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Médicalisation : les Ehpad et les USLD ont leur feuille de route 2021-2023

Olivier Véran et Brigitte Bourguignon ont présenté la feuille de route 2021-2023 sur le renforcement de la médicalisation des Ehpad et des USLD (unités de soins de longue durée), intitulée "Vers des établissements plus médicalisés pour faire face au défi de la grande dépendance". Elle compte une quinzaine de mesures organisées en cinq axes : création d'"unités de soins prolongés complexes", adaptation du cadre de vie, Ehpad comme centre de ressources territorial, poursuite du regroupement des Ehpad publics autonomes, révision du tarif soins, évolution des fonctions des soignants, meilleure intervention des ressources en santé mentale...

Après les annonces du gouvernement sur le renforcement du contrôle, de la qualité et de la transparence (voir notre article du 8 mars 2022), après les différentes missions d'enquêtes parlementaires ou en cours (voir nos articles du 4 mars et du 21 mars 2022), le dossier des Ehpad connaît une nouvelle avancée avec l'annonce, par Olivier Véran et Brigitte Bourguignon, de la feuille de route 2021-2023 sur le renforcement de la médicalisation des Ehpad et des USLD (unités de soins de longue durée). Intitulée "Vers des établissements plus médicalisés pour faire face au défi de la grande dépendance", elle s'inspire très directement du rapport des professeurs Claude Jeandel (CHU de Montpellier) et Olivier Guérin (CHU de Nice) sur les soins en Ehpad et USLD, remis à Brigitte Bourguignon il y a neuf mois (voir notre article du 7 juillet 2021).

Vers la création d'"unités de soins prolongés complexes"

La feuille de route comprend une quinzaine de mesures, organisées en cinq axes. Le premier d'entre eux prévoit de faire évoluer l'offre de soins en Ehpad, grâce à la création d'"unités de soins prolongés complexes" (USPC) à vocation strictement sanitaire et destinés à certains profils de prise en charge (hospitalisation au long cours, stabilisation longue pour retour à domicile, séjour temporaire...), grâce au regroupement au sein des Ehpad de l'ensemble des profils de soins. Une fois le cadre défini, la création des USPC pourrait fait l'objet d'une expérimentation à partir de l'hiver 2022.

Le second axe prévoit de "concrétiser la transformation du modèle d'Ehpad". Sous l'angle spécifique de la médicalisation, il s'agit notamment, via le "laboratoire des solutions de demain", d'adapter le cadre de vie et la vie quotidienne des résidents présentant davantage de pathologies. La démarche n'est toutefois pas immédiate puisqu'il est question, dans un premier temps, de lancer la "construction de lignes directrices nationales par le laboratoire afin de mobiliser les plans de soutien à l'investissement fixant des critères (accessibilité, locaux, environnement) à publier via les circulaires PAI (projet d'accueil individualisé) et la démarche d'appui aux ARS (à partir de 2022)". Toujours à moyen terme, il s'agira d'adapter la conception et l'architecture des Ehpad pour faire face à la prévalence élevée des troubles neurocognitifs et comportementaux.

Sur le plan médical aussi, une évolution vers un modèle de centre de ressources territorial

Le troisième axe de la feuille de route consiste à assurer un maillage territorial de proximité et à garantir un haut niveau d'accompagnement et de prise en charge médicale. Ceci passe par une évolution du modèle actuel de l'Ehpad vers celui d'un centre de ressources territorial, qui permettrait à des établissements volontaires d'exercer une fonction d'appui, d'expertise et de soutien au territoire, en lien avec les autres acteurs gérontologiques. Dans le même temps, il est prévu de poursuivre, au sein des Ehpad, le déploiement des pôles d'activités et de soins adaptés (Pasa), pour les personnes vivant à domicile mais présentant des troubles neuro-dégénératifs, et des unités d'hébergement renforcées (UHR) pour les personnes en établissement atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Il est également prévu de poursuivre le regroupement des Ehpad publics autonomes et la création des groupements territoriaux sociaux et médicosociaux (GTSMS). Il s'agit en l'occurrence de pallier la faible intégration des Ehpad publics autonomes au sein des groupements hospitaliers de territoire (943 Ehpad rattachés à des établissements publics de santé ont été automatiquement rattachés à un GHT, alors que seuls 55 Ehpad publics autonomes ont fait ce choix).

La feuille de route prévoit également de mettre à l'étude une généralisation du tarif soins global, tout en le revalorisant (alors qu'il est gelé depuis plusieurs années) et en cessant de le conditionner à la présence d'une pharmacie à usage intérieur (PUI). La feuille de route estime par ailleurs qu'"une réforme plus globale de la tarification des Ehpad pourrait être envisagée à moyen terme, incluant notamment une révision de l'équation tarifaire soins, l'intégration des nouvelles ordonnances Pathos (y compris une révision de l'évaluation du niveau de dépendance – grille Aggir), ainsi que la question du reste à charge des résidents".

Reconnaissance et rôle renforcé pour les professionnels de santé

Le quatrième axe de la feuille de route consiste à reconnaître les spécificités des fonctions au sein des Ehpad pour mieux les faire évoluer. Cela vise en premier lieu les médecins coordonnateurs, dont la fonction devra évoluer au regard des enseignements de la crise sanitaire. Il en est de même pour les infirmiers coordonnateurs (aujourd'hui entre 6.000 et 8.000, mais au statut et aux missions assez flous), pour lesquels la feuille de route prévoit l'élaboration d'un référentiel national. Dans le même esprit, il est prévu de développer les compétences en gérontologie des infirmières en Ehpad, afin d'améliorer le suivi médical des résidents. Deux autres mesures concernent les personnels soignants : une généralisation des astreintes d'infirmières de nuit (pour laquelle les ARS disposent d'un financement pérenne de 36 millions d'euros, plus 7,8 millions alloués en 2021 au titre du Ségur) et la facilitation de l'intervention en Ehpad des chirurgiens-dentistes libéraux (avec la mise en place d'un contrat-type pour encadrer cette activité).

Enfin, le dernier axe de la feuille de route prévoit d'assurer de meilleures modalités d'intervention des ressources sanitaires et des ressources en santé mentale et en psychiatrie au sein des Ehpad. À ce titre, il est prévu de déployer les modalités d'intervention des ressources sanitaires en Ehpad, là aussi en capitalisant sur les retours d'expérience de la crise sanitaire. Il s'agira notamment de poursuivre le déploiement des équipes mobiles de gériatrie (EMG), de renforcer la coopération entre HAD (hospitalisation à domicile) et Ehpad et de renforcer l'accès aux soins palliatifs. Sur le volet santé mentale, la feuille de route prévoit de formaliser et d'encadrer les modalités d'intervention des ressources en santé mentale et en psychiatrie au sein des Ehpad, sachant que plus de 20% des plus de 65 ans présentent au moins un trouble psychique et que près de la moitié des dépressions des personnes âgées ne sont pas diagnostiquées. En pratique, cela devrait passer par un renforcement des interventions des équipes mobiles de psychiatrie auprès de la personne âgée au sein des Ehpad et par l'inscription dans les prochains axes de formation DPC (développement personnel continu) des professionnels de santé d'éléments sur le repérage et l'orientation précoces des troubles anxiodépressifs et sur leur prise en charge.

 

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