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PMI : une "refondation" et un transfert aux CAF de certaines missions

Evoquant "une crise majeure de la protection maternelle et infantile dans notre pays", le rapport que la députée Michèle Peyron a remis vendredi au gouvernement propose un "plan national PMI 2019-2022" redéfinissant les rôles respectifs des départements, de l'Etat et des CAF. Le secrétaire d'Etat Adrien Taquet prévoit "une contractualisation avec les départements volontaires". L'agrément des assistantes maternelles pourrait être transféré aux CAF.

Michèle Peyron a remis vendredi 14 juin son rapport très attendu sur la protection maternelle et infantile (PMI). Lorsque le Premier ministre avait confié cette mission à la députée (LREM) de Seine-et-Marne (voir notre article ci-dessous du 3 septembre 2018), il avait largement ouvert le champ de la réflexion. Intervenant lors d'une réunion conjointe de la commission des affaires culturelles et de l'éducation et de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale quelques mois plus tôt, Agnès Buzyn avait d'ailleurs indiqué que "si les PMI relèvent de la compétence des départements, l'État pourrait cependant revoir le périmètre de leurs missions" et qu'il règne aujourd'hui, en matière de PMI, "une trop grande hétérogénéité territoriale, à laquelle il convient de remédier" (voir notre article ci-dessous du 7 mars 2018).

Une "crise majeure" de la protection maternelle et infantile

Le message a été entendu et le titre du rapport – "Pour sauver la PMI, agissons maintenant !" – ne laisse guère de doutes sur la tonalité alarmiste du document. Très fouillé, ce rapport de près de 200 pages, réalisé avec le concours de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), s'appuie sur une cinquantaine d'auditions et de réunions et sur des déplacements dans quatorze départements. Il dresse un constat particulièrement sombre : celui d'"une crise majeure de la protection maternelle et infantile dans notre pays". Celle-ci vaut malgré une dépense annuelle estimée à 500 millions d'euros (il est difficile d'obtenir un chiffre précis), l'investissement de 10.000 professionnels en ETP (médecins, infirmières puéricultrices, sages-femmes, psychologues…) et une "plus-value de la PMI [qui] réside dans une triple accessibilité géographique (plus de 5.000 points de consultation), financière (gratuité) et administrative (absence de formalités, accueil inconditionnel, capacité à 'aller vers' à travers les visites à domicile)".

Des disparités considérables entre départements et une gouvernance absente

Le rapport pointe notamment les énormes disparités entre départements, qui existaient déjà lors de la décentralisation de 1983, mais ne se sont pas réduites depuis : la dépense annuelle par enfant de 0 à 6 ans irait ainsi de moins de 1 euro à plus de 300 euros selon les départements, avec une moyenne nationale de 33 euros. Ces chiffres extrêmes semblent toutefois sujets à caution, compte tenu des problèmes d'imputation des dépenses de personnel. Ils n'en reflètent pas moins l'existence de très forts écarts.

Le rapport se montre également très critique sur les politiques publiques en la matière : la PMI a été négligée par l'État et l'assurance maladie (pas d'objectifs explicites), l'apport de de cette dernière est "négligeable" (35 millions d'euros) alors qu'il s'agit d'une politique sanitaire préventive "avec un fort retour sur investissement" et la PMI a longtemps été dépourvue d'une véritable représentation nationale, jusqu'à la création de la plateforme "Assurer l'avenir de la PMI" (voir notre article ci-dessous du 10 décembre 2013). De même, le financement local de la PMI par les départements s'est fait "au fil de l'eau, de manière inégale, et parfois insuffisante" face au dynamisme d'autres dépenses sociales (RMI/RSA, APA, PCH...). Enfin, "confrontée à un déficit croissant de médecins, la PMI a vu ses missions législatives non sanitaires s'accumuler, ce qui a conduit à réduire les moyens dévolus à la prévention".

Un recul sur presque toutes les missions et un rôle de chacun à redéfinir

Conséquence : la PMI recule sur presque toutes ses missions. Le nombre d'enfants vus en consultation est passé de 900.000 en 1995 (2,7 millions d'examens) à 550.000 en 2016 (1,49 million), les visites à domicile par des infirmières puéricultrices ont été divisées par près de deux en 25 ans, et la PMI couvre seulement 6% des besoins en termes d'entretien prénatal précoce... Les résultats sont un peu meilleurs sur le bilan de santé en école maternelle, mais la couverture nationale de 70% recouvre des écarts entre départements allant de 10% à 98%.

Le rapport propose donc une véritable refondation de la PMI, à travers un "plan national PMI 2019-2022". Il s'agit en l'occurrence de redéfinir le rôle de chacun. A l'État la responsabilité de veiller au respect "d'objectifs socles réglementaires minimaux fixés par le Code de la santé publique" et de proposer aux départements, via les ARS, une contractualisation incitative (une solution qui rappelle celle retenue pour les jeunes majeurs de l'ASE).

Aux départements, "sur leurs ressources propres (dotations et fiscalité), la charge de financer l'ensemble des missions de PMI ayant trait aux modes de garde, à la protection de l'enfance, au soutien à la parentalité" (qui bénéficient pourtant d'un financement des CAF) et "la responsabilité de piloter et de mettre en œuvre une PMI de qualité et adaptée à leurs réalités territoriales".

A l'assurance maladie, la responsabilité de financeur et de gestion du risque, via une cotation nouvelle des actes des infirmières puéricultrices et un fonds national. Son intervention porterait sur le remboursement des actes des professionnels, le financement des bilans de santé en maternelle ou encore le remboursement des vaccins.

Vingt mesures et 100 millions d'euros en année pleine

Au-delà de cette refondation, le rapport propose également une série d'objectifs socles (par exemple, 20% des femmes enceintes bénéficiant de visites à domicile intensives par une sage-femme de PMI) et une vingtaine de préconisations, comme l'expérimentation du transfert aux CAF des missions "modes de garde" (sans transfert d'effectifs) ou la création d'une prime de lutte contre les inégalités territoriales de santé de 300 euros par mois pour les jeunes médecins, afin de renforcer l'attractivité de la PMI.

Fait suffisamment rare dans ce type de document pour être signalé : le rapport procède à une évaluation détaillée du coût des mesures proposées. L'ensemble des mesures du plan "plan national PMI 2019-2022" représenterait ainsi, en rythme de croisière, un coût annuel de 100 millions d'euros par an (75 millions en 2020, 80 millions en 2021 et 100 millions en 2022), financés essentiellement par l'assurance maladie via l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie) voté par le Parlement. Le rapport ne manque pas d'indiquer que "ramenée à l'ensemble de la population des 0-6 ans, il s'agit d'une dépense de 0,045 euro par enfant"

"Une perte de sens et une interrogation sur l'avenir"

Visitant la PMI d'Argenteuil le 14 juin, juste après la remise du rapport et en compagnie de son auteur, Adrien Taquet, le secrétaire d'État auprès d'Agnès Buzyn en charge de la mise en place de la stratégie pour la protection de l'enfance, a insisté, dans son discours, sur le fait que la PMI a été "une géniale intuition" et a rappelé "que cette vieille dame est toujours bien vivace" (la PMI a été créée en 1945 face au fléau de la mortalité infantile). Mais il a reconnu qu'"à l'instar de ses cousines, la médecine scolaire et la protection judiciaire de la jeunesse, nées comme elle aux lendemains de la guerre et qui incarnaient la réalisation d'un État providence, la PMI est aujourd'hui en difficulté". Pour Adrien Taquet, il ne s'agit pas là "de simples difficultés de fonctionnement passagères, mais bien d'une perte de sens et d'une interrogation sur l'avenir".

Tout en rejoignant ainsi le constat très alarmiste de Michèle Peyron, le secrétaire d'État estime néanmoins que "l'ambition de départ n'a pas perdu de sa pertinence, bien au contraire". Évoquant les évolutions depuis 1945 et les enjeux actuels de la prévention, il estime que "l'État doit être aux côtés des départements sur tous ces enjeux fondamentaux pour notre avenir, mais pas pour préserver un modèle désormais obsolète. Il s'agit d'aider au changement et à la transformation pour mieux répondre aux besoins et aux attentes de nos concitoyens'.

Un partenariat avec les départements et un transfert des agréments aux CAF

En pratique, "face à ces difficultés, d'inégale ampleur selon les départements, le gouvernement a décidé de mettre en place un partenariat pour soutenir la PMI, sous la forme d'une contractualisation avec les départements volontaires". Celle-ci débutera à partir de janvier 2020, après un état des lieux des besoins de chaque territoire. Elle portera sur de nouveaux objectifs de santé publique, dont notamment la réalisation des bilans de santé en école maternelle, ainsi que le nombre de consultations prénatales et postnatales à domicile. Le financement sera assuré, à partir de 2020, via le Fonds d'intervention régional (FIR) – lui-même financé par l'assurance maladie via l'Ondam – avec une montée en charge progressive jusqu'en 2022. Contrairement au rapport, Adrien Taquet n'a toutefois cité aucun montant.

Autre piste : "la répartition des missions entre médecins et infirmières puéricultrices sera retravaillée dans le cadre d'un nouveau protocole national de coopération inscrit dans la prochaine loi de financement de la sécurité? sociale". L'objectif, qui dépasse le seul cadre de la PMI, est de faciliter les délégations de missions. Enfin, Adrien Taquet a chargé l'Igas de "revoir en profondeur la mission d'agrément des modes de garde collectifs et des assistantes maternelles". Le but est d'envisager les conditions du transfert éventuel de cette mission – les CAF ne sont pas citées mais il n'y a guère de place au doute – "afin de permettre aux PMI de recentrer leurs missions sur la santé de l'enfant et l'accompagnement des parents".

 

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