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Loc'Avantages succède à "Louer abordable", profondément transformé

Baptisé Loc'Avantages, le nouveau dispositif destiné à remplacer "Louer abordable" est lancé. Le principe reste bien d'inciter les propriétaires à louer un logement à prix modéré en contrepartie de réductions d'impôt. Mais "Louer abordable" était en décroissance et était surtout utilisé en zone détendue. Le zonage est remplacé par des prix plafond par commune. Trois niveaux de loyers sont prévus, avec ou sans intermédiation locative. Les collectivités pourront y voir une façon de lutter contre la vacance locative. Et les logements concernés pourront être décomptés au titre de l'inventaire SRU.

Même si le décret d'application reste encore à paraître – a priori au mois de mars –, les contours du dispositif destiné à remplacer "Louer abordable" sont désormais définitivement fixés. Selon l'entourage de la ministre du Logement, il s'agit à la fois de faire face à l'essoufflement de "Louer abordable" et de développer une offre de logements accessibles dans le parc locatif privé existant, car "on ne peut pas se contenter de 400 à 450.000 nouveaux logements par an pour satisfaire les besoins". Emmanuelle Wargon avait déjà exposé les grandes lignes du nouveau dispositif lors de la présentation des mesures logement contenues dans le projet de loi de finances pour 2022 (voir notre article du 16 novembre 2021).

Les limites de "Louer abordable"

Lancé en février 2017 par Emmanuelle Cosse (voir notre article du 2 février 2017), "Louer abordable" succédait alors aux dispositif "Besson ancien" et "Borloo ancien". Il a pour objet de remettre sur le marché locatif des logements actuellement vacants, en incitant les propriétaires à les louer à des prix accessibles, en contrepartie de réductions d'impôt. Sur ce point, "les grands principes sont totalement conservés", mais selon le cabinet de la ministre, "il y avait des limites au dispositif". Depuis sa mise en place, celui-ci connaît en effet une nette décroissance : 150.000 logements bénéficiaires il y a cinq ans contre environ 110.000 aujourd'hui et un nombre de nouveaux conventionnements qui s'étiole, autour de  8.000 par an. Autres point faibles : des plafonds de loyers trop élevés en zone détendues – d'où un effet d'aubaine pour certains propriétaires – et trop bas à l'inverse en zones tendues. De ce fait, "Louer abordable" était majoritairement utilisé en zones détendues. De même, l'abattement sur les revenus fonciers est d'autant plus intéressant quand le taux marginal d'imposition est élevé. Enfin, le parcours utilisateur se révélait relativement complexe.

À compter du 1er avril (date d'ouverture de la plateforme de l'Anah au dépôt des dossiers), Loc'Avantages succédera donc à "Louer abordable". Au delà du goût prononcé pour les adjonctions de mots à virgules (MaPrimeRénov', FranceRénov'...), cette nouvelle dénomination n'a rien de cosmétique. Si les principes fondamentaux sont effectivement conservés, le dispositif n'en est pas moins profondément transformé.

Le zonage ABC abandonné au profit des prix du marché locatif

Premier changement de taille : le découpage en cinq zones ABC – trop imprécis – est abandonné au profit d'une fixation des loyers plafonds à partir des prix moyens du marché constatés sur la ville ou l'arrondissement considéré. Les observatoires des loyers – au nombre de 32 et qui couvrent aujourd'hui 2.400 communes représentant 50% du parc locatif – et différentes sources, comme les annonces immobilières, doivent permettre une fixation nettement plus fine de ces loyers plafonds, en phase avec la réalité. Avec toutefois un bémol reconnu par l'entourage de la ministre : le dispositif débutera sur la base des données 2018, cependant revalorisées. Un arrêté devrait venir fixer les montants par commune. Mais ce décalage initial devrait être prochainement rattrapé, avec une révision tous les deux ans en vitesse de croisière.

Autre innovation, une fois déterminés les loyers du marché local, le propriétaire bailleur – qui s'engage à louer un bien non meublé pour une durée minimale de six ans – ne devra pas dépasser un montant maximal de loyer, avec trois niveaux possibles : Loc1 (-15% sur les loyers de marché), Loc2 (-30%) et Loc3 (-45%). À ces différents niveaux de loyers correspondent des taux différents de réduction d’impôt (la réduction d’impôt pour Loc3 étant évidemment plus importante que pour Loc1). En revanche, les plafonds de ressources pour les locataires éligibles ne sont pas modifiés par rapport à "Louer abordable".

Pour le propriétaire bailleur, la réduction d'impôt est de 15% pour Loc1 et 35% pour Loc2. L'avantage de Loc3 n'est accessible que dans le cadre d'une intermédiation locative, autrement dit de l'intervention d'un organisme (généralement une association) agréé pour pratiquer l'intermédiation locative. Dans ce cas, le taux de réduction avec intermédiation locative est de 20% en Loc1, 40% en Loc2 et 65% en Loc3. Outre l'avantage fiscal, les propriétaires bailleurs qui concluent une convention à un niveau de loyer Loc2 ou Loc3 avec intermédiation locative bénéficient d'une "prime d'intermédiation locative" de 1.000 euros. Celle-ci est portée à 2.000 euros en cas de mandat de gestion confié à une agence immobilière sociale et peut même être encore majorée de 1.000 euros si la surface du logement est inférieure ou égale à 40 m2.

Un objectif de 20.000 conventions dès 2022

Pour bénéficier du dispositif Loc'Avantages, les propriétaires bailleurs intéressés doivent déposer la demande dans les deux mois suivant la signature du bail. Même si la plateforme dédiée de l'Anah n'ouvre que le 1er avril prochain, tout bail prenant effet à partir du 1er janvier 2022 peut être éligible au dispositif. La réduction d'impôt sera valable à compter de la date de prise d'effet du mail.

Outre les avantages évidents pour les propriétaires bailleurs – auxquels s'ajoute la possibilité de bénéficier d'aides spécifiques pour réaliser des travaux –, la présentation de Loc'Avantages souligne également les avantages pour les locataires : accès à des logements à des coûts inférieurs au marché, accompagnement personnalisé si le logement est loué en intermédiation locative... Pour les collectivités, Loc'Avantages doit permettre de lutter contre la vacance locative, de décompter les logements concernés au titre de l'inventaire des logements sociaux SRU et de développer pour leurs habitants une offre locative abordable.

Selon l'entourage de la ministre, il est difficile d'afficher le coût précis de la mesure, dans la mesure où il s'agit d'une aide fiscale (qui ne fait donc pas l'objet d'une enveloppe budgétaire), introduite en outre par amendement au PLF 2022 et qui n'a donc pas fait l'objet d'une étude d'impact. "Louer abordable" représentait toutefois un coût de l'ordre de 70 millions d'euros. Emmanuelle Wargon vise au moins un doublement dès 2022. De même, l'objectif est de passer de 8.000 conventionnements annuels à au moins 20.000 dès 2022 et davantage au-delà.