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Philippe Duron : l'Ihédate, "un organisme partenarial" dédié à la question territoriale

Créé il y a vingt ans, l'Institut des hautes études d'aménagement et de développement des territoires en Europe (Ihédate) réunit chaque année pour ses cycles de formation et d'échanges des auditeurs venant de divers horizons : État, collectivités locales, entreprises, société civile. Thématique choisie pour le cycle 2021 : "Vulnérabilités et résilience des territoires". Un autre cycle est quant à lui dédié aux mobilités (attention, il ne reste plus que quelques jours pour candidater !). Philippe Duron, le président de l'Ihedate, revient à cette occasion sur l'histoire, la vocation et les spécificités de cet institut dédié aux enjeux territoriaux.

L'Ihédate fêtera ses 20 ans en 2021. Un anniversaire est aussi l'occasion d'un bilan. Pouvez-vous rappeler la genèse de l'Ihédate et son évolution ? Avec quels résultats aujourd'hui ? Qu'est-il prévu pour marquer l'évènement ?

Phlippe Duron - L'Ihédate – Institut des hautes études d'aménagement et de développement des territoires en Europe – a été créé en réalité en 1999, à l'initiative de la Datar. C'était une époque, un peu moins de vingt ans après les débuts de la décentralisation, où les territoires commençaient à devenir pleinement acteurs de leur destin. L'aménagement du territoire ne pouvait plus être abordé uniquement "d'en haut", comme une politique spécifique du seul ressort de l'État. La compréhension des dynamiques territoriales changeait également : c'était l'époque où émergeaient à peine des thèmes tels que la métropolisation, où un jeune chercheur comme Patrick Le Galès – le premier co-directeur de l'Ihédate avec Michel Savy – annonçait le "retour des villes européennes", où Pierre Veltz – deuxième directeur, aujourd'hui président du conseil scientifique – décrivait l'économie d'archipel forgée par la mondialisation. C'est dans ce contexte que Jean-Louis Guigou, alors commissaire à l'aménagement du territoire, a créé l'Ihédate autour de quelques principes qui continuent de nous guider. Une vision large de la question territoriale, attentive aux dynamiques socio-économiques autant qu'aux politiques publiques, aux liens autant qu'aux lieux. Une exigence intellectuelle, incarnée dès le début par l'appui académique de l'École des Ponts et de Sciences Po et par un dialogue constant entre savoirs et pratiques. Et, tout aussi importante, la diversité du recrutement des auditrices et auditeurs : pour participer aux cycles, il a rassemblé des professionnels de différents horizons – l'État, les collectivités locales, mais aussi le monde des entreprises et la société civile – pour qu'ils apprennent à se connaître et puissent ensuite mieux travailler ensemble.

La première promotion de l'Ihédate a eu lieu en 2000, et j'ai le plaisir d'y avoir participé  ! J'y ai fait de multiples rencontres, à la fois humaines et intellectuelles. Le thème de l'innovation, stratégie de Lisbonne obligeait, m'a beaucoup éclairé dans l'élaboration de politiques publiques à la région Basse-Normandie dont j'ai pris la présidence en 2004. J'ai eu ensuite l'occasion de croiser plusieurs intervenants et auditeurs de l'Ihédate dans la vie publique, notamment deux des quatre préfets que comptait la première promotion. J'ai sollicité Michel Savy qui a accepté de prendre la présidence du Conseil scientifique de TDIE, le think tank sur les transports que nous avons créé avec le regretté Jacques Oudin. C'était le début d'un réseau qui n'a fait que se développer, puisque l'Ihédate a vu passer depuis sa création près d'un millier d'auditrices et d'auditeurs, dont beaucoup continuent à se rencontrer et à construire des projets ensemble.

La force du réseau des auditeurs a d'ailleurs permis à l'Ihédate de surmonter une première grande épreuve : après la suppression des crédits alloués à la Datar pour cette action, l'Institut a disparu pendant deux ans avant d'être refondé en 2005 par un groupe d'anciens auditeurs, sous forme associative. Cette refondation a transformé la structure et le fonctionnement de l'Ihedate. Il est devenu un organisme partenarial, soutenu par une vingtaine d'organisations, au premier rang desquelles la Banque des Territoires, l'ANCT, le ministère de la Transition écologique, mais aussi des collectivités territoriales et leurs associations, des entreprises publiques et privées, des fédérations professionnelles… La diversité des partenaires confère son originalité à l'Ihédate, ce qui le différencie des autres instituts des hautes études qui, pour la plupart, émanent d'une seule structure ou institution.

Les vingt dernières années n'ont cessé de confirmer la centralité de la question territoriale. Au-delà des débats récurrents sur les fractures spatiales (Paris/désert français, métropoles/France périphérique…), les territoires se sont affirmés comme des ressources, des creusets d'initiatives et d'intelligence collective pour affronter les défis multiples que rencontre notre société : développement économique, solidarité, santé, éducation, démocratie, et bien sûr transition écologique… Les thèmes des cycles successifs illustrent la variété et l'élargissement des enjeux dans lesquelles la dimension territoriale est décisive.

Les 20 ans de l'Institut interviennent à un moment charnière : la mondialisation qui a façonné les dynamiques territoriales depuis plusieurs décennies s'essouffle en partie, ou du moins se transforme ; les défis environnementaux pèsent de plus en plus lourd sur les aspirations des habitants et sur les politiques publiques et cela se traduit avant tout au niveau local, comme les résultats des élections municipales l'ont bien montré. Là-dessus, la crise sanitaire va sans doute modifier durablement les représentations des territoires. L'événement qui sera organisé pour célébrer ces 20 ans sera l'occasion d'un bilan et d'une projection vers l'avenir. Il sera aussi un moment de convivialité, permettant à nos auditeurs des différentes promotions de se retrouver.

Les récents événements - la crise sanitaire en particulier - ont pesé sur le déroulement des formations 2020. Ils ont aussi pesé sur le choix des thèmes des cycles 2020/2021 retenus par les instances de l'Ihédate. Comment l'association s'est-elle adaptée ?

Toutes les organisations ont dû s'adapter à la crise sanitaire, l'Ihédate ne fait pas exception. Nous avons fait le choix de poursuivre nos activités, en proposant des sessions virtuelles. Il nous semblait en effet indispensable de maintenir le lien avec et entre nos auditeurs pendant cette période si particulière, où le besoin d'échanger sur nos pratiques et d'interroger nos modèles est particulièrement aigu. Les sessions à distance se sont bien déroulées, elles ont permis des échanges différents, tout aussi riches que les sessions en présence, mais elles nous ont privé évidemment du climat chaleureux qui fait aussi le sel des rencontres à l'Ihédate. Pour la suite et pour le cycle de l'an prochain, nous privilégierons dans toute la mesure du possible de nous retrouver physiquement, en prenant bien sûr toutes les précautions nécessaires et tout en continuant à utiliser certains outils numériques expérimentés pendant le confinement. Si des restrictions de rassemblement ou de circulation persistent, nous nous adapterons en proposant des formats mixtes et en renforçant les travaux en groupes restreints.

Pour ce qui est du fil rouge thématique retenu pour le cycle annuel 2021 – Vulnérabilités et résilience des territoires –, il avait en réalité été arrêté avant la crise sanitaire. Mais celle-ci a confirmé sa pertinence !


L'Ihédate a engagé la campagne de recrutement pour les cycles 2020/2021 : quels sont les profils recherchés ? Qu'est-ce qui contribue à créer une "bonne dynamique" dans une promotion ? Quels conseils peut-on donner aux auditeurs pour que leur parcours à l'Ihédate soit réussi ?

Depuis l'an dernier, l'Ihédate propose désormais deux cycles. Son cycle annuel, placé en 2021, donc, sous le thème des vulnérabilités et de la résilience des territoires. Par ailleurs, l'Ihédate a lancé en 2019, avec le soutien de France Mobilité et du ministère de la Transition écologique, un cycle dédié aux problématiques de mobilité, qui sont évidemment intimement liées aux territoires. Ce cycle Mobilités s'inspire des mêmes principes que le cycle amiral "historique" : le souci de puiser auprès de chercheurs et de praticiens de haut niveau des clés de lecture pour comprendre les dynamiques en cours ; la diversité des auditeurs, qui reflète celle des acteurs des territoires ; et bien sûr la convivialité, qui permet à des relations de se nouer dans la durée, au-delà des rôles professionnels de chacun.

Nos auditrices et auditeurs viennent, je l'ai dit, d'horizons variés, professionnellement et géographiquement, et cette diversité est, de l'avis des auditeurs eux-mêmes, une des valeurs ajoutées essentielles des cycles. Ils se répartissent en quatre grands groupes : hauts fonctionnaires de l'État, dirigeants des collectivités locales, cadres supérieurs d'entreprises, et acteurs de la "société civile" (journalistes, syndicalistes, etc.). Quelques élus, parfois nationaux, le plus souvent locaux, suivent également le cycle. Ce sont des professionnels en situation de responsabilité, qui se sentent acteurs des territoires et qui décident de se soustraire deux jours par mois au flot du quotidien pour réfléchir ensemble, de manière décloisonnée, à distance des silos dans lesquels leurs métiers parfois les enferment… Au-delà de leur diversité, ils partagent donc quelques caractéristiques communes : la curiosité, le goût des autres, le sens de l'intérêt collectif et l'envie de contribuer à améliorer la vie de leurs territoires.

Ce que nous attendons d'eux, c'est un engagement dans l'aventure collective que constitue un cycle, et une posture active : être ouvert, aller vers les autres, questionner, discuter, partager ses expériences, son expertise, mais aussi ses doutes et ses aspirations. Les auditrices et auditeurs qui s'engagent ainsi n'ont qu'un seul regret : ne pas pouvoir redoubler !

En pratique

Cycle Annuel :

24 jours de formation de janvier à décembre 2021

Clôture des candidatures le 9 octobre 2020. Lettre de motivation et CV à envoyer à candidatures-cycleAnnuel@ihedate.org

www.ihedate.org/cycle-2021-vulnerabilites-et-resilience-des-territoires

Cycle Mobilités :

17 jours de formation de novembre 2020 à juillet 2021

Clôture des candidatures le 25 septembre 2020. Lettre de motivation et CV à envoyer à candidatures-cycleMob@ihedate.org

www.ihedate.org/cycle-mob-2020-2021-territoires-et-mobilites-bouger-decarboner-faut-il-choisir

 

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