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Elan - Logement : accusés de bénéficier d'une "rente", les architectes reviennent à la charge

Alors que le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) - déjà adopté en première lecture le 12 juin par l'Assemblée nationale - doit être examiné en séance publique au Sénat du 16 au 24 juillet, les architectes sont à nouveau vent debout contre le texte. Après le lancement, il y a deux mois, du collectif "Ambition logement" réunissant, sous l'impulsion du conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA), une dizaine d'organisations aussi disparates que le DAL (Droit au logement), l'APF (Association des paralysés de France) ou la Confédération nationale du logement (voir notre article ci-dessous du 17 mai 2018), la nouvelle mobilisation des architectes trouve son origine dans une interview de Julien Denormandie.

"Quelle architecture pour la loi Elan ?"

Intervenant sur France Culture, le 3 juillet, sur le thème "Quelle architecture pour la loi Elan ?", le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires a affirmé à nouveau : "Nous avons un gros problème de logements, car il en manque des milliers." Invoquant "un cadre figé", il entend s'attaquer notamment aux "rentes". Un terme qui vise directement l'obligation de passer par un concours d'architecture pour les opérateurs du logement social. Julien Denormandie s'est fait plus précis en déclarant : "Nous permettrons toujours aux bailleurs sociaux de passer par un architecte, la loi l'imposera. Mais le bailleur pourra définir, selon les cas, le type de relation qu'il veut avoir avec l'architecte. Dans certains cas, il passera par la maîtrise d'ouvrage, dans d'autres par la conception-réalisation."
Des propos qui ont fait vivement réagir Christine Leconte, la présidente du conseil régional de l'Ordre des architectes d'Ile-de-France (Croaif), lors d'une conférence organisée le jour même. Elle a notamment dénoncé une certaine "confusion" dans les propos du secrétaire d'Etat, précisant que "même en conception-réalisation, il y a un maître d'ouvrage" et que "le secrétaire d'Etat se trompe lorsqu'il dit qu'il y a toujours un concours d'architecture dans le cadre de la construction de logements sociaux : c'est faux, et fort heureusement ! Le système a de la souplesse".

Un fossé qui semble difficile à combler

Mais l'essentiel du contentieux concerne le fond du projet de loi. Comme Denis Dessus, le président du CNOA, Christine Leconte conteste la possibilité laissée aux bailleurs sociaux d'échapper au concours d'architecte, procédure que ces derniers considèrent comme coûteuse et contraignante. Tout en reconnaissant que "nous avons besoin du secteur privé pour construire", la présidente du Croaif estime également que le projet de loi Elan donne trop de pouvoirs aux entreprises, en particulier en leur facilitant l'accès aux contrats de conception-réalisation.
Pour Christine Leconte, "nous vivons un moment d'amnésie générale, nous nous retrouvons au même point que lors des débats sur la loi sur l'architecture de 1977. [...]  L'architecture et la qualité de vie sont des choses fragiles et doivent être soutenues par un vrai projet d'Etat".
Réuni pour sa part à Bastia les 28 et 29 juin, avec l'ensemble des présidents de conseils régionaux, le CNOA s'était déjà penché sur l'impact de la loi Elan en matière de création architecturale. Pour Denis Dessus, le président du conseil national, la loi Elan n'est "pas uniquement destructrice en termes de qualité architecturale ; elle détruit aussi du lien social".
Malgré le chantier "Architecture pour tous", lancé il y a deux mois par la ministre de la Culture (voir l'encadré de notre article ci-dessous du 17 mai 2005), le fossé semble donc difficile à combler pour des architectes favorisés, il y a deux ans, par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) et qui s'estiment aujourd'hui lésés par le projet de loi Elan.