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LFR 3 : ce que les collectivités en retiendront

La troisième loi de finances rectificatives, définitivement adoptée par le Parlement le 23 juillet, a été publiée au JO ce 31 juillet. Une nouvelle loi de soutien aux secteurs les plus en difficulté, en attendant le plan de relance... et un plan d'urgence pour les collectivités. Le point sur les principales dispositions telles que figurant in fine dans la loi : garantie de recettes fiscales et domaniales, avances remboursables de DMTO pour les départements, dotation de soutien à l'investissement local...

La troisième loi de finances rectificatives (LFR), définitivement adoptée par le Parlement le 23 juillet (députés et sénateurs avaient trouvé un accord en commission mixte paritaire deux jours plus tôt), a été publiée au JO ce 31 juillet. Cette LFR 3 représente environ 45 milliards d'euros de soutien pour le tourisme, l'aéronautique, l'automobile ou encore l'emploi des jeunes… et une kyrielle d'autres mesures d'urgence face à la crise, en attendant le plan de relance qui sera présenté fin août et sera inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021. C'est aussi un effort de 4,5 milliards d'euros aux collectivités.
Lors du passage au Sénat, le gouvernement avait fait adopter précédemment par les sénateurs une série de nouvelles ouvertures de crédits : 744 millions d'euros en autorisations d'engagement pour l'apprentissage, 50 millions pour le financement du repas à un euro pour les étudiants boursiers, 75 millions pour renouveler et "verdir" la flotte de véhicules de la police et de la gendarmerie. Avaient été ajoutés également 490 millions d'euros pour décarboner l'industrie ou des projets de relocalisation industrielle, et 250 millions pour l'agence de financement des infrastructures de transports de France (Afift).
Concernant l'emploi des jeunes, le gouvernement a mis sur la table une aide de 4.000 euros en exonération de cotisations à l'embauche d'un jeune de moins de 25 ans. Cette aide, qui fait espérer au gouvernement 450.000 embauches d'ici à janvier, concernera les salaires jusqu'à deux Smic. Elle est la mesure phare d'un "plan jeunes" pour lequel le Premier ministre, Jean Castex, a promis 6,5 milliards d'euros sur deux ans.
Plusieurs gestes fiscaux avaient précédemment été ajoutés par l'Assemblée, à destination des soignants, des militaires ou pour soutenir la presse. Concernant la compensation financière des pertes de recettes d'Île-de-France Mobilités, les parlementaires ont retenu le mode de calcul proposé par le Sénat qui permettrait une aide complémentaire de 180 millions d'euros. Un acompte de 425 millions d'euros est prévu en 2020.

S'agissant des dispositions touchant directement les finances des collectivités, ce texte met donc en œuvre le plan d'urgence pour les collectivités les plus affectées par la crise. Et inclut d'autres mesures, notamment pour permettre aux collectivités de réduire certaines taxes pour soutenir des secteurs économiques en difficulté. Ces dispositions ont fait l'objet de retouches et ajouts tant à l'Assemblée qu'au Sénat (voir ci-dessous nos articles précédents sur les lectures du texte). Le point sur les principales d'entre elles telles que figurant in fine dans la loi.

Allègement de CFE pour certains secteurs économiques. Entre le 10 juin et le 31 juillet 2020, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre peuvent instituer, par délibération, un abattement en 2020 des deux tiers du montant de la cotisation foncière des entreprises (CFE) dû par les petites et moyennes entreprises des secteurs les plus touchés par la crise du Covid-19 (tourisme, hôtellerie, restauration, sport, culture, transport aérien et événementiel). L'État prendra en charge la moitié du coût de l'abattement dont bénéficiera chaque entreprise (article 11).

Exonération de taxe d'habitation pour certains contribuables âgés. Un mécanisme (institué par la loi de finances pour 2016) allégeant la taxe d'habitation et la contribution à l'audiovisuel public des personnes âgées ou handicapées aux revenus modestes, qui avait déjà été prorogé ces dernières années, a été prolongé une nouvelle fois (cette fois pour les contributions dues en 2020). Le dispositif s'apparentant à une exonération – et non à un dégrèvement – il devrait laisser à la charge des collectivités territoriales une somme de 120 millions d'euros (article 16).

Garantie des recettes fiscales et domaniales en 2020. Les communes, les EPCI à fiscalité propre et les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, dont les recettes fiscales et les redevances et recettes d'utilisation du domaine auront baissé fortement en 2020, auront la garantie de bénéficier du montant moyen de ces recettes constaté entre 2017 et 2019 (article 21). Une dotation de l'État sera versée aux collectivités concernées. Sur la base d'une estimation des pertes de recettes fiscales et de produits d’utilisation du domaine subies en 2020, un acompte sera d'abord versé au cours du second semestre 2020. Puis, après l'évaluation définitive des pertes, un ajustement aura lieu en 2021.
Les groupements de collectivités territoriales qui sont autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sont éligibles au dispositif : l'État garantit qu'ils percevront cette année au moins le montant moyen de versement mobilité de la période 2017-2019. Le dispositif est, enfin, étendu aux "groupements de collectivités territoriales qui ont perçu en 2019 et en 2020 la taxe de séjour, la taxe de séjour forfaitaire, le produit brut des jeux ou la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontée mécanique.
Le dispositif comporte quelques particularités. Ainsi, la perte de recettes de taxe de séjour subie en 2020 est calculée par rapport à la seule année 2019. Le produit des redevances et des recettes d’utilisation du domaine public perçu en 2020 est, quant à lui, déterminé de manière forfaitaire, en se référant au produit perçu en 2019, auquel est retranché un abattement de 21%. Enfin, il est prévu qu'aucune commune ou aucun EPCI éligible à la garantie ne touche une dotation inférieure à 1.000 euros.

Compensation des pertes fiscales des régions et collectivités d'outre-mer. Une dotation, au fonctionnement semblable à celle qui est instituée pour le bloc communal, est créée pour les régions de Guadeloupe et de La Réunion, ainsi que pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et le département de Mayotte. La dotation a vocation à couvrir la perte enregistrée en 2020 sur les recettes d'octroi de mer régional et de taxe spéciale de consommation (article 22). Les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna bénéficient d'un mécanisme de garantie qui prend en compte la spécificité de certaines de leurs recettes (article 24).

Compensation des pertes fiscales de la collectivité de Corse. En métropole, la collectivité de Corse a droit elle aussi à une dotation visant à compenser les pertes enregistrées en 2020 pour certaines de ses recettes (article 23).

Avances remboursables destinées aux départements. Les départements, la ville de Paris, la métropole de Lyon, la collectivité de Corse et les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique peuvent demander à l'État le bénéfice d'une "avance" sur les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Elle leur est versée si le produit des DMTO estimé en 2020 est inférieur à la moyenne des recettes issues de cette même taxe entre 2017 et 2019 (article 25). L'avance est égale à la différence entre les deux montants de recettes. Les bénéficiaires devront effectuer le remboursement des sommes avancées, sur une période de trois ans, mais seulement à compter de l’année qui suivra un retour du produit des DMTO au moins équivalent à celui de 2019 (clause de "retour à meilleure fortune").

Dotation de soutien à l'investissement local. Dotée de plus de 500 millions d'euros en crédits de paiement dans la loi de finances pour 2020, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) est abondée, cette année, d'1 milliard d'euros en autorisations d'engagement (article 29). Le but : donner un coup de pouce à de nouveaux projets portés par les collectivités territoriales et leurs groupements. Les crédits qui seront débloqués dès cet été, seront fléchés en priorité vers les projets "contribuant à la résilience sanitaire, à la transition écologique et à la rénovation du patrimoine public" (bâti ou non bâti). Une circulaire, qui sera publiée prochainement, détaillera chacun de ces domaines prioritaires. Les crédits de l'enveloppe d'1 milliard d'euros qui ne seront pas consommés dès cette année, viendront abonder la DSIL en 2021.
Par ailleurs, "à titre exceptionnel", la DSIL permet de financer en 2020 la réalisation d’opérations éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Il s'agit de garantir aux collectivités du monde rural l'accès aux crédits de la DSIL. Par dérogation, les subventions attribuées au titre de cette dotation peuvent être notifiées au cours du second semestre 2020 (article 70).

Exonération facultative des taxes de séjour en 2020. Les communes, les EPCI à fiscalité propre, la ville de Paris et la métropole de Lyon peuvent prendre une délibération, entre le 10 juin et le 31 juillet 2020, dans le but d'exonérer les redevables de la taxe de séjour pour l'année 2020 (article 47). Cette exonération est intégralement à la charge des communes et de leurs EPCI. Dans le cas de la taxe de séjour forfaitaire, l'exonération est totale pour l'ensemble de l'année. Lorsque la taxe de séjour au réel s'applique, les touristes sont exonérés de taxe pour les nuitées effectuées entre le 6 juillet et le 31 décembre 2020. Si elle est décidée, l'exonération s’applique également aux taxes additionnelles à la taxe de séjour que perçoivent certains départements et la Société du Grand Paris.
La direction générale des finances publiques publiera le 31 août prochain le fichier des délibérations de taxe de séjour (cette publication intervient habituellement le 1er juin).

Transferts de charges entre les communes et leur intercommunalité. Les commissions locales chargées d'évaluer les charges transférées (Clect) ont un an supplémentaire pour transmettre leur rapport aux communes et au conseil communautaire sur les transferts de compétences intervenus en 2020 (article 52). Cette dérogation repousse donc au 30 septembre 2021 la limite de l'exercice. Les EPCI à fiscalité propre concernés communiquent aux communes membres, avant le 30 décembre 2020, le montant prévisionnel des attributions de compensation liées aux transferts de charges intervenus en 2020.

Commissions communale et intercommunale des impôts directs. Le délai pour désigner les membres des deux commissions est porté, pour l’année 2020, de deux à trois mois à compter, soit du renouvellement général des conseils municipaux, soit de l’installation de l’organe délibérant de l'EPCI (article 58). Ce délai de trois mois s'applique aussi à la désignation des membres des commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels.

Éligibilité au FCTVA des dépenses d'informatique en nuage. Certaines dépenses des collectivités en matière d'informatique en nuage ("cloud") sont rendues éligibles au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA). Le dispositif concernera les prestations de solutions relevant de l’informatique en nuage déterminées par un arrêté interministériel et payées par les collectivités à compter du 1er janvier 2021 (article 69). Le taux de remboursement forfaitaire auquel auront droit les collectivités s'élèvera à 5,6 % (contre 16,404 % pour les autres dépenses).

Pactes financiers et fiscaux. Les EPCI signataires d'un contrat de ville ont jusqu'au 30 décembre 2021 – soit un an de plus – pour adopter leur pacte financier et fiscal (article 71).

Accompagnement du secteur associatif face à la crise. Les règles fixées par l'article 24 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 sont adaptées pour donner aux collectivités la faculté de mieux accompagner le secteur associatif face aux conséquences de la crise du Covid-19 (article 72). Elles peuvent, en effet, maintenir la totalité (et pas seulement une partie) de la subvention accordée à un projet, ou un événement qui a été annulé pendant l'état d'urgence sanitaire.

Parmi les autres dispositions de la LFR 3...

  • Exonération de cotisations patronales, aide au paiement des cotisations, remises de dettes et plans d'apurement pour les entreprises affectées par la crise sanitaire.
  • Création d’une aide exceptionnelle pour les contrats d’apprentissage conclus entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021.
  • Augmentation du plafond de la taxe pour frais de chambre de 100 millions pour soutenir les CCI.
  • Culture : soutien financier aux opérateurs et les établissements les plus fragilisés par la crise et mise en place d’un fonds d’urgence de 10 millions pour les festivals annulés.
  • Ouverture de 100 millions supplémentaires pour le financement du dispositif MaPrimeRenov' (voir notre article)
  • Renforcement des moyens alloués au plan France très haut débit (+ 30 millions d'euros)
  • Extension de l’exonération d’impôts sur le revenu des primes versées aux agents et salariés particulièrement mobilisés pendant l’état d’urgence sanitaire aux établissements privés de santé ou du secteur social et médico-social
  • Modification du code du patrimoine afin de clarifier et élargir les conditions d’octroi du label délivré par la Fondation du Patrimoine, qui pourra désormais être délivré pour les immeubles bâtis ou non bâtis. Et ce, sans restriction géographique pour la labellisation des immeubles non-habitables (voir notre article)