de la directive.