Policiers municipaux : une refonte du régime indemnitaire qui ne convainc pas

Au cours d’une réunion attendue avec les organisations syndicales représentatives des policiers municipaux, Dominique Faure a annoncé la prochaine refonte du régime indemnitaire de ces derniers. L’introduction de ce RIFSEEP "spécial police municipale" n’a toutefois pas convaincu les syndicats, qui doutent de ses bénéfices et pointent ses effets pervers. 

Attendue, la réunion du 25 mai dernier entre la ministre Dominique Faure et les organisations syndicales représentatives des policiers municipaux sur les questions liées au statut de ces derniers n’aura pas suscité l’enthousiasme. "Le compte n’y est pas" (FO Police municipale) ; "Des mesures, mais loin de satisfaire les attentes" (FA-FPT Police municipale) ; "Des annonces loin des attentes légitimes des policiers municipaux" (Fédération interco CFDT)... Les réactions des différents syndicats montrent que la déception l’emporte. Il est vrai que leurs attentes étaient grandes. Le verre n’est toutefois pas complètement vide. Premier point positif, la réunion s’est bien tenue, comme l’avait promis la ministre. Alors que l’été approche, les policiers municipaux n’auront donc pas à jouer cette année de la carte postale pour se rappeler au bon souvenir du gouvernement, comme ils s’y étaient astreints en 2021 (v. notre article du 6 juillet 2021). Plus encore, la ministre a même d’ores et déjà annoncé que trois projets de décrets seront soumis au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale dès juin prochain. 

Deux mesures spécifiques bien accueillies…

Le premier vise à supprimer la condition d’encadrement au sein des grades de brigadier-chef principal et de chef de police, nécessaire à l'obtention de l'échelon spécial par un agent de police municipale de catégorie C. "1.400 agents pourraient en être bénéficiaires immédiatement", estime Serge Haure, secrétaire fédéral de la fédération interco CFDT, dans un communiqué. Interrogé en ce sens par le député Pierre Cabaré (LREM, Haute-Garonne), le ministère de la Cohésion des territoires avait pourtant indiqué dans une réponse ministérielle du 15 février 2022 que le gouvernement n’envisageait pas de modifier ces dispositions.

Le deuxième vise à aligner les deux grades de catégorie A (directeur de police municipale et directeur principal de police municipale, ce qui nécessite un effectif d’au moins 20 agents relevant des cadres d’emplois de police municipale) sur la grille indiciaire "type" de catégorie A, qui s’apparente à celle des attachés territoriaux. Concrètement, ces directeurs bénéficieront d’un meilleur traitement, grâce à des points d’indice supplémentaires.

… et un "simulacre de RIFSEEP" qui ne convainc pas

Le troisième n’est pas le moindre, puisqu’il s’agit de refondre le régime indemnitaire des policiers municipaux et gardes champêtres. Un régime dont Nathalie Koenders, qui a piloté le récent rapport de France urbaine sur l’attractivité des polices municipales, indiquait naguère à Localtis qu’il "est largement arrivé au bout des marges de manœuvre qu’il pouvait offrir" (v. notre entretien du 27 mars). C’est pourtant cette révision qui concentre les critiques des syndicats. Si le gouvernement ne propose pas comme France urbaine de rendre les agents de police municipale éligibles au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RFISEEP) "de droit commun" – d’après une récente réponse du ministère de l'Intérieur au député Damien Adam (Renaissance, Seine-Maritime), ce serait impossible "en raison de la spécificité des fonctions exercées par les fonctionnaires relevant des différents cadres d'emplois de police municipale et de l'absence de corps équivalent au sein de la fonction publique de l'État" –, la réforme envisagée en aurait toutefois fortement le goût. Serge Haure évoque ainsi un "RIFSEEP spécial police municipale" en décrivant "un dispositif avec des mécanismes assez flous qui se composerait d’une part fixe et d’une part variable – 15% au maximum pour cette dernière, montant maximal fixé par décret et applicable dans les collectivités sur délibération – liée aux fonctions et à la manière de servir". Et le secrétaire national de la FA-FPT Police municipale, Fabien Golfier, n’y voit rien de plus qu’un "simulacre de RIFSEEP", auquel son organisation est de longue date opposée. 

L’indemnitaire, un pis-aller

Certes, les deux organisations se rejoignent pour saluer le relèvement du plafond annuel du montant du régime indemnitaire que cela permettrait – de 9.961 euros à 12.600 euros pour la catégorie C, de 10.249 à 19.860 euros pour la B et de 17.292 à 37.800 euros pour la A, d’après les calculs de Serge Haure. Mais surtout pour dénoncer le fait que cette refonte se traduirait par la suppression de l’IAT et de la prime police, à laquelle elles sont toutes deux, comme leur consœur FO Police municipale, hostiles. Cela entrainerait la disparition de "la progressivité de notre régime indemnitaire tout au long de notre carrière", explique Fabien Golfier. Il est rejoint par FO-PM, qui propose plutôt d’intégrer la prime police "au calcul de la retraite, ce qui aurait été un signe fort de reconnaissance". Surtout un moyen de revaloriser les pensions, alors que Serge Haure insiste sur le fait qu’en l’état, la proposition "ne solutionne en rien le problème de la faible pension retraite" des agents.

Plus largement, FO-PM et la FA-FPT soulignent que "le régime indemnitaire reste à la discrétion des maires et que cela risque de creuser encore plus les inégalités entre polices municipales". Ce qui ne résoudra pas le problème de la "concurrence entre les collectivités", ajoute la fédération interco CFDT. "Hormis inciter les collectivités à revoir le régime indemnitaire à la hausse, l’État ne contribue en rien à l’amélioration de la rémunération des collègues", conclut FO-PM, pour qui la solution doit nécessairement passer par le "dégel du point d’indice".

Lien rétabli

De l’avis de Serge Haure, la réunion a donc laissé "l’ensemble des organisations syndicales sur leur faim". Fabien Golfier déplore notamment que plusieurs sujets de préoccupation de la filière n’aient pas été inscrits à l’ordre du jour, même s’ils ont pu être évoqués par les différentes organisations syndicales. Parmi eux, la réduction de la catégorie C à deux grades, les appellations de la catégorie B "qui empêchent les nominations", les difficultés de promotion interne ou encore le classement de l’ensemble des policiers municipaux et des gardes champêtres en catégorie B superactive, avec la prise en compte de l’indemnité et des heures supplémentaires dans le calcul de la pension de retraite. Certaines demandes pourraient prospérer. 

Dans tous les cas, le lien avec le gouvernement – à tout le moins avec Dominique Faure – semble rétabli. Pour preuve, une réunion sur le sujet délicat des pensions de retraites serait même d’ores et déjà prévue le 15 septembre prochain. Les syndicats entendent également ne pas relâcher la pression auprès de Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. D’autant que ce dernier indiquait la semaine dernière à la délégation aux collectivités territoriales du Sénat (v. notre article du 26 mai) que les policiers municipaux, comme les secrétaires de mairie, étaient "des démonstrateurs" de ce qu’il entend mettre en place dans le cadre des prochaines discussions sur l’accès, les parcours et rémunérations des agents publics.