Où en est la territorialisation de France 2030 ?

Après un an d'existence, plus de la moitié des crédits du plan France 2030 ont été alloués en région, a assuré le secrétaire général pour l'investissement devant la commission des affaires économiques du Sénat, le 12 octobre. La région Paca va faire l'objet d'une expérimentation de "préqualification des projets qui remontent".

Plus qu’une transition, c’est une" métamorphose énergétique" que le pays est en train de vivre. Et c’est pour cela que le plan France 2030 a été mis en place, a expliqué Bruno Bonnell, le secrétaire général pour l’investissement (SGPI) chargé de piloter ce plan depuis le mois de janvier, devant la commission des affaires économiques du Sénat, mercredi 2 novembre. Il s’agit de passer de l’énergie fossile à l’électricité, qui "au-delà de la puissance comparable à l’énergie thermique" apporte "l’électron qui pense, qui apprend, l’électron du numérique", a expliqué l’ancien député et entrepreneur. Pour ce chantre de la "robolution", l’avenir passera par la "révolution quantique". Prenant la suite des plans d’investissements initiés en 2009 par Nicolas Sarkozy (les programmes d’investissements d’avenir), France 2030 s’en distingue notamment parce qu’il s’intéresse autant à l’innovation qu’à "l’industrialisation", pour "ne pas s’arrêter au prototypage" et bien "aller jusqu’au produit" avec des projets dits "première usine".

Ce plan a permis de "redonner une cohérence d’action à l’État", s’est-il félicité, sachant que "chaque fois qu’a eu lieu une grande révolution, l’État a été déterminant". Il a apporté une meilleure "lisibilité" de son action, avec une réorganisation en cinq pôles : santé, production d’énergie décarbonée, connaissance (enseignement, recherche et culture avec le softpower, c’est-à-dire la capacité d’influence), souveraineté numérique et cybernétique et nouvelles frontières (espace, exploration des fonds sous-marins et le quantique). Cette réorganisation a permis de ranger dans le package les stratégies d’accélération des PIA et les 10 "objets clés" du futur présentés par Emmanuel Macron en octobre 2020 (voir notre article du 12 octobre 2021).

"Des territoires pas forcément évidents"

Depuis le lancement du plan en octobre 2021, sur les 54 milliards d’euros dont il a été doté pour les sept ans à venir (34 milliards programmés auxquels s’ajoutent 20 milliards du PIA 4), 7,5 ont été engagés, avec 810 projets retenus pour 1.260 bénéficiaires (certains projets étant portés par des consortiums). Parmi eux, 45% sont des PME contre 7% de grandes entreprises. La moitié des crédits sont alloués à des projets de "décarbonation". 56% des crédits sont alloués en région et "pas en Île-de-France", grâce au travail des "comités de suivi régionaux" placés sous l’autorité du préfet de région. Ces comités ne sont pas décisionnaires, mais "ils veillent à ce que cela se passe bien". Les dossiers sont instruits par un jury d’experts désignés par les quatre opérateurs partenaires du plan : Bpifrance, l’Ademe, l’Agence nationale de la recherche et la Caisse des Dépôts. Un tiers des dossiers ont été retenus.

Pourtant, le sénateur Gremillet (Vosges, LR) a relayé la déception de certains maires et élus de voir "des projets quasiment identiques qui ne sont pas retenus", au risque de créer des "distorsion terribles" à l’avenir, que les régions, avec leurs maigres moyens financiers, ne pourront pas compenser. Pour Bruno Bonnell, la déception vient du changement de nature de France 2030 par rapport au plan de relance dont les aides, elles, étaient automatiques. Mais tout le monde a sa chance, assure-t-il. "On compte sur les territoires pour remonter les projets", a-t-il affirmé, expliquant que tous les préfets reçoivent à l’avance le programme des appels à projets et des appels à manifestation d’intérêt et que c’est à eux de diffuser l’information. La semaine dernière, le ministère de l’Intérieur a également envoyé des instructions aux "sous-préfets à l’investissement" (qui ont pris le relais des sous-préfets à la relance) afin notamment de s’assurer de la bonne exécution du plan. La moitié des crédits du plan doivent aller à des acteurs émergents (TPE, PME…) ou des "territoires émergents", a souligné Bruno Bonnell. Preuve selon lui qu’aucun territoire n’est oublié : le Cantal, qui au cours des différents PIA n’avait perçu que 80.000 euros de subventions, peut s’enorgueillir d’un "énorme projet à Aurillac sur la bioproduction" retenu dans le plan. Même chose dans les Hautes-Alpes où "un très beau projet est en train de se forger" sur les nouvelles énergie et l’hydrogène. "Cette innovation peut arriver sur des territoires qui ne sont pas forcément évidents", a insisté le SGPI.

Expérimentation et simplification

La région Paca va faire l’objet d’une "expérimentation de préqualification des dossiers pour qu’ils remontent", charge au préfet Christophe Mirmand "d’organiser cette préqualification comme il l’entend".

Bruno Bonnell a aussi promis un plan simplification "pour la fin de l’année" au profit des TPE, PME et ETI. Le dispositif sera en place "au tout début de l’année prochaine" : les entrepreneurs présenteront leur projet en deux pages et sauront immédiatement s’il est retenu pour aller plus loin. Après cette présélection, ils bénéficieront d’un accompagnement réalisé par les réseaux locaux (CCI, pôles de compétitivité…).