Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles : la transmission, la formation et le foncier au cœur des préoccupations de terrain

Les concertations sur le pacte et la loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOAA) battent leur plein. Si le calendrier serré inquiète les acteurs de terrain, les instances d'animation et de pilotage ont tout fait pour que les remontées régionales nourrissent les propositions nationales. Parmi les enjeux clés : la transmission des exploitations, la formation et le foncier.

Les concertations destinées à élaborer les projets de pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOAA), démarrées en décembre 2022, se poursuivent activement. Objectif : aboutir à des textes pour le début de l'été 2023, à partir d'une réflexion menée au niveau national et au niveau régional. Trois groupes de travail ont ainsi été mis en place au niveau national autour des thèmes de l'orientation et la formation, l'installation et la transmission, la transition agroécologique et l'adaptation face au climat. La concertation régionale est quant à elle coordonnée par Chambres d'agriculture France et animée localement par les chambres régionales d'agriculture en lien avec les conseils régionaux et les préfets (voir notre article du 7 décembre 2022). L'idée est de faire remonter les expériences locales et de s'appuyer sur des diagnostics territoriaux, avec un rapport de synthèse établi courant mai.

"Est-ce que cela va servir ?"

Le calendrier est donc serré. "Le projet de loi doit être délivré avant l'été 2023, explique Christine Valentin, vice-présidente de Chambres d'agriculture France, présidente de la chambre d'agriculture de la Lozère, les groupes nationaux doivent intégrer les propositions régionales début mai et terminer fin mai, cela laisse peu de temps, mais nous avons mis en place des processus, en matière de programmes, thèmes et formats pour que les propositions au niveau régional soient bien prises en compte".

Même son de cloche du côté de Régions de France. "Les modalités de concertation au niveau national et régional ont été travaillées en bonne coordination entre l'Etat et les régions, et Régions de France est étroitement associée au pilotage", assure l'association, expliquant que des kits d'animation ont été diffusés, fixant un certain nombre d'éléments communs, pour être certaine que les concertations soient harmonisées, afin de les consolider et les raccrocher aux travaux de la concertation nationale, tout en laissant certaines marges de manœuvre. Pourtant des inquiétudes persistent de la part des acteurs de terrain. "Vu ce calendrier serré, est-ce que cela va servir ou est-ce que la loi est déjà établie ? , interroge ainsi Guillaume Lefort, vice-président de la chambre régionale d'agriculture d'Ile-de-France, ou si on est médisant, nos propositions vont-elles finir comme les cahiers de doléances des gilets jaunes ?"

La transmission au cœur des réflexions

Côté thématique, à ce jour, ce sont en premier lieu les problématiques concernant l'installation mais aussi et surtout la transmission des exploitations qui ressortent. "Les responsables politiques ont beaucoup travaillé sur l'installation des agriculteurs, signale Christine Valentin, il y a un vrai travail à faire maintenant sur la transmission. Comment crée-t-on le lien entre les cédants et les repreneurs le plus tôt possible ? Comment accompagne-t-on le cédant, pour qu'il mette en place tous les éléments pour la transmission et que son outil reste productif, les futurs cédants ayant tendance à limiter les investissements quand la retraite approche ?". D'après les chiffres de Chambres d'agriculture France, depuis 2017 et jusqu'en 2023, le nombre de cessations d'activité s'élèverait à 2.000 par an en moyenne, soit 500 cessations de plus par an par rapport à 2016.

Au menu des réflexions : aider les cédants face à la transition écologique, énergétique, au changement climatique, et les amener à projeter leur exploitation dans le futur, avec des enjeux de durabilité mais aussi de performance économique. Il est aussi nécessaire d'accompagner les potentiels repreneurs, qui ne sont plus toujours issus du milieu agricole. 

Des solutions sont envisagées comme la mise en place d'incubateurs, ou encore la formation, pour "acculturer" ces candidats qui viennent hors cadre agricole. "Il ne faudrait pas que les concertations et les propositions ne portent que sur la formation initiale, explique Régions de France, avec des vœux pieux du type valoriser l'image du métier ou donner envie aux jeunes. La réalité, c'est qu'il y a de plus en plus de porteurs de projets hors cadre agricole, qui cherchent du sens et la liberté d'entreprendre, il faut être en capacité de former en continu ces personnes".

Faire évoluer les règles en matière de foncier

Autre sujet de préoccupation : le foncier. La thématique ne ressort pas en tant que telle, mais elle est abordée dans le cadre du thème sur l'installation et la transmission notamment. "Comment avoir des candidats et leur permettre de financer l'achat du foncier ?", questionne Philippe Noyau, président de la chambre régionale d'agriculture Centre-Val de Loire. "Le statut du fermage date de l'après-guerre, depuis on se sert des jurisprudences pour régler ces questions, ce n'est pas sain, il faut avancer sur ce sujet", assure Guillaume Lefort, "sans s'enfermer dans un seul modèle", renchérit Philippe Noyau… Le statut de fermage correspond à l'ensemble des règles qui encadrent les droits et obligations du bailleur (le propriétaire d'une terre agricole) et du preneur (le locataire, ou exploitant agricole) dans le cadre d'un bail rural. Mis en place dans les années 1940 à un moment où l'agriculture française avait besoin de moderniser ses techniques de production, il semble aujourd'hui dépassé face aux grandes transformations du secteur, le propriétaire n'ayant ni le choix du montant du fermage, ni du repreneur, ni de la durée du bail. Et des propositions sont régulièrement avancées pour le faire évoluer.

Côté foncier, le principe de foncière agricole régionale, développée par la région Occitanie, séduit. Lancée en 2021, elle permet aux porteurs de projets de disposer d'un foncier à bas coût, la région achetant le foncier et le louant aux agriculteurs à partir d'un loyer modéré. Après quelques années, les repreneurs peuvent acheter le foncier (voir notre article du 7 juillet 2022). "Après quelques mois d'existence, la foncière attire déjà 35 porteurs de projets ; elle ne pourra pas tous les accompagner, elle fera au mieux, mais ce principe pourrait être généralisé", assure Christine Valentin.

Foncier et loi, des essais souvent ratés

Sur le sujet, la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSafer), qui vient de lancer un fonds de portage capitalistique avec des partenaires pour permettre aux jeunes agriculteurs de s'installer sans investir tout de suite dans le foncier (voir notre article du 3 mars 2023), va prochainement publier des propositions pour alimenter les concertations. "Nous allons notamment montrer le rythme de la consommation foncière, donner des éléments chiffrés et rappeler les enjeux du zéro artificialisation nette (ZAN) et la nécessité de trouver un juste équilibre, car on ne peut pas avoir la même logique dans les territoires périurbains et les zones rurales, indique ainsi Gilles Flandin, secrétaire général de la FNSafer, il faut aussi penser à certains types de consommation foncière qui nous échappent, notamment les espaces verts qui entourent les bâtiments résidentiels". Gilles Flandin alerte aussi sur les essais ratés des précédentes lois. "La loi démarre souvent bien, puis après on la détricote". Côté Régions de France, "on regrette qu'une véritable loi foncière ne soit pas à l'ordre du jour, l'association l'ayant réclamée". Plusieurs textes se sont en effet succédé sans jamais atteindre leur objectif. La dernière qui date de décembre 2021 (voir notre article du 16 décembre 2021) n'était encore vue que comme la première pierre d'un vaste chantier…

 

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