Plan national de prévention des déchets : l'Autorité environnementale identifie des marges de progrès

Dans un avis, remis ce 8 septembre, sur le troisième plan national de la prévention des déchets (PNPD), l’Autorité environnementale (Ae) donne un carton rouge sur la méthodologie et le contenu du rapport environnemental par trop incomplet. Elle y déplore également un défaut d’articulation avec d’autres plans et schémas, et en particulier l’absence de lignes directrices pour sa déclinaison et sa territorialisation. 

Un an après le lancement de la phase de concertation, le prochain plan national de la prévention des déchets (PNPD) pour la période 2021-2027 est toujours en cours de finalisation. L’Autorité environnementale (Ae) a rendu, ce 8 septembre, son avis sur l'évaluation environnementale de ce document censé traduire les avancées de la loi Agec et de ses décrets d’application venus renforcer en particulier l’importance et le rôle des filières à responsabilité élargie du producteur (REP). La prochaine étape sera la consultation du public sur la version finale du plan. In fine, ce troisième PNPD a vocation à être notifié à la Commission européenne. Si l’évaluation est "plus solide" que celle du deuxième plan national, reconnaît d’emblée l’Ae, elle s’apparente davantage à "une estimation quantifiée des effets de dispositions nouvelles adoptées depuis le plan précédent". Et pour cause, la quasi totalité des actions du PNPD (plus de 90%) sont déjà portées par des lois promulguées, ayant déjà fait l’objet de nombreux décrets d’application (70% pour la loi Agec) ou sont soutenues financièrement par l’Ademe et plus récemment par le plan de relance. 

L’air ne fait pas la chanson

Pour l’Ae, "la démarche retenue ne correspond pas à une évaluation environnementale". Malgré des "progrès visibles", elle y relève toujours des "carences méthodologiques" qui ne permettent pas, par exemple, "d’avoir une confiance raisonnable dans le fait que tous les enjeux du plan sont bien abordés, ni que les objectifs affichés pourront être atteints", d’aborder les solutions de substitution et de définir des mesures d’évitement et de réduction et, le cas échéant, de compensation pour les incidences négatives issues de l’analyse. Le bilan du précédent PNPD 2014-2020, sous forme d’un tableau de synthèse "concis et peu explicite", fait l’objet d’une "appréciation grossière", regrette-t-elle encore. Aucun élément du PNPD ou du rapport environnemental ne permet par ailleurs de vérifier la cohérence des objectifs et des mesures du prochain PNPD avec ceux fixés au niveau européen. Alors que ce devrait être sa fonction, le PNPD n’explicite pas non plus les moyens de mise en œuvre de chaque mesure (textes réglementaires, instrument financier...) ni de cibles en termes de calendrier ou de résultats à atteindre. Autre reproche, il ne comporte, pas plus que dans le plan précédent, de mention relative aux départements et régions d’outre-mer. 

Défaut d’articulation avec d’autres plans et schémas

C’est le cas avec le plan national de gestion des déchets (PNGD) dont la complémentarité est "peu explicite", au risque de donner aux acteurs "une vision compartimentée de leurs actions qui pourrait ne pas être favorable à la prévention", note l’Ae. L’analyse du rapport environnemental ne porte en outre que sur les plans locaux de prévention et de gestion des déchets (PLPGD) qui relèvent des EPCI. C’est-à-dire qu’à aucun moment ne sont évoqués les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ni, surtout, les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) qui leur sont désormais intégrés. Le PNPD se prive ainsi, souligne l’AE, "d’un levier de mise en œuvre de tous les axes pour tous les types de produits et déchets, notamment dans les filières peu actives en matière de prévention (par exemple en termes de consommation responsable, de prévention des déchets dans le secteur du BTP, de structuration des filières de réparation, etc.)".
Même déception concernant les plans locaux de gestion des déchets. "Sans ciblage des mesures ni rappel des objectifs à atteindre, le PNPD n’oriente pas les efforts attendus dans ces plans locaux", remarque l’avis. Il n’est pas non plus fait référence aux schémas régionaux des carrières, alors que les déchets du BTP constituent 69% du total des déchets en masse. Et bien d’autres exemples sont cités par l’Ae, qui regrette aussi l’absence de recherche de synergie avec les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les plans de protection de l’atmosphère (PPA). Un retour d’expérience des contrats de plan État-Région (CPER) en matière de prévention des déchets serait là encore bienvenu. 

Zones d’ombre sur les objectifs

Les objectifs pour l’instant identifiés dans le plan "ne semblent pas permettre d’atteindre les objectifs généraux affichés pour les déchets ménagers et les déchets d’activités", pourtant coeurs de cible de la planification, s’étonne l’Ae. Elle déplore en outre des zones d’ombre sur certains types de déchets, a fortiori pour ceux dont les volumes ou la toxicité sont importants. L’absence d’objectif concernant le secteur des déchets des travaux publics, pourtant générateur des volumes les plus importants, a ainsi de quoi questionner. Le plan n’envisage pas plus la croissance accrue de certains types de déchets, voire l’émergence de nouveaux, soulevant à plusieurs titres des questions inédites. Par exemple, les déblais du Grand Paris Express constituent des volumes très importants et peuvent présenter des risques de production de sulfates, illustre l'avis. La mobilité électrique devrait elle aussi conduire à la mise sur le marché de volumes très importants de batteries contenant des produits dangereux. 

Pour conclure, l'Ae considère que l’ambition du plan ne pourra être pleinement atteinte qu’avec l’appui des cahiers des charges des filières REP, et préconise au passage de les soumettre à évaluation environnementale. Enfin, elle recommande dans ce cadre d’étudier des évolutions fiscales possibles en faveur de la prévention des déchets en tenant compte des informations d’ores et déjà collectées par l’Ademe sur les filières de réemploi et de réutilisation.

 

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