Nouvelle programmation Leader : où en est-on ?

Les régions sont à pied d'oeuvre pour la préparation du programme de développement local Leader qui doit démarrer en 2023, en même temps que la politique agricole commune. Après une programmation particulièrement mouvementée, pas mal d'incertitudes demeurent sur les financements et les périmètres. Un bilan de cette préparation présenté par l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP), le 7 avril, permet toutefois d'y voir plus clair sur les choix régionaux. Finalement, une seule région (Auvergne-Rhône-Alpes) a décidé de mutualiser ses groupes d'action locale à l'échelle départementale.

Dernière ligne droite pour la préparation de la programmation 2023-2027 du programme européen de développement local Leader. L'enjeu : ne pas reproduire les péripéties de la précédente programmation qui ont mis à mal bien des porteurs de projets. Or dans une courrier du 31 mars 2022, la Commission a demandé à la France de revoir son programme stratégique national (PSN). Ce document qui décline à l'échelle française la prochaine politique agricole commune (PAC) lui avait été adressé en décembre 2021. Bruxelles considère qu'il ne fait pas assez pour accompagner la transition écologique des secteurs agricole et forestier. Mais la Commission s'intéresse aussi à Leader, qui appartient au second pilier de la PAC, le Feader. Elle "regrette l'évolution à la baisse du budget", a expliqué Claire Sarda-Vergès, directrice Europe Direct Pyrénées, lors d'un webinaire organisé le 7 avril 2022 par l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) destiné à dresser un état des lieux de la mise en œuvre de Leader en France. "C'est vrai, auparavant des services à la population et des infrastructures rurales non agricoles pouvaient être financés par les programmes régionaux via le fonds européen de développement régional (Feder), aujourd'hui, il faudrait que Leader, avec la même voilure, assume les missions traditionnelles mais aussi le financement de ces services et infrastructures. Les remarques de la Commission européenne vont dans les sens des nôtres et des acteurs locaux."

Regard critique de la Commission européenne

Les nouveaux règlements obligent chaque État à consacrer au moins 5% du futur Feader à ce programme, qui atteint pour la nouvelle programmation 7,3 milliards d'euros (contre 12 milliards pour la période 2014-2020). Cette enveloppe est gérée au niveau des territoires par les GAL (groupes d'action locale) qui sont au contact des porteurs de projets. Mais ce sont les régions qui réalisent les arbitrages entre les projets ruraux qui pourront relever d'un financement Leader et ceux qui seront aidés au titre de la politique de cohésion via le Feder. Or, les infrastructures et services en milieu rural peinent à trouver leur financement, entre un Feder toujours plus orienté vers les métropoles et l'urbain alors que le rural reste toujours dominé par le poids de l'agriculture.

La Commission invite aussi la France à fournir des informations sur les principaux éléments de l'intervention Leader, si nécessaire par région, pour permettre une évaluation. "Il s'agit peut-être d'avoir un regard critique de la Commission européenne sur la mise en œuvre au niveau régional de Leader", souligne Claire Sarda-Vergès.

Au-delà du financement, la question de l'échelle choisie par les régions comme périmètre pour les GAL est un sujet de préoccupation pour les acteurs locaux. Des régions étaient ainsi tentées de mutualiser les GAL à l'échelle départementale, faisant craindre un dévoiement de la philosophie même de Leader, porté avant tout sur la proximité (voir notre article du 4 janvier 2022). "L'échelle départementale est possible, a précisé Michaël Restier, directeur de l'ANPP. En revanche la démarche ne peut pas être portée par un département."

La tentation de la départementalisation

Finalement, seule l'Auvergne-Rhône-Alpes a choisi cette option, d'après les retours de l'ANPP. Dans cette région, douze GAL d'échelle départementale mettront en œuvre le programme Leader. Ils répondront chacun à au moins deux de ces trois critères : couvrir au moins 200.000 habitants, au moins 2.500 km2 et englober au moins neuf EPCI. Un temps tentée par cette échelle départementale, la Normandie n'impose finalement pas de seuil (ni en nombre d'habitants, ni en surface) et dispose de 19 GAL candidats. La Bourgogne-Franche-Comté n'impose elle non plus pas de seuil dans son appel à manifestation d'intérêt, tout comme l'Occitanie et les Pays de la Loire. Les autres régions ont fait d'autres choix. Dans le Grand Est, les GAL devront compter entre 45.000 et 160.000 habitants et deux EPCI minimum. En Bretagne, les GAL devront compter un ou plusieurs EPCI et représenter un seuil minimum de 50.000 habitants…

Les régions avancent chacune à leur rythme. Quatre régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté) en sont déjà aux appels à candidatures permettant de sélectionner les territoires retenus tandis que les autres ont juste terminé leur appel à manifestations qui permettent d'identifier les territoires candidats au prochain programme (Hauts-de-France, Normandie, Grand Est et Centre-Val de Loire), ou sont en passe de le lancer (Occitanie, Île-de-France, Bretagne, Provence-Alpes-Côte d'Azur). Aucune donnée à ce stade côté outre-mer.

Autre point à noter, les GAL prennent des formes très diverses : des pays, PETR, PNR ou EPCI pour la région Centre-Val de Loire, des EPCI, syndicats mixtes, et PNR pour l'Auvergne-Rhône-Alpes… La Bretagne ou les Pays de la Loire n'imposent rien. Dans ce cas, toutes les structures ou groupements intercommunaux sont éligibles.

Une grande disparité des thématiques d'une région à l'autre

Côté thématiques aussi, "il y a une grande disparité d'une région à l'autre, explique Claire Sarda-Vergès, avec des démarches surprenantes comme en Pays de la Loire où les GAL pourront choisir eux-mêmes les priorités sur leur territoire". D'autres imposent des thématiques à traiter : la revitalisation des centres-bourgs, le renouvellement de l'offre touristique et l'accès à l'emploi, avec une thématique transversale (transition énergétique et écologique) pour l'Auvergne-Rhône-Alpes. Le Centre-Val de Loire fait le choix des services de proximité, de l'innovation sociale et du dérèglement climatique. "On retrouve beaucoup les questions de transition climatique, énergétique, écologique, mais certaines régions flèchent aussi l'attractivité des territoires et plusieurs soulignent les services de proximité de base à la population, détaille Claire Sarda-Vergès. Sur ce point, il faudra voir si le PSN est modifié à la suite des remarques de la Commission européenne, avec une meilleure prise en charge de ces services au niveau des programmes régionaux Feder. Il y a un équilibre à trouver, entre des stratégies trop larges et des solutions trop ciblées, qui ne laisseraient pas assez de liberté aux territoires."

Enfin l'ANPP fait le point sur l'accompagnement financier prévu pour chaque GAL, qui va de 15.000 à 25.000 euros selon les régions. La Bourgogne-Franche-Comté prévoit ainsi une aide plafonnée à 15.000 euros. L'Occitanie fixe le montant de l'aide forfaitaire à 20.000 euros, tout comme le Centre-Val de Loire et la Bretagne. Le Grand Est va jusqu'à 25.000 euros. Cette aide est accordée par les régions pour permettre aux GAL de préparer et mettre en oeuvre leur stratégie de développement local.