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"Nos adolescents sont ceux qui ont le plus décroché de l'école", estime le président de Ville et Banlieue

Paroles d’élus, Ville et Banlieue et Orange ont organisé mardi 7 juillet 2020 une webconférence baptisée "Paroles @venir". Chacun a évoqué les initiatives et l’inventivité dont il a été fait preuve concernant les usages du numérique au service de la continuité pédagogique durant le confinement. Malgré tout, les jeunes des quartiers sont ceux qui ont le plus décroché durant la crise sanitaire du Covid.

"Il y a dans les quartiers, une richesse, souvent hors des radars des médias." Partant de ce constat, Guillaume Villemot, président de l’@gence des quartiers, s'est donné pour mission de valoriser la vie des quartiers dans les médias et de former 300 jeunes par an issus des quartiers prioritaires aux techniques journalistiques. Le président de l@gence des quartiers racontait, mardi 7 juillet, lors de la première webconférence de Paroles @venir consacrée au numérique dans la continuité pédagogique comment, à l'issue du confinement, a été lancée D-bloc.net, initiative née pendant le confinement, rassemblant une quinzaine d’associations (Mom’Artre, les Petits Débrouillards, Passeurs d’Art, Class’code, Respirations, Bleu Blanc Zèbre, etc.). Elle vise à convaincre les jeunes issus des quartiers d'avoir une démarche complémentaire à leur recherche d’information. "Chaque contributeur vient régulièrement alimenter la plateforme en sujets éducation, information, éducation aux médias, culturels, scientifiques, décodage d’une fake news, etc.", résume le fondateur de l'@gence des quartiers. L’objectif est d’arriver à atteindre, d’ici septembre 2020, une audience de 200.000 jeunes. Pour cette première version bêta, une subvention de l'ANCT a été versée pour construire la plateforme. Les contenus, eux, sont livrés par la communauté d’intérêt. 
Autre exemple cité par Guillaume Villemot : "Il était une foi", une autre plateforme qui doit être lancée fin juillet 2020, et sur laquelle des représentants de trois grandes religions vont tenter de répondre aux questions des adolescents des quartiers : "Ça veut dire quoi être croyant ? "C’est quoi l’histoire des religions" etc. Il évoque également le succès - de prime abord improbable - des dictées géantes organisées par Rachid Santaki qui rassemblent jusqu'à 4.000 personnes. Malgré ces initiatives et l’inventivité des acteurs de terrain, le constat reste que les jeunes des quartiers sont "globalement ceux qui ont le plus décroché de l’école durant le confinement".

Durant les vacances, l'inégalité d’accès aux outils demeure

Le bilan est tiré par Marc Vuillemot, président de Ville et Banlieue. Il est revenu sur l’impact de la crise dans les écoles des villes membres de l’association : "Très généralement, nos enfants, nos adolescents sont ceux qui ont le plus décroché de l’école." "Et ce, quelle que soit la typologie des quartiers", précise-t-il. "Il est nécessaire que nos jeunes puissent bénéficier de temps éducatif, d’un entraînement au respect de règles, de consignes, tout un tas de compétences que l’école contribue à acquérir", souhaite-t-il. Marc Vuillemot a salué le plan du gouvernement des vacances apprenantes, doté de 200 millions d’euros (lire notre article du 8 juin) mais a cru bon de souligner que même durant les vacances, "le problème d’inégalité d’accès aux outils demeure". 
Parmi les intervenants, Thierry Falconnet, maire de Chenôve, commune située au sud de Dijon, récemment labellisée "Cité éducative" et "marquée par 40 ans de politique de la ville", a vanté le "plan éducatif global dans lequel le numérique prend toute sa place". Depuis 2015, la démarche s’est traduite par un vaste plan d'équipement des écoles, doté de 300.000 euros sur deux exercices budgétaires dans chacune des classes de la commune. Ce plan est associé à une recherche scientifique "inédite en France" qui a permis de mesurer les effets du numérique sur les apprentissages et le savoir-être des enfants. "Il ne fait aucun doute que cette crise du Covid a exacerbé les fractures", regrette l’élu dont la municipalité a mis à disposition plus d’une centaine de tablettes numériques aux familles qui ne disposaient de cet outil. Une démarche qui est le “fruit d’une collaboration avec les services municipaux et les services de l’Éducation nationale". Thierry Falconnet a ajouté que de manière plus pérenne, tout enfant scolarisé en classe de CM2 à Chenôve sera doté, à compter de la rentrée 2020, d'un micro-ordinateur ou d’une tablette avec clavier. "Il est important que les collectivités territoriales travaillent à réduire cette fracture du numérique", estime le maire bourguignon.

Trafic sur mobile et durée des appels multipliés par 3 

Du côté d'Orange, Cyril Luneau, directeur des relations avec les collectivités locales, a frappé les esprit en rappelant que "du jour au lendemain, non seulement le trafic sur mobile a été multiplié par 3 mais aussi la durée des appels". Il a noté la "problématique de couverture du territoire" mais également une inégalité d’équipement des individus ainsi que la nécessité d’accompagner les publics en difficulté. Il relève un problème d’usage et de compréhension des consignes que certains enfants ont pu rencontrer et que l’opérateur se donne pour mission "d’accompagner".

Pour sa part, la chargée de projet auprès du coordonnateur national du programme interministériel des Cités éducatives, Claire de Rességuier, a eu l’occasion de rappeler que 80 territoires ont été labellisés "cité éducative", en septembre 2019, concernant 525.000 jeunes (lire notre article du 20 février). Opérationnelles depuis la rentrée 2019, les Cités éducatives ont beaucoup œuvré durant le confinement. Une enquête récente a d'ailleurs mis en lumière leur rôle dans la continuité pédagogique et, plus généralement, l'accompagnement des familles en difficulté (lire notre article du 5 juin 2020). De cette crise sanitaire, la chargée de projet retient "l'enjeu du sous-équipement numérique, la mauvaise connexion, l’absence d’imprimante". Mais souligne la rapide "cohésion de tous les acteurs". "Tout l’écosystème éducatif a permis de réagir peut-être plus vite qu’ailleurs [...]." Comme d’autres au cours de cet exercice, elle a rappelé que "le numérique n’est qu’un outil qui ne peut à lui seul assurer la continuité pédagogique". Idem concernant la question de l’accès aux données, le droit à la déconnexion, etc., évoqués comme autant de "garde-fous dans l’utilisation du numérique". En guise de conclusion, Claire de Rességuier a appelé, dès à présent, à se projeter sur une rentrée qui risque d’être "encore plus critique".