Loi Climat et Résilience : quatre ordonnances opèrent la refonte du code minier

Une série de quatre ordonnances, parues ce 14 avril au lendemain de leur présentation en conseil des ministres, consolident les mutations du code minier initiées par la loi Climat et Résilience. 

Véritable serpent de mer, la réforme du code minier vient de franchir une nouvelle étape avec la publication, ce 14 avril, de quatre ordonnances prises en application de la loi Climat et Résilience, dont tout un volet (les articles 65 à 81) est dédié à la modernisation de ce corpus ancien. Une dizaine d’objectifs visés par le texte (en son article 81) fait ainsi l’objet d’une habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance - "dans un délai de quinze mois à compter de la promulgation de la loi" du 22 août 2021 - en vue "de développer un modèle extractif responsable". Il faudra néanmoins patienter encore un peu puisque les décrets d’application censés accompagner ce bloc d’ordonnances, s’agissant en particulier de la gestion de l’après-mine, ne figurent pas à leur côté au Journal officiel. 

Une première ordonnance (n° 2022-536) traduit la refonte des fondements juridiques et principes du modèle minier français inscrit dans le dur de la loi Climat et Résilience. Elle achève en particulier la révision des conditions d’attribution des demandes de titres miniers, de gîtes géothermiques et de stockages souterrains pour prendre davantage en compte les enjeux environnementaux et sanitaires notamment, des projets miniers dès le dépôt de la demande et renforcer la participation des territoires en la matière. Le texte précise des procédures de concertation "jusque-là inédites" dans le code minier, insiste le ministère de la Transition écologique, et renforce les garanties au profit des tiers en cas d’éventuels contentieux. Il ouvre également la voie à plusieurs simplifications administratives concernant les dépôts conjoints de titre minier et d’autorisation environnementale d’une part, de titre de recherches ou d’exploitation de gîtes géothermiques et de substances de mines contenus dans les fluides caloporteurs de ces gîtes, d’autre part. Une disposition stratégique qui doit notamment "faciliter l’instruction des projets de valorisation des eaux géothermales par extraction des sels de lithium, substance nécessaire au développement de la mobilité électrique", remarque le ministère. 

Autorisation environnementale des travaux miniers

Avec l’intégration des travaux de recherche et d'exploitation minière dans le champ de l’autorisation environnementale régie par le code de l’environnement, opérée par la deuxième ordonnance (n° 2022-534) à compter de 2023, les demandes d’ouverture de travaux miniers seront instruites comme les demandes d’autorisation relevant de la loi sur l’eau ou des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), "sans régression de la protection de l’environnement", relève le ministère. Le but recherché est d’harmoniser les procédures administratives d’instruction des dossiers de demande d’autorisation, de contrôle, de sanctions et d’exercice de la police spéciale entre les sites miniers et les ICPE, moyennant quelques particularités. Lorsqu’une entreprise aura également à implanter des ICPE sur son site minier, "elle n’aura plus qu’un seul dossier à déposer, couvrant à la fois les aspects 'mines' et ICPE, et non plus deux dossiers à déposer en parallèle", fait valoir le ministère. Notons, que l’ordonnance (article 5), intègre en outre les servitudes d'utilité publique minières dans les documents d’urbanisme. 

Le texte étend également la prise des sanctions administratives prévues par le code de l’environnement (consignations de sommes, astreintes, amendes) à la police résiduelle liée à l’après-mines élargie par la loi Climat et Résilience. Il permet en outre de sanctionner l’exploitant qui n’a pas respecté ses obligations relatives à l’arrêt des travaux en permettant à l’administration compétente de lui refuser toute nouvelle autorisation pendant une période maximale de 5 ans (comme pour les carrières).

Dispositif d’indemnisation et de réparation des dommages miniers

C’est l’objet d’une troisième ordonnance (n° 2022-535) qui réaffirme la responsabilité de l’exploitant, en cernant mieux la notion de dommage minier, comme un dommage, "y compris environnemental et sanitaire" - jusqu’ici non pris en compte - ayant pour cause déterminante l’ancienne activité minière. Cette responsabilité n’est pas limitée dans le temps ou le périmètre. A cet égard, le ministère rappelle qu’il convient de bien distinguer la question de l’exercice de la police des mines (raison pour laquelle la loi a créé une police résiduelle de 30 ans après l’arrêt des travaux), d’une part, et la question de la responsabilité en cas de dommage, d’autre part. L’ordonnance conserve la possibilité pour l’exploitant minier de s’exonérer de sa responsabilité en cas de cause étrangère à l’activité. Sa responsabilité peut également être réduite lorsque le dommage est causé conjointement par l’activité minière et par la faute de la victime (notamment l’absence de prise en compte par cette dernière des recommandations des autorités sanitaires). Le texte rappelle la garantie de l’État lorsque l’exploitant est défaillant ou disparu. Cette disposition indique également que l'État peut faire effectuer des travaux d'office à ses frais pour prévenir la survenance imminente d'un dommage grave. L’ordonnance précise par ailleurs qu’est seul réparable le préjudice actuel, direct et certain résultant d’un dommage minier. Elle ajoute que l’indemnisation des dommages miniers peut être gérée pour le compte de l’État par le fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO), qui permet une pré-indemnisation rapide. Or, le FGAO a fait "la preuve de son inefficacité", selon le Collectif des bassins miniers lorrains, qui proposait de s’inspirer des propositions du conseiller d’État Thierry Tuot, en créant un fonds national de l’après-mine pour l’indemnisation des dommages liés à l’activité minière présente ou passée. La définition du dommage minier leur apparaît également trop étroite, d'autant qu'en restreignant le champ d'application aux dommages découverts après la date de publication de l'ordonnance, le texte "exclut de manière scandaleuse tous les dégâts miniers passés et présents de tous les bassins miniers". Des observations dont a largement fait siennes France nature environnement (FNE), faisant douter de l’objectif de renforcement du dispositif d’indemnisation et de réparation des dommages miniers affiché par l’ordonnance. 

Adaptation outre-mer du code minier

Des procédures spécifiques aux départements d’outre-mer, mais dans les faits particulièrement à la Guyane, qui connaît une activité minière importante, relèvent d’une dernière ordonnance (n° 2022-537). Elle a notamment pour objet de revoir les procédures de délivrance des titres pour les projets de petite taille et l'encadrement juridique des autorisations de recherche comportant l'utilisation du domaine public ou privé de l’État ou de la collectivité territoriale. Elle supprime également la délivrance des permis d’exploitation, dispositif peu utilisé par les exploitants. Les modalités de participation des collectivités territoriales et des organismes consultatifs y sont aussi renforcées. En Guyane, l’ordonnance revoit le lien de compatibilité entre le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et le schéma départemental d’orientation minière (Sdom). Dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal, une procédure d’urgence prévoit l’appel à des opérateurs réguliers pour contribuer à la réhabilitation des sites dégradés en contrepartie de la libre disposition des produits extraits. 

 
Références : rapport et ordonnance n° 2022-534 du 13 avril 2022 relative à l'autorisation environnementale des travaux miniers ; rapport et ordonnance n° 2022-535 du 13 avril 2022 relative au dispositif d'indemnisation et de réparation des dommages miniers ; rapport et ordonnance n° 2022-536 du 13 avril 2022 modifiant le modèle minier et les régimes légaux relevant du code minier ; rapport et ordonnance n° 2022-537 du 13 avril 2022 relative à l'adaptation outre-mer du code minier, JO du 14 avril 2022, textes n° 9, 11, 13 et 15. 

 

 

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