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Lutte contre la pauvreté des jeunes : les métropoles proposent d’expérimenter quatre scénarios

Les métropoles veulent s’attaquer à l’épineux sujet de la pauvreté des jeunes… à condition que l’État les accompagne. L’association France urbaine propose quatre scénarios qui seraient chacun expérimentés par trois métropoles, au bénéfice de 1.000 jeunes par territoire. Du "coup de pouce financier" assorti d’un "panier de services" à l’ouverture du revenu de solidarité active aux moins de 25 ans, en passant par l’installation d’un "droit universel d’accompagnement vers l’emploi" et la mise en œuvre effective de la garantie jeunes, les quatre options permettraient, selon l’association d’élus, de tester une diversité d’approches et de procéder à des analyses comparatives. Les élus de France urbaine attendent la réponse de l’État, qui est invité à financer le volet "allocation" de la démarche, et assurent que tout cela se fera en bonne intelligence avec les départements.      

Suite aux travaux d’un groupe de travail lancé en janvier 2021 (voir l’encadré à notre article du 14 janvier 2021), France urbaine a proposé au gouvernement d’expérimenter de nouvelles façons de lutter contre la pauvreté des jeunes de 18 à 25 ans. Les métropoles sont "en première ligne sur le sujet", a considéré Johanna Rolland, maire de Nantes, présidente de la métropole de Nantes et présidente de France urbaine, ce 4 mai lors d’une conférence de presse en ligne, rappelant que trois quarts des jeunes de 18 à 24 ans vivent dans les zones urbaines, que les deux tiers des étudiants se trouvent dans l’une des 22 métropoles et que les ménages modestes sont souvent concentrés dans les grandes agglomérations. "Nous proposons une méthode de travail assez innovante sur ce sujet, pour définir les politiques sociales adaptées aux enjeux de l’après crise", a-t-elle présenté, ajoutant que la balle était désormais dans le camp de l’État. 

Une expérimentation dans 12 métropoles, chiffrée à 51 millions d’euros par an 

L’association d’élus souhaite qu’une douzaine de métropoles expérimentent pendant deux ans, en lien avec l’État, quatre scénarios pour "offrir des réponses diversifiées" aux différentes configurations locales, a expliqué Mathieu Klein, maire de Nancy, président de la métropole de Nancy et rapporteur de l'étude sur le déploiement de ces expérimentations. Il s’agit d’une approche "par les besoins et par les droits", a poursuivi l’ancien président du département de Meurthe-et-Moselle, estimant que ce n’est pas aux jeunes "de s’adapter aux méandres de nos institutions pour construire leur parcours de vie" mais bien aux institutions de trouver la meilleure manière de les accompagner, notamment via l’expérimentation. Chaque scénario serait expérimenté dans trois métropoles, au bénéfice de 1.000 jeunes par an et par territoire. L’ensemble de l’expérimentation concernerait donc 12.000 jeunes et coûterait quelque 51 millions d’euros, qui seraient financés par l’État – pour le volet allocations financières – et les métropoles – pour l’ingénierie et l’accompagnement.   

Dans le premier scénario, le territoire mettrait en avant, dans le cadre d’une plateforme, un "panier de services essentiels" pour tous les jeunes (accompagnement vers le logement ou les services de santé, alimentation, mobilité, eau et énergie, numérique…), avec la possibilité d’accorder un "coup de pouce financier" aux jeunes en difficulté sociale. Ce scénario est chiffré à 3,15 millions d’euros par an pour 3.000 jeunes par an.

Des droits modulables selon la situation du jeune, une garantie jeunes élargie ou un RSA jeunes 

Pour un coût estimé quasiment double (5,86 millions d’euros par an), le deuxième scénario proposé consiste à "ouvrir un droit universel d’accompagnement vers l’emploi", avec une aide financière accordée en contrepartie d’une inscription auprès du service public de l’emploi. L’aide serait de 300 euros pour les jeunes vivant dans leur famille et équivalente au revenu de solidarité active (RSA) pour les jeunes décohabitants ; la durée de son versement serait de 4 à 15 mois selon les difficultés d’insertion appréhendées via le niveau de diplôme. Outre l’implication des missions locales et des autres partenaires locaux, cette approche s’appuierait sur la participation active des partenaires sociaux, remobilisés autour de l’enjeu de l’accès au premier emploi.        

Le troisième scénario est en écho à l’option actuellement privilégiée par le gouvernement, puisque France urbaine propose d’"accompagner l’universalisation de la garantie jeunes", mais avec quelques petits ajustements dont l’élargissement du public cible (pour intégrer notamment des sortants d’études et de jeunes travailleurs précaires) et la possibilité de rallonger l’accompagnement. Chiffré à 22,69 millions d’euros par an, ce scénario d’expérimentation est le plus coûteux des quatre. Dans le même ordre de coût (19,08 millions d’euros par an), le dernier scénario est de créer à destination des jeunes actifs un "revenu de solidarité jeunesse", soit d’ouvrir le RSA aux moins de 25 ans, avec un accompagnement qui serait celui réservé aux bénéficiaires du RSA. "Il ne nous appartient pas d’arbitrer certains débats", a assuré Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, président de la métropole de Toulouse et désormais premier vice-président de France urbaine, mais une telle approche de l’expérimentation aurait selon lui le mérite de "faire vivre la diversité" et de "décrisper le débat".

Les métropoles "en plein dans l’exercice leurs compétences"

L’expérimentation dans son ensemble serait co-pilotée par France urbaine et l’État, dans le cadre d’un comité de pilotage national associant une diversité de partenaires dont les associations de collectivités, des associations de lutte contre la pauvreté et des représentants de jeunes. Un conseil scientifique garantirait le bon déroulé et l’évaluation de la démarche. Cette proposition ne vise pas à chambouler le millefeuille territorial actuel, assurent les élus de grandes villes. "Nous nous inscrivons bien aujourd’hui en plein dans l’exercice de nos propres compétences et dans le travail collaboratif avec l’État et les autres collectivités territoriales", a précisé Mathieu Klein, rappelant que les métropoles géraient désormais le fonds d’aide aux jeunes et, pour une partie d’entre elles, le fonds de solidarité pour le logement. Le maire de Nancy a souligné la "grande complémentarité" entre cette proposition et les politiques et démarches portées actuellement par les départements. Alors que les prochaines élections départementales devraient rebattre les cartes, le projet d’expérimentation du revenu de base porté par 19 départements à majorité socialiste, dont la Meurthe-et-Moselle, avait été relancé dans le débat public en décembre 2020 (voir notre article du 8 décembre 2020).

La présidente de France urbaine attend désormais une "réponse plus formelle du gouvernement" et, en cas de réponse positive, estime que les expérimentations pourraient démarrer début 2022. Les métropoles adhérentes de France urbaine auraient jusqu’à l’été prochain pour se positionner sur l’un des volets de la démarche.     

 

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