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Social - Politique du handicap : rien ou presque ne trouve grâce aux yeux du Haut Commissariat aux droits de l'homme

Du 3 au 13 octobre dernier, Catalina Devandas-Aguilar, la rapporteure spéciale du Haut Commissariat aux droits de l'homme sur les droits des personnes handicapées, a accompli sa première visite officielle en France. Elle y a tenu "des réunions avec des représentants du gouvernement, des autorités régionales et départementales, l'institution nationale des droits de l'homme et d'autres institutions indépendantes, ainsi que des personnes en situation de handicap et les organisations qui les représentent". Pour la rapporteure spéciale, qui s'est déplacée à Paris, Lyon, Marseille et Avignon, cette mission était notamment l'occasion "de connaître les mesures concrètes prises par les autorités pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées" (ratifiée par la France en 2010), un objectif "d'autant plus pertinent compte tenu de la décision du président Macron de donner une priorité à la question du handicap dans son quinquennat".

Une définition du handicap qui ne coïncide pas avec celle de la Convention

Au vu des observations préliminaires consécutives à cette visite, on peinerait un peu à croire que la politique française s'est améliorée depuis la loi Handicap du 11 février 2005. Certes, la rapporteure spéciale avait prévenu de son "intention d'identifier les défis et les lacunes en matière de protection des personnes en situation de handicap, afin de formuler des recommandations concrètes à ce sujet" et indiqué qu'elle s'intéresserait plus particulièrement à "la question de l'institutionnalisation, y compris la pratique d'envoyer des personnes handicapées françaises dans des établissements en Belgique, ainsi que la situation des personnes autistes et de celles avec un handicap psychosocial".
Le résultat est en phase avec ces prémices. Tout en reconnaissant les avancées de la loi de 2005 (antérieure à la convention), la rapporteure estime que "la définition du handicap au titre de la loi de 2005 ne correspond pas à la Convention et nécessiterait d'être révisée". En outre, la loi ne reconnaît pas le droit à des aménagements raisonnables. La rapporteure constate aussi "avec préoccupation", que certaines dispositions (du code électoral, du code civil ou de la loi sur la santé mentale) ne sont pas conformes à l'article 12 de la CDPH, qui reconnaît la pleine capacité juridique des personnes handicapées.

Une longue série de critiques... en attendant 2019

La France s'est toutefois attachée "à redresser les inégalités d'accès aux différents droits de l'homme pour les personnes handicapées, par l'adoption de lois, d'orientations, de programmes et d'initiatives publiques". Mais la rapporteure spéciale invite néanmoins les autorités françaises "à s'assurer que toute politique publique, notamment en matière de handicap, adopte une approche fondée sur les droits de l'homme", avec pour objectif de "faire tomber les obstacles qui empêchent la participation pleine et effective des personnes handicapées sur la base de l'égalité avec les autres".
Au-delà de cette observation générale, la rapporteure spéciale aligne une longue série de critiques, qu'il serait trop long d'énumérer. On citera seulement, à titre d'exemple, celles relatives au "manque cruel de données et de statistiques sociodémographiques ventilées par handicap", à la tendance des pouvoirs publics à proposer des services spécifiques plutôt qu'un accès aux dispositifs de droit commun, aux "fortes disparités régionales" dans l'accessibilité des transports en commun, aux "multiples obstacles qui empêchent l'égalité d'accès à l'éducation" (malgré des progrès reconnus depuis 2005), au "très grand nombre de personnes handicapées vivant en établissements en France"...
Au final - et malgré plusieurs satisfecit sur les efforts accomplis ou sur les engagements pris par les pouvoirs publics -, "la France doit revoir et transformer son système en profondeur, afin de fournir des solutions véritablement inclusives pour toutes les personnes handicapées, assurer une gestion et une répartition plus efficaces des ressources, et permettre un accompagnement et des services spécialisés de proximité sur la base de l'égalité avec les autres".
Les conclusions de la rapporteure spéciale seront développées "plus en détail" dans un rapport qu'elle présentera à Genève lors de la 40e session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies en mars 2019. D'ici là, le gouvernement devrait apporter des éclaircissements et précisions sur les différents points évoqués au fil de cette accumulation de critiques.
Sophie Cluzel, la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, qui a reçu Catalina Devandas-Aguilar à la fin de sa visite exploratoire, assure que "de nombreuses observations de la rapporteure rejoignent la feuille de route du gouvernement", qu'il s'agisse de "la place des personnes elles-mêmes dans ce qui les concerne", de simplifications, d'éducation, d'emploi ou de "transformation de l’offre de services dans les territoires afin de favoriser l’autonomie des personnes handicapées qui souhaitent vivre chez elles". La rapporteure spéciale de l'ONU est d'ailleurs invitée au prochain Conseil national du handicap.