Lubrizol, trois ans après : le gouvernement défend "des résultats concrets" pour prévenir les risques

Trois ans après le gigantesque incendie qui a frappé les sites de Lubrizol (classé Seveso seuil haut) et Normandie Logistique, à Rouen, le gouvernement estime que le plan d'actions qui a été mis en œuvre pour mieux anticiper les risques industriels et protéger et informer les populations a produit "des résultats concrets".

"Bien, mais peut encore mieux faire", jugeait un rapport sénatorial publié le 8 février dernier à propos de la mise en oeuvre par le gouvernement des mesures préconisées par la commission d'enquête de la Haute Assemblée visant à tirer les enseignements de l'accident de l'usine Lubrizol (classée Seveso seuil haut) et du site voisin de Normandie Logistique à Rouen le 26 septembre 2019. Trois ans tout juste après le gigantesque incendie, le ministère de la Transition écologique a dressé le bilan, dans un communiqué daté du 26 septembre, du premier plan d'actions de l'État pour une meilleure anticipation et gestion des risques industriels sur les installations classées, qui avait été présenté en février 2020.

Prévention des incendies : renforcement des prescriptions

Il fait d'abord le constat d'un "renforcement significatif des prescriptions relatives à la prévention des risques d’incendie" dans les stockages de liquides inflammables et combustibles et dans les entrepôts (interdiction d’utilisation de récipients mobiles susceptibles de fondre, réserves en eau et émulseurs augmentées, amélioration des dispositifs de rétention, distances minimales entre les stockages…). Ces nouvelles prescriptions, contenues dans de nombreux textes réglementaires, sont applicables depuis le 1er janvier 2021 pour les installations nouvelles, tandis que les installations existantes devront les mettre en œuvre dans des délais qui s’échelonnent pour l’essentiel jusqu’en 2026, rappelle le ministère. Certains types de récipients mobiles seront aussi interdits à partir de 2026, voire dès 2023 s’ils contiennent des liquides particulièrement inflammables.

Plans d'opération internes obligatoires pour tous les sites Seveso

"La réglementation a été modifiée afin de donner un point de rendez-vous périodique aux exploitants des sites Seveso, qui doivent régulièrement améliorer la sécurité de leur site, être en veille sur les avancées techniques et investir dans les nouvelles technologies disponibles", souligne aussi le ministère. En outre, les plans d’opération internes (POI) sont désormais obligatoires pour tous les sites Seveso et la fréquence minimale des exercices de mise en œuvre est fixée dans la réglementation, à savoir un exercice par an pour les Seveso seuil haut et tous les 3 ans pour les sites Seveso seuil bas et autres sites disposant d’un POI. De plus, les éléments des rapports de visites de risques qui portent sur les constats et sur les recommandations issues de l’analyse des risques menée par l’assureur dans l’installation devront être tenus à la disposition de l’inspection des installations classées. 
Les exploitants des installations classées soumises à autorisation stockant des matières combustibles ou dangereuses doivent indiquer, dans l’étude de dangers, les principaux produits ou substances susceptibles d’être générés au cours d’un incendie, rappelle encore le ministère. Ils doivent également mettre en place une organisation leur permettant de déployer des premiers prélèvements environnementaux en cas d’accident.  La réglementation impose aussi désormais aux exploitants des sites Seveso, des entrepôts soumis à autorisation, des sites de stockages de liquides inflammables ainsi que des installations de tri-transit-regroupement de déchets, de mettre en place un suivi régulier des matières présentes dans chacune des parties des sites qu’ils exploitent, accessible en tout temps, y compris en cas d’accident sur le site. Cet inventaire doit également exister dans une version facilement compréhensible du grand public.

Contrôle systématique des ICPE dans un rayon de 100 mètres autour des sites Seveso 

Autre élément mis en avant par le gouvernement dans son bilan : le contrôle systématique des installations classées (ICPE) présentes dans un rayon de 100 mètres autour des sites Seveso. "Une action triennale de renforcement du contrôle des installations bordant les sites Seveso a été lancée en 2020 et s’est poursuivie en 2021 et 2022, indique le ministère. L’inspection des installations classées inspectera, d’ici fin 2022, toutes les installations classées implantées à moins de 100 mètres des sites Seveso pour mieux identifier et traiter les risques 'd’effet domino'." À ce jour, l’inspection des installations classées a déjà réalisé plus de 2.000 visites d’inspection dans ce cadre, précise-t-il, et un bilan complet de cette action sera établi début 2023. Sur la base des visites déjà effectuées, environ 2% des installations étaient en situation irrégulières et des procédures de régularisation ont été engagées.

Gestion post-accident : un double mandat pour l'Ineris

Au chapitre du renforcement de la gestion des accidents industriels, le dispositif FR-Alert déployé par le ministère de l’Intérieur est opérationnel depuis le 21 juin 2022. Il permet d’envoyer des notifications sur le téléphone mobile des personnes présentes dans une zone confrontée à un grave danger (catastrophe naturelle, accident biologique, chimique ou industriel, acte terroriste…) afin de les informer sur la nature du risque, sa localisation et les comportements à adopter pour se protéger. Par ailleurs, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) a été mandaté pour professionnaliser le réseau des intervenants en situation post-accidentelle et apporter un haut niveau de garantie sur les délais de prélèvements, la saisie photographique des conditions de prélèvements, les délais d’acheminement, les délais d’analyse et leur précision, indique le ministère. L’Ineris a également été chargé de mettre en place un réseau de moyens mobiles de prélèvement et d’analyse projetables sur le territoire métropolitain hors Corse. Le premier "camion" est d’ores et déjà équipé de son matériel d’analyse et d’autres équipements arriveront en 2023 et seront prépositionnés à différents endroits du territoire.

Information du public

Le ministère insiste aussi sur l'objectif de "transparence" dans l'information du public. Depuis le 1er janvier 2022, l‘inspection des installations classées publie systématiquement sur le site géorisques les suites de ses inspections auprès des sites industriels : points de contrôle, liste des non-conformités et suites administratives envisagées. De son côté, l'Ineris travaille à l’élaboration d’un site internet mettant à disposition du grand public les différents prélèvements et analyses réalisés en situation post-accidentelle pour de futures éventuelles situations accidentelles. Ce site devrait être lancé courant 2023.
Le dispositif de "vigilance renforcée" des sites industriels faisant l’objet d’incidents, d’accidents réguliers ou de non-conformités est maintenant opérationnel. Dans ce cadre, un plan d’action spécifique a été demandé à l’exploitant et fera l’objet de contrôles supplémentaires de la part de l’inspection des installations classées qui en vérifiera la bonne mise en œuvre. L’avancement par les exploitants de leur plan de mise en conformité est également rendu public à maille semestrielle, ajoute le ministère. Enfin, ce dernier mentionne la préparation des populations aux risques, notamment à travers la journée nationale de la résilience qui aura lieu chaque année le 13 octobre.
 

 

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