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Loi sur les municipales : un train de mesures surprises sur les institutions locales

La loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires du 28 juin est parue ce mardi 23 juin. La semaine dernière, députés et sénateurs avaient réussi à trouver un compromis sur le texte et, dans la foulée, avaient procédé à son adoption définitive. Certaines de ses dispositions – notamment la possibilité pour un électeur d'être porteur de deux procurations – font partie du plan déployé par le gouvernement pour renforcer la sécurité sanitaire et favoriser la participation lors du scrutin de dimanche. Initialement, le texte comportait un article premier prévoyant l'annulation du deuxième tour organisé le 28 juin et son report à janvier 2021 au plus tard. Devenue inutile en raison du recul confirmé de l'épidémie, la disposition est passée à la trappe au cours de l'examen parlementaire. En revanche, le report des élections consulaires des Français de l’étranger (en principe au mois de mai 2021) est acté. Lors de son passage au Sénat, le texte a connu bien d'autres modifications. Les représentants de la Haute Assemblée y ont ajouté notamment des dispositions visant à prolonger de quelques mois certaines souplesses concernant le fonctionnement des assemblées locales. Elles avaient été accordées initialement pour la seule période de l'état d'urgence sanitaire. Au-delà des mesures concernant le deuxième tour des municipales, Localtis fait aussi le point sur ce volet de la loi.

Le second tour des élections municipales

- Pour le scrutin du 28 juin, un même électeur peut recevoir deux procurations (au lieu d'une habituellement). En outre, à la demande des électeurs, les officiers et les agents de police judiciaire habilités, ou leurs délégués, se déplacent pour établir ou retirer une procuration. Les électeurs peuvent les saisir "par voie postale, par téléphone ou, le cas échéant par voie électronique". Dans ce cas, ils indiquent la raison pour laquelle ils ne peuvent se déplacer, mais sans qu’il soit besoin de fournir un justificatif (article 1).
Le même article de loi affirme qu'"au sein du bureau de vote, des équipements de protection adaptés sont mis à la disposition des électeurs qui n’en disposent pas et des personnes participant à l’organisation ou au déroulement du scrutin". Elle précise que les dépenses afférentes sont "à la charge de l'État".

- Le gouvernement peut annuler le second tour des élections municipales et communautaires du 28 juin, dans une ou des communes où l'évolution de la situation sanitaire locale ne permet pas sa tenue. Il peut procéder à cette annulation jusqu'à la veille du scrutin, par un décret en conseil des ministres pris après avis du conseil scientifique (article 17). Ce décret ne peut concerner plus de 5% des quelque 4.900 communes pour lesquelles un second tour est nécessaire. Sinon, le second tour est reporté dans toutes les communes.
Un nouveau scrutin à deux tours est organisé dans les communes concernées, dans un délai de quatre mois après le décret (soit au plus tard fin octobre).

- L'article 2 modifie les délais accordés au juge administratif pour statuer sur les contentieux relatifs aux élections municipales des 15 mars et 28 juin. Au début de la période d'état d'urgence, le gouvernement avait procédé par ordonnance à une première évolution de ces délais.


Le fonctionnement des assemblées locales et l'exercice des compétences

- La loi du 23 mars d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a abaissé le quorum pour les réunions des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, ainsi que pour les réunions des commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux et des bureaux des EPCI à fiscalité propre. La règle, qui devait prendre fin à l'issue de l'état d'urgence sanitaire (le 10 juillet) est prolongée jusqu'au 30 août 2020 - voire au-delà, si l'état d'urgence sanitaire doit se poursuivre (article 3). Ces instances ne délibéreront valablement que si le tiers de leurs membres en exercice est présent (les membres représentés au moyen d'une procuration ne seront pas pris en compte).

- La réunion d'installation des comités des syndicats mixtes constitués exclusivement de communes et d'EPCI (syndicats mixtes dits fermés) et ceux composés uniquement d'EPCI, pourra se tenir jusqu'au 25 septembre inclus (article 4). Ne sont concernés que les syndicats dans lesquels au moins une commune organise un second tour des élections municipales, le 28 juin. L'application des règles habituelles contraignait les comités de ces structures à se réunir au mois d'août.

- Les conseils municipaux et les conseils communautaires intégralement renouvelés à l'issue du premier tour des élections municipales, qui s'est tenu le 15 mars, peuvent délibérer jusqu'au 30 septembre pour fixer les indemnités de leurs membres (article 5). Ces délibérations peuvent avoir un caractère rétroactif. La limite du 30 septembre s'applique aussi, dans les conseils communautaires constitués à la fois de conseillers élus le 15 mars et de conseillers dont le mandat a été prolongé (conseils communautaires "hybrides"), à la détermination des indemnités des conseillers issus de conseils municipaux élus au complet au premier tour, ainsi que de celles des élus maintenus en fonction qui ont été amenés éventuellement à siéger au sein de l'instance communautaire au motif que l'effectif de celle-ci est désormais supérieur à ce qu'il était en 2014. Il est par ailleurs précisé, afin d'éviter toute ambiguïté, que le délai de trois mois au cours duquel les organes délibérants des EPCI et des syndicats mixtes peuvent fixer les indemnités de leurs membres n'est applicable qu'à compter de la première réunion suivant le renouvellement de l'ensemble des membres de ces instances.

- L'ordonnance du 1er avril visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales a ouvert pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire deux possibilités nouvelles : d'une part, la capacité pour l'exécutif de la collectivité ou le président de l'EPCI de ne pas saisir les commissions qui doivent être consultées habituellement ou légalement et, d'autre part, la faculté de réunir l'organe délibérant au moyen d'une visioconférence, ou à défaut d'une audioconférence. Ces deux nouveautés qui devaient prendre fin à l'issue de l'état d'urgence sanitaire sont reconduites jusqu'au 30 octobre 2020, voire au-delà en cas de prolongation de l'état d'urgence (article 6).

- Par ailleurs, pour les communes où un second tour a lieu pour élire le conseil municipal et pour les organes délibérants des EPCI à fiscalité propre dont au moins une commune doit organiser un second tour, le calendrier de mise en œuvre de la mesure attribuant à l'exécutif la plénitude des délégations prévues par le code général des collectivités territoriales est revu à la marge. La mesure est applicable "jusqu'au lendemain du second tour de l'élection des conseillers municipaux et communautaires (…) et, à défaut de l'organisation de ce second tour avant cette date, jusqu'au 10 juillet".

- Dans les EPCI dans lesquels au moins une commune doit organiser un deuxième tour de scrutin, dimanche prochain, pour élire au complet le conseil municipal, la convocation de la première réunion de l'assemblée délibérante sera adressée aux conseillers communautaires "trois jours francs au moins avant celle-ci" (article 7).

- La possibilité pour le maire de réunir le conseil municipal dans un autre lieu que la mairie, afin de permettre le respect des règles sanitaires, est prolongée jusqu'au 30 août 2020 (voire davantage en cas de poursuite de l'état d'urgence sanitaire). La faculté est étendue aux présidents des EPCI à fiscalité propre et aux présidents des départements et des régions pour les réunions des organes délibérants correspondants (article 8). La possibilité accordée aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre de se réunir à huis clos ou avec un nombre maximal de personnes est prolongée, elle aussi, jusqu'au 30 août (article 9). La transmission des débats de manière électronique continuera à conférer un caractère public à la réunion.

- Jusqu'au 25 septembre, les conseils municipaux peuvent décider, à l'unanimité, de ne pas procéder au scrutin secret pour les nominations des délégués au sein des EPCI et des syndicats mixtes fermés. D'ici la même date, les organes délibérants des EPCI peuvent eux aussi choisir, là encore à condition de réunir l'unanimité, de faire de même pour les nominations de leurs délégués au sein des syndicats mixtes fermés (article 10).

- L'article 11 bouleverse les règles qui prévalent pour la répartition des pouvoirs de police spéciale entre les maires et les présidents d'EPCI. Jusqu'à présent, la loi voulait que les pouvoirs de police dans les domaines de l'assainissement, de la collecte des déchets ménagers, des aires d'accueil des gens du voyage, de la circulation et du stationnement, ainsi que de la délivrance des autorisations de stationnement aux exploitants de taxi soient transférés automatiquement au président de l'EPCI à fiscalité propre au jour de son élection (si l'intercommunalité était compétente). Mais, dans les six mois suivant cet événement, les maires des communes membres pouvaient s'y opposer par une simple notification. Ces règles sont remplacées par un nouveau régime. Particularité principale : pour les communes où antérieurement à l'élection du président de l'EPCI, l'intercommunalité n'exerçait pas les pouvoirs de police spéciale, ces derniers ne sont plus transférés à l'échelon communautaire le jour de l'élection du président de l'EPCI, mais au terme d'un délai de six mois et seulement dans l'hypothèse où le maire ne s'y oppose pas. L'objectif est de "laisser le temps aux élus de prendre leurs décisions et, le cas échéant, aux services le temps de se préparer à exercer le pouvoir de police". Cette mesure a une application rétroactive (au 25 mai 2020). Mais les décisions prises entre le 25 mai 2020 et la date de publication de la loi (le 23 juin) par les maires et les présidents d'EPCI ou de groupements de collectivités territoriales, dans les domaines des pouvoirs de police qui peuvent être transférés, sont régulières.

- L'article 12 permet au vice-président chargé d'assurer la suppléance du président d'un syndicat intercommunal ou d’un syndicat mixte fermé, dans le cas où ce dernier aurait perdu son mandat à la suite de son remplacement par l'organe délibérant de la commune ou de l'établissement qu'il représente, en application de la loi d'urgence du 23 mars 2020, de conserver la suppléance jusqu'à l'installation de l'organe délibérant du syndicat à la suite du second tour des élections municipales.

Référence : loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.