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Nitrates : l'Autorité environnementale appelle à muscler le futur programme d’actions

Dans un avis, rendu ce 18 novembre, l’Autorité environnementale (Ae) considère qu’il est impératif de relever significativement les ambitions du prochain programme d’actions national nitrates (PAN). Un septième opus qui pourrait en outre s’avérer plus complexe à mettre en œuvre, à contrôler, et dont l'efficience serait encore plus difficile à apprécier. 

L’avis rendu par l’Autorité environnementale (Ae), ce 18 novembre, sur le septième programme d’actions national nitrates (PAN) ne laisse augurer aucune réelle avancée dans la lutte mise en place au titre de la directive n°91/676/CEE (dite nitrates) pour protéger la qualité des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole. Le projet d’arrêté modificatif prévoit une date d’entrée en vigueur au 1er septembre 2022, le calendrier initial ayant été décalé d’un an en raison de la crise sanitaire. En tout début du processus, la concertation préalable s’est déroulée il y a déjà un an. A présent, le projet de PAN doit être soumis à consultation du public, prochaine étape d’un processus de révision prévu tous les quatre ans.
Mais d’ores et déjà les nombreuses critiques soulevées par l’Ae, qui relève sans ambages son manque d’ambitions, donnent la mesure des faibles progrès à attendre de cette nouvelle génération de PAN. Force est de constater que les modifications envisagées "apportent peu de nouveautés réglementaires, si ce n’est l’introduction de plafonds d’apport d’azote à l’automne, sur les prairies et les couverts d’interculture". La majorité des évolutions s’est en effet construite sur des "compromis" pour rendre les mesures "plus acceptables par les agriculteurs", au risque de conduire à un recul environnemental, déplore l'avis.  

Défaut d’articulation avec d’autres programmes

Un programme qui devient dans le même temps "plus complexe à mettre en œuvre, à contrôler, à suivre et son efficience encore plus difficile à apprécier". Aussi l’Ae regrette-t-elle que l’évaluation environnementale ne porte que sur les modifications apportées et non sur le PAN dans son ensemble, "ce qui en limite fortement l’intérêt". Elle gagnerait en outre à être commune avec les programmes d’actions régionaux (PAR) qui lui sont indissociables et la délimitation des zones vulnérables dans les régions. Forcément l’articulation avec d’autres plans ou programmes (dont les Sdage, Sage et la convention Ospar pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est) en pâtit également. Les possibilités de synergies avec le programme stratégique national (PSN) de la politique agricole commune (PAC) - attendu d’ici la fin de l’année - ou en faveur de la transition agro-écologique mériteraient elles aussi d’être davantage recherchées, selon l'Ae.
Le PAN ne pourra apporter d'avancées plus conséquentes que "s’il s’inscrit dans une véritable stratégie d’ensemble d’amélioration des performances environnementales de l’agriculture, qui s’appuie sur une approche intégrée prenant en compte le paramètre 'nitrates'", estime-t-elle. Une façon de plaider pour plus de "transversalité", via l’extension des zones vulnérables (aujourd’hui limitées à 53% du territoire métropolitain) à l’ensemble de l'hexagone, et surtout à l’aide d’indicateurs de suivi couvrant l’ensemble des autres plans et programmes agro-environnementaux concernés. Et à ce niveau "les remontées d'informations ne sont pas encore satisfaisantes" : certains États membres, dont la France, n'ont pas fourni d'informations concernant la contribution de l'agriculture aux rejets d'azote dans le milieu aquatique. 

Ambition restreinte

Le nouveau programme s’inscrit globalement dans la "continuité du précédent", et ce "alors même que son efficacité sur la pollution par les nitrates n’a pas été démontrée, en particulier en zones de grandes cultures", constate l’avis, qui insiste entre autres sur "la stagnation de la qualité des eaux souterraines"  - 36% des stations de mesures en zones vulnérables présentent une concentration moyenne en nitrates supérieure à 40mg/l - et note toutefois un "léger progrès" pour les eaux superficielles. Le projet en reste à des "évolutions mineures", appuie l'Ae, "peu susceptibles de permettre l’atteinte du bon état des eaux".
Certaines pistes de progrès jugées intéressantes ont par ailleurs purement et simplement été abandonnées. D’autres feront l’objet d’expérimentations en dehors du PAN. C’est le cas en particulier de la mise en place d’objectifs de résultats sur de petits bassins versants avec des suivis spécifiques.
Enfin, à bien des égards l’Ae en relève les aspects lacunaires. L'évaluation environnementale méconnaît ainsi "l’extension des marées vertes à d’autres territoires que la Bretagne, la situation de nombreux cours d’eau eutrophes, voire le développement de cyanobactéries sur certains plans d’eau". Quant aux volets "air" (émissions d’ammoniac et protoxyde d’azote), "climat", "biodiversité aquatique", "paysages", ils mériteraient eux aussi des approfondissements.