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Sports - Patrick Bayeux : "Dans la nouvelle gouvernance du sport, aucun acteur ne prédomine"

Les travaux du comité de pilotage sur la réforme de la gouvernance du sport, lancée à l'automne 2017, se sont achevés le 19 juillet. Pour Localtis, Patrick Bayeux, docteur en sciences de gestion et consultant, co-auteur avec Laurence Lefèvre, directrice des Sports, du prérapport examiné ce jour-là par le comité, fait le point sur les changements à venir.

Localtis - Dans quel contexte avez-vous été amené à travailler sur la refonte de la gouvernance du sport ?

Patrick Bayeux - La refonte de la gouvernance du sport est une volonté du président de la République et du Premier ministre. Le travail s’est organisé à partir d’une note de cadrage validée par un comité de pilotage composé de représentants de l’État, du mouvement sportif, des niveaux de collectivités territoriales et du monde économique. La commande était très claire : "Engager une démarche de confiance envers le mouvement sportif français en donnant davantage d’autonomie aux fédérations sportives et au CNOSF [Comité national olympique et sportif français], ainsi qu’aux acteurs locaux et en recentrant l’action de l’État sur des missions essentielles de coordination, de règlementation et de contrôle, notamment éthique." Depuis huit mois nous avons travaillé sous l’égide du comité du pilotage pour coconstruire avec les acteurs une nouvelle gouvernance du sport fondée sur des principes de compétences claires et de responsabilités partagées.

Quelle sera la future gouvernance du sport français ?

La future gouvernance du sport reposera sur des structures de concertation entre les quatre principaux acteurs du sport au niveau national et au niveau des territoires. Dans ces structures, l’idée est qu’aucun acteur ne prédomine sur les autres. Au niveau national, cela se traduit par la création d’une agence de financement du sport, qui a vocation à financer à la fois la performance et le développement de la pratique. Dans cette agence sont représentés l’État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique. Ces acteurs débattront des orientations politiques, des objectifs à atteindre et des moyens à mettre, d’une part, sur la performance et, d’autre part, sur le développement des pratiques, qu’elles soient fédérales ou hors fédérations, ainsi que des moyens à mettre pour accompagner les projets sportifs de territoire.

Le grand changement est donc l’arrêt du pilotage d’une politique nationale du sport par l’État ?

Oui, l’agence sera constituée sous forme de GIP [groupement d'intérêt public] avec, à l’heure où je vous parle, une répartition des voix de 30% pour l’État, 30% pour le mouvement sportif, 30% pour les collectivités et 10% pour le monde économique. Il n’y a donc plus de pilotage ni par l’État ni par une autre partie. Il y a désormais nécessité d’avoir une concertation et de trouver un accord. La différence fondamentale est là : il s’agit véritablement d’un processus de coconstruction au service d’un bien commun, le sport. Un bien partagé par tous, un bien qui rapporte plus qu’il ne coûte. C’est pour cette raison que la ministre des Sports parle de révolution, et elle a raison. Les mentalités vont devoir évoluer, et chez chaque acteur. Le ministère des Sports est amené à modifier son périmètre d’intervention, au même titre que le CNOSF et l’Insep. Les collectivités également, qui se concerteront avec les autres acteurs pour définir qui finance quoi.

Les déclinaisons territoriales auront aussi une large autonomie…

Oui, ce sera aux acteurs des territoires de définir leur projet sportif de territoire. Il y aura deux niveaux : un "parlement" du sport sous la forme d'une conférence régionale du sport qui regroupera l'ensemble des acteurs de manière élargie. Le second niveau, "l’exécutif", sous la forme d’une conférence des financeurs, décidera quoi financer, selon quelle politique, et cela sur quatre thèmes obligatoires : haut niveau, sport professionnel, équipements structurants et accès à la pratique. Le projet sportif sera donc construit au niveau territorial puis présenté à la structure nationale qui pourra en financer les actions qui relèveront de sa compétence.

En revanche, les travaux n’ont pas fait émerger de changement sur la répartition des compétences entre niveaux de collectivités…

A l'heure actuelle, il n'est pas défini de répartition des compétences entre chaque niveau de collectivité. Cela a fait l'objet de longs débats et le choix n'a pas été fait de dire la région fait ça, le département fait ci, etc. Il existe une telle hétérogénéité entre les politiques publiques que la concertation n’a pas permis de dégager un consensus. On est toutefois sur une spécialisation progressive des collectivités : les régions avec la formation, le sport de haut niveau, le sport comme levier de l'aménagement du territoire. On retrouverait là un adossement à des compétences plus larges que le sport. Dans la même logique, on peut retrouver les départements compétents pour le handisport car les départements ont déjà une compétence en matière de handicap, ou encore le sport professionnel et les équipements structurants pour les intercommunalités, l'animation et la politique éducative pour les communes, ainsi que le financement des clubs de proximité…

Quid du financement de la future agence ?

Des réunions d’arbitrage sont actuellement en cours dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Mais je n’en sais pas plus. Par contre, dans un communiqué commun, le mouvement sportif et les collectivités affirment souhaiter que l'État soit au rendez-vous de la gouvernance et réclament un déplafonnement des taxes actuellement versées au CNDS [Centre national pour le développement du sport], qui rapporterait alors près de 400 millions d'euros, et cela sans prendre en compte la considérable augmentation des paris sportifs lors de la dernière Coupe du monde de football.

Quel est finalement le changement le plus important pour les collectivités ?

Elles sont enfin reconnues dans la gouvernance du sport. Par ailleurs, il y aura désormais une conférence des financeurs qui permettra de tenir un discours de cohérence. Quand une commune porte un projet d'équipement, aujourd'hui, elle doit attendre que les agendas se calent, du côté du CNDS, du département, de la région, sachant qu'il existe des temporalités plus ou moins favorables en fonction des élections. La conférence des financeurs va donner de la lisibilité et va clarifier les projets de financement. Il en sera de même pour l'ensemble des bénéficiaires des subventions. Aujourd'hui, les clubs vont frapper aux portes de la commune, du département, etc. Dorénavant il n'y aura qu'un interlocuteur, qu'un seul dossier.

Quelles sont les prochaines étapes de cette réforme de la gouvernance du sport ?

Nous rendrons avec Laurence Lefèvre notre rapport définitif dans quelques jours. Il comprend soixante préconisations mais toutes ne relèvent pas de la gouvernance. Certaines visent à faciliter le cadre d’intervention des acteurs, certaines relèvent de la loi, d’autres du règlement et, enfin, les dernières de la bonne volonté des acteurs. Ensuite, tout dépend des agendas et décisions politiques.