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L’inclusion numérique, un marché à 370 millions d'euros par an

À l’occasion de la sortie de sa première étude de marché sur l’inclusion numérique, la Banque des Territoires et son Hub des Territoires ont organisé une rencontre le 24 mars 2022. L'étude estime à 370 millions d’euros par an ce nouveau marché partagé entre près de 150 acteurs. 

C'est désormais un chiffre bien connu : plus de 13 millions de Français sont exclus du numérique . Autant de Français qui "sont dans une situation physique, intellectuelle, sociale, territoriale ou financière qui les empêche d’accéder de manière fluide à internet et aux outils numériques", a t-il été explicité en début de rencontre, au Hub des Territoires, le jeudi 24 mars 2022, avant de rappeler ce qu'est l'inclusion numérique. Ce sont "toutes les actions qui visent à rendre le numérique accessible à chaque individu et à leur transmettre les compétences numériques qui leur permettront de faire de ces outils un levier de leur insertion sociale et économique".

Face à ce constat, les organisateurs de la rencontre ont rappelé que "le déploiement de mesures concrètes pour inclure tous les citoyens, initié dans les années 2000, s’est accéléré à partir de 2018-2019 en se structurant autour du concept d’inclusion numérique". C'est dans ce contexte que la Banque des Territoires a réalisé une étude sur le marché de l’inclusion numérique "pour dégager les pistes principales d’évolution du secteur, et accompagner les acteurs de cette transition au service de territoires plus inclusifs, plus attractifs, plus durables et plus connectés".

Six activités clés

La Banque des Territoires a identifié six activités clés. La première est "la montée en compétences" qui s'exprime à travers "la sensibilisation et l'information, les services à la personne, la formation". Ensuite s'imposent toutes les questions d'accessibilité numérique : il s'agit de l'accès aux lieux comme les tiers-lieux par exemple et l'adaptation aux personnes handicapées, de l'accessibilité des sites internet à travers le design et l'ergonomie numérique ainsi que l'accès aux équipements grâce à l'achat de matériel reconditionné. L'étude identifie ensuite "tout ce qui est lié à l'ingénierie de projet", "l'outillage du financement de l'inclusion numérique avec les mécanismes comme les chèques TPE et  le passe numérique". Viennent ensuite les questions de confiance dans le numérique avec l'instauration de tiers de confiance et la sécurisation des données et, en dernier lieu, la détection des publics fragiles grâce aux outils de tests et de diagnostic.   

Les collectivités territoriales participent à hauteur de 23%

Financé pour près des deux tiers par des acteurs publics, le marché de l’inclusion numérique reste très subventionné mais "voit apparaître la demande des acteurs privés", relève l'étude. Dans ce paysage, elle recense que l'Union européenne finance l'inclusion numérique à hauteur de 16% à travers les fonds Feder et FSE, l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), etc. Viennent ensuite l'État et ses opérateurs, à hauteur de 24% avec le déploiement des France Services, la formation des conseillers numériques France Services, le déploiement du passe numérique, la mise en place de "Hubs pour un numérique inclusif", le déploiement de l'outil Pix depuis mars 2021, etc. (voir notre article du 22 mars). Les collectivités territoriales sont également de la partie avec une participation estimée à 23%. Leurs actions sont inscrites dans les contrats de plan État-région (CPER) et plans régionaux, plans régionaux tiers-lieux, plans d’actions départementaux ou à l’échelle d’une commune et/ou d'une intercommunalité, etc. Les entreprises financement elles aussi l'inclusion numérique à hauteur de 21% dans le cadre d'action de mise en conformité, d'accessibilité d'un site internet, de formations au numérique des employés d'entreprise, de dons et épargnes solidaires, etc. Enfin, les ménages participent aussi à cet effort à hauteur de 16% à travers des actions d'accompagnement et de formation à l'utilisation d'internet, d'achat de matériel reconditionné, d'utilisation d'un ordinateur dans un tiers-lieu numérique, etc.

Montée en compétences et l’accès au numérique représentent 90% du marché actuel

Dans son étude, la Banque des Territoires évalue le marché de l’inclusion numérique en France à plus de 370 millions d’euros par an partagé entre près de 150 acteurs. "La montée en compétences des publics et l’accès au numérique (équipement, usages…) représentent près de 90% du marché actuel", détaille la Banque des Territoires. La répartition des activités en valeur sur le marché de l’inclusion numérique est la suivante : 58% du marché est consacré à la montée en compétences, 29% à l'accès au numérique, 13% à l'appui aux projets.

Autre enseignement : le marché est partagé entre des acteurs hétérogènes dotés de modèles économiques divers. "L’hétérogénéité des acteurs et des modèles économiques, l’atomisation des budgets et la répartition des compétences sont des facteurs de complexité de l’écosystème de l’inclusion numérique et des éléments qui rendent difficile la lecture de ce marché", signale l'étude. Qui rappelle également que le marché de l’inclusion numérique a peu à peu vu se développer des structures dédiées au sujet comme les espaces publics numériques ou encore les CyberBases. "Depuis quelques années mais surtout sous l’effet de la crise du Covid, l’État a pris conscience de l’urgence de la situation et investi un plan de 300 millions d'euros sur l’inclusion numérique en déployant notamment 4.000 conseillers numériques France services, les outils et ressources associés ainsi que 2.500 espaces France services", est-il souligné. 

Sur ce marché, deux segments se détachent plus particulièrement en raison de leur valeur et de leur potentiel de marché. La formation, dont le chiffre d'affaire est de 149 millions d’euros au total, avec un "modèle économique porteur en B2B/B2G, impulsé par le compte personnel de formation (CPF), les certifications dédiées aux compétences numériques de base ou à l’accompagnement du numérique ; mais également grâce aux référentiels qualité tels que Qualiopi". L'autre segment, l’accessibilité numérique, a un chiffre d'affaire estimé à 46 millions d’euros et "un modèle économique porteur B2B de développement d’interface impulsé par les obligations du référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA)". 

Trois pistes pour l'avenir du secteur

La Banque des Territoires identifie trois pistes pour l'avenir du secteur de l’inclusion numérique. Elle estime qu'il faudrait "accélérer les projets dans une logique public-privé pour les faire grandir". Concrètement, elle suggère de "mettre en place des cadres de travail qui permettent de développer les partenariats public-privé", de "développer et favoriser les mécaniques de mutualisation pour acheter et développer des solutions innovantes à l’échelle des territoires" ou bien encore de "documenter et financer l’interopérabilité, les interfaces, les ressources et les outils [...]".

Ensuite, elle propose de "financer en amorçage les entreprises pour leur permettre un passage à l'échelle". Concrètement, il s'agirait de "mobiliser des outils financiers adaptés à des structures peu matures financièrement et en développement" et "continuer de documenter le marché et les perspectives de développement en favorisant les logiques d’observatoire de l’inclusion numérique". Dernière piste évoquée : "élargir les horizons de ce domaine transverse en créant des synergies avec d'autres domaines périphériques". Elle propose notamment "d'expérimenter et passer à l’échelle les pistes de développements sur les segments les plus matures ou les plus intenses en matière d’accompagnement dans le secteur de la santé, de l'éducation, du développement économique, de l'inclusion bancaire, de l'économie sociale et solidaire…"