Politique santé-environnement : un rapport prône un pilotage consolidé selon l’approche "une seule santé"

Un rapport inter-inspections sur les moyens et la gouvernance de la politique santé-environnement propose d'incarner au niveau interministériel l’approche globale "une seule santé" dans une programmation stratégique multidisciplinaire. Les politiques locales gagneraient également à être mieux valorisées, en ouvrant la voie à l’expérimentation, entre l’Etat et les régions, de modes alternatifs de pilotage territorialisé de la santé-environnement.

Un rapport inter-inspections - CGAER, IGEDD, IGA, IGAS, IGESR, IGF -, rendu public ce 15 mars, préconise une stratégie nationale renforcée en matière de santé-environnement intégrée autour du concept global "une seule santé" ("One Health") de lOMS, cest-à-dire incluant la santé humaine, animale et environnementale. Plusieurs rapports parlementaires et des inspections générales avaient dailleurs déjà plaidé en ce sens. Et lon en retrouve également un certain écho dans lannonce du gouvernement, à loccasion du Salon international de lAgriculture, début mars, de la création dun institut pour former les décideurs publics à cette approche interdisciplinaire communément appelée "une seule santé".

Ce cadre de référence des plans et actions de lEtat pourrait être adopté et mis en œuvre avec un calendrier quadriennal et établir des priorités de financement. Une gouvernance consolidée pourrait ainsi être affirmée rapidement, avec un pilotage interministériel "élargi" adossé aux missions du Secrétariat général à la Planification écologique (SGPE). Il devrait sappuyer sur un groupe santé-environnement (GSE) transformé en conseil national "une seule santé" - instance dorientation et de consultation représentative des parties prenantes, dotée d'un statut juridique et de moyens de fonctionnement -, et sur un plan national  éponyme (se substituant au Plan national santé-environnement-PNSE) fédérant les plans sectoriels existants, dont on dénombre pas moins d'une trentaine...

Une quantification très partielle des dépenses des collectivités

Les difficultés de recensement des moyens utilisés au soutien de la politique de santé-environnement rencontrées par les inspections à l'origine du rapport nont fait que confirmer à leurs yeux lutilité dune telle stratégie qui fixerait "des objectifs pluriannuels, transversaux et priorisés et établirait un lien avec les politiques et réglementations européennes". La mission constate en effet le peu de visibilité consacré à cet enjeu émergent dans les attributions ministérielles et la nomenclature budgétaire de lEtat, ainsi que dans les référentiels comptables des collectivités territoriales. Elle sest ainsi en particulier heurtée à limpossibilité didentifier totalement les dépenses de santé-environnement des collectivités.
Les dépenses annuelles en la mati
ère des différents acteurs seraient un peu supérieures à 6 milliards deuros, dont plus des deux tiers à la charge des collectivités territoriales (4 milliards pour les seules compétences obligatoires assainissement de leau et traitement des déchets), un peu moins de 30% à la charge de lEtat et de lordre de 3% (200 millions deuros) financés par la sécurité sociale. Au total, la proportion des dépenses de santé-environnement par rapport au total des dépenses des collectivités (hors régions) avoisinerait 2%.
Les régions, parties prenantes au plan ré
gional santé-environnement (PRSE) et dont les activités en matière de santé-environnement sont facultatives, dépenseraient de lordre de 130 millions deuros chaque année (eau, déchets, air). Rapporté au total de leurs dépenses, cet effort serait donc du même ordre que celui de lEtat (0,35%). Les dépenses des collectivités sont donc potentiellement beaucoup plus importantes, mais répondent, pour leur grande majorité, à des  domaines appartenant au "second cercle" des facteurs environnementaux. Dautres dépenses parfois croissantes, mais moins importantes, en matière de bruit, de biodiversité et dadministration générale (achats…) sont "rarement identifiables avec les données disponibles", remarque le rapport. Un passage au référentiel budgétaire M57, dont la codification fonctionnelle est plus fine, aurait donc lavantage, selon lui, de mieux identifier certaines fonctions par domaines (leau, lair, le traitement des déchets…).
Pour rendre là encore plus identifiables et transparents les financements publics, deux autres préconisations sont à relever : celle d'un rapport d
information du gouvernement au Parlement à prévoir après la mise en place de la nouvelle gouvernance et, rendu régulier par la suite ; celle de l'harmonisation des nomenclatures de dépenses existantes. Dans lintervalle, le suivi des financements du PNSE et des plans sectoriels "paraît une amélioration réaliste".

Expérimenter des modes alternatifs de pilotage territorialisé

Autre constat : l'engagement dans les plans régionaux santé-environnement (PRSE) est "très inégal et peu suivi". La reprise de certains intitulés nationaux pour des actions régionales a également de quoi "interroger sur leur réelle appropriation", relève le rapport. Une hésitation est en outre perceptible dans le chaînage du PRSE avec le PNSE et les autres plans sectoriels, nationaux ou régionaux. Très peu de régions les associent, dès le départ, au schéma du PRSE (le rapport en cite trois : Hauts-de-France, Bourgogne Franche-Comté). Linsuffisance des données sur les résultats objectivés des actions nautorise toutefois aucune conclusion de la mission sur limpact réel des PRSE. "Rien, pour autant, ne démontre ni leur inutilité, ni leur inefficacité, même si les actions des PRSE nont pas atteint un niveau de réalisation partagé et reconnu du grand public", souligne le rapport, qui appelle par conséquent à mieux les valoriser. Un moyen simple de sensibiliser et dintéresser les régions serait dintégrer le bilan des actions "une seule santé" dans le rapport "développement durable" des collectivités territoriales, présenté en amont du débat dorientation budgétaire. La mission recommande par ailleurs douvrir la possibilité dune expérimentation avec des partenaires volontaires de nouveaux modes de gouvernance des plans régionaux. Avec trois alternatives possibles : soit une mise en œuvre du PRSE sous lautorité unique dune ARS (autorité régionale de santé), en association éventuelle avec la préfecture, la DREAL et le conseil régional ; soit une mise en œuvre du PRSE sous lautorité unique du conseil régional, en association éventuelle avec la Dreal, la préfecture et lARS ; soit enfin une direction partagée, comme aujourdhui, entre plusieurs partenaires ou la totalité d'entre eux.