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Logistique urbaine durable : la première rencontre nationale du programme InTerLUD met en lumière les retours d'expérience

Un premier bilan, à mi-parcours, du programme InTerLUD a été dressé ce 30 novembre lors d'une première "rencontre nationale". Les participants ont salué la "fin des anathèmes" favorisée par la crise sanitaire, qui a mis en lumière l'importance d'une logistique "trop souvent méprisée", bien que vitale. Reste que les obstacles sur la route d'une logistique durable restent fort nombreux.

"La logistique, c’est maintenant !" Lors de la première rencontre nationale du programme InTerLUD ("Innovations territoriales et logistique urbaine durable") organisée ce 30 novembre, Yann Tréméac, chef adjoint du service transport et mobilités de l’Ademe, a exhorté l'auditoire à accélérer le mouvement en matière de logistique urbaine. Il faut en faire "un vrai levier de la transition écologique et de la résilience économique", a complété Marc Papinutti, directeur général de la Direction générale des infrastructures, du transport & de la mer (DGTIM) du ministère de la Transition écologique. "Il était temps qu’on s’en occupe", a soufflé Jean-André Lasserre, directeur du programme InTerLUD. Longtemps "méprisée, alors qu'elle est indispensable – c'est le sang qui irrigue la ville !", a illustré Anne-Marie Jean, vice-présidente de l'eurométropole de Strasbourg, la logistique urbaine était encore il y a peu un sujet clivant. En témoignent les récents échanges à fleurets mouchetés entre Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, et François Dagnaud, maire du XIXe arrondissement de Paris, lors de la 3e édition du Printemps des territoires (voir notre article). L'ancienne secrétaire d'État a pourtant relevé ce mardi que les territoires sont les premiers "demandeurs de cette vitalité. On ne peut vouloir relancer les centres-villes sans logistique. Plus de vie, c'est plus de mouvements, et plus de logistique", a-t-elle déclaré, insistant sur le fait que cette dernière "est loin de se résumer aux commandes des particuliers". "Non pas une logistique, mais des logistiques", a résumé Philippe Barbier, président de la Confédération du commerce de gros et international (CGI).

L'anathème cède la place au dialogue

Fort heureusement, "l'ère des anathèmes, des postures, des légendes logistiques urbaines" est désormais révolue, a assuré ce dernier. La crise sanitaire est passée par là. Elle a revalorisé les acteurs de cette "2e ligne" et souligné son caractère stratégique. "Il n'y a pas eu de crise d'approvisionnement", a pointé Étienne Chaufour, directeur Île-de-France de France Urbaine. La crise a aussi "montré la nécessité et la possibilité de travailler tous ensemble", s'est félicité Marc Papinutti. Non sans faire écho à Xavier-Yves Valère, son conseiller fret et logistique : "Nous avons atteint un moment de maturité singulier. Tout le monde a compris que nous construisons un puzzle, donc chacun a une pièce".

InTerLUD, des échanges, une méthodologie… et des financements

"Créer des espaces de dialogue entre les acteurs publics et économiques dans l’objectif d’élaborer des chartes de logistique urbaine durable en faveur d’un transport de marchandises décarboné et plus économe en énergie", tel est précisément le but d'InTerLUD, lancé en mars 2020 dans le cadre du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE), et amendé en août de la même année. "À mi-course, avec un peu de retard à l’allumage", selon Yann Tréméac, 37 collectivités s'y sont engagées et quinze conventions ont pour l'heure été signées. "Le programme a répondu à l'envie de ces collectivités de mettre en place des dispositifs de concertation propices à l'accélération des politiques qu'ils entendent mettre en œuvre", a estimé Jean-André Lasserre. Il a  ajouté que si des concertations ont pu se tenir ici ou là, "il manquait une approche systématique, les élus souhaitant s'assurer que tout le monde participe à la démarche, et pas seulement les mieux informés, afin d'éviter les ruptures d’égalité". Les élus présents – Béatrice Agamennone, vice-présidente de Metz Métropole, Thibaut Guiné, conseiller métropolitain de Nantes Métropole, Nicolas Patriarche, président du syndicat mixte des mobilités Pau Béarn Pyrénées, Marie Zéhaf, vice-présidente de Grand Besançon Métropole, Jean-Michel Genestier, conseiller de la métropole du Grand Paris – ont confirmé avoir été attirés par l'accompagnement méthodologique offert par le programme. Mais aussi par ses financements, qui risquent de faire défaut aux conférences régionales de la logistique récemment annoncées, aux finalités similaires (voir notre article). Tous ont souligné en tout cas que le programme "facilite les rapprochements et permet de partir sur une même base", selon les propos de Marie Zéhaf.

Un camion incontournable…

Pour Philippe Barbier,  "un consensus est en train de se dégager. Le camion reste incontournable. C'est la meilleure solution car il massifie le transport. Il faut donc faire en sorte qu'il aille le plus loin possible en ville, en évitant les méga-hubs à leur entrée", qui se traduiraient par autant de camionnettes – une piste qui a toutefois également été évoquée. Ce schéma implique selon lui "le verdissement du camion (sa motorisation, sans oublier la réduction de la pollution sonore induite par les portes, les hayons, etc.), sa sécurisation, afin de le rendre compatible avec les autres acteurs de la ville, et des aires de stationnement. Le camion devra en outre s'arrêter à l'hypercentre, où il faudra alors prévoir des micro-hubs pour les derniers mètres".

… un vert encore inatteignable

Un scenario quasi-idyllique, qui risque toutefois de mettre du temps à se concrétiser. "Il n'y aura pas de véhicules verts disponibles avant longtemps", a prévenu Anne-Marie Idrac. "Les véhicules électriques ne sont pas encore sur le marché et ceux fonctionnant à l'hydrogène sont inabordables", a ajouté un membre du groupe de transport et logistique Hepnner, étayant le constat récemment tiré par Climate Chance : "la demande en biens et services bas carbone dépasse la capacité d’adaptation des chaînes d’approvisionnement de l’économie mondiale" (voir notre article). La logistique, parfois, ne suit pas… Philippe Da Soler, président de la FNTR Moselle, relève encore que les véhicules verts "coûtent quatre fois plus cher qu'un diesel". "Qui va payer le surcoût ?", s'est alarmé Serge Couësmes, président de l'Union des commerçants de Besançon.

Calendrier et contraintes

Pour Jean-Pierre Guglielmi, de la FRTP Île-de-France, il faut donc "faire entendre à nos élus, qui nous mettent des contraintes importantes, qu’on peut faire les choses, mais à un rythme accessible pour tous". Il juge ainsi "la fin du diesel dans le Grand Paris inatteignable en 2024". Il implore également "davantage de visibilité. On ne peut pas investir dans un camion qui doit être rentabilisé sur 15 ou 20 ans sans savoir s'il pourra encore rouler dans 10 ans". Dans la salle, un participant a invité au contraire les élus à rehausser les objectifs pour accélérer la transition. "Il faut se garder de vouloir être des chevaliers blancs, sans tenir compte des contraintes des acteurs économiques", avait pourtant prévenu Thibaut Guiné. À défaut de revoir le calendrier, peut-être conviendrait-il de jouer sur ces dernières ? Anne-Marie Idrac invite ainsi "à accélérer la mise à niveau des critères Crit'Air". "Le carburant B100 pourrait être une alternative, mais il n'est pas éligible", a confirmé Philippe Da Soler. De la salle, le directeur général du distributeur de matériaux de construction Point P révèle que le projet de l'entreprise de mettre à disposition de ses clients des camionnettes électriques est entravé par la réglementation française en matière de charge utile, qui rend impossible une solution qui le serait en Allemagne ou en Italie.

Trois chantiers de la DGTIM

Côté DGTIM, Xavier-Yves Valère a assuré qu'on "travaillera avec les collectivités pour changer les règles du jeu". Il évoque trois chantiers : faire en sorte que le plan de mobilité intègre la logistique urbaine ; revoir la réglementation sur les aires de livraison, ignorée de la dernière réforme du stationnement (évoquant notamment la possibilité de les rendre… payantes) ; construire une base de données nationale sur les arrêtés de circulation. Une dernière mission promue par le rapport sur la logistique durable de Jean-Jacques Bolzan, Anne-Marie Idrac et Anne-Marie Jean et déjà actée par le deuxième Comité interministériel de la logistique (Cilog), qui s'est tenu le 21 octobre dernier (voir notre article). Trois chantiers dont il n'est pas certain qu'ils répondent, seuls, aux attentes exprimées.

 

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