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Pour le Sénat, l'Europe n'est pas prête à faire face au véhicule autonome

Le rapport "Véhicule sans chauffeur : le futur imminent" piloté par quatre sénateurs pointe les défis qui attendent la France et l'Europe dans l'apparition de véhicules autonomes ou semi-autonomes. Parmi les questions encore en suspens : l'étendue territoriale de l'usage des véhicules sans chauffeur et le financement de la rénovation des infrastructures routières que cette révolution des mobilités impliquera. Un rapport qui tombe bien, alors que la consultation des Assises nationales de la mobilité aborde ce sujet des véhicules autonomes.

Face au phénomène du véhicule autonome, qui nourrit tant l'imagination, les sénateurs René Danesi, Pascale Gruny, Gisèle Jourda et Pierre Médevielle, pour le compte de la commission des affaires européennes, ont préparé un rapport, publié le 27 novembre, permettant de distinguer la prévision du fantasme et d'estimer la manière dont l'Europe s'est pour l'heure préparée à l'arrivée de ce nouveau type de mobilités.
Sur ce point, les sénateurs préviennent : la plupart des pays européens, dont la France, adhèrent à des conventions internationales qui les empêchent pour l'heure de pousser à fond les expérimentations sur le véhicule autonome. Une donne à prendre en compte, face à des pays comme la Grande-Bretagne, la Chine et surtout les Etats-Unis, dont la plus grande latitude réglementaire leur permet d'avoir les coudées franches. Le rapport appelle donc les pays européens à travailler sur les protocoles de communication entre les infrastructures de transport et les futurs véhicules autonomes, afin de ne pas se faire confisquer le leadership technologique par les acteurs industriels du reste du monde. Le risque est clair : que les constructeurs automobiles allemands et français subissent une forte perte de valeur ajoutée au profit des géants américains du numérique.

Les territoires ne seront pas tous à la même enseigne

Pour autant, les sénateurs perçoivent l'impact territorial des véhicules autonomes comme un phénomène contrasté, et échelonné. A moyen terme, la perspective d'une automobile fonctionnant sans intervention humaine semble peu probable et peu souhaitable, si l'enjeu de la cybersécurité n'est pas traité très sérieusement. L'espace autoroutier, très standardisé, pourrait être le premier concerné, "d'ici deux ou trois ans". Pour les rapporteurs, l'espace rural et périurbain est beaucoup moins adapté au véhicule autonome. En revanche, l'espace urbain très dense pourrait, à long terme, bénéficier de systèmes de "véhicules asservis" où l'ensemble de la circulation est géré de manière centralisée, pour éviter au maximum les congestions. Si le rapport n'explore pas beaucoup plus avant la problématique territoriale, on remarque d'emblée que l'avènement du véhicule autonome pourrait avoir des effets très différents d'un territoire à l'autre, et jouer sur l'attractivité. Quelle serait la réaction d'un automobiliste devant passer sa voiture du mode automatique au mode manuel en pénétrant dans une zone rurale ?

Une révolution pour les infrastructures routières

La révolution numérique concernera autant les infrastructures routières que les véhicules eux-mêmes. "Idéalement, le panneau visible devrait être partout accompagné d'une émission radio communiquant l'information à tous les véhicules connectés", relate le rapport sénatorial en évoquant la signalisation routière. Doubler tous les équipements routiers d'une signalétique numérique efficace relève sans doute d'une opération se comptant en milliards d'euros. Or on ne sait pas encore comment cette transformation pourrait être financée, alors que les recettes de la fiscalité sur les carburants s'estomperont tendanciellement à mesure que les véhicules électriques se démocratiseront. En tant que gestionnaires de la majeure partie de la voirie présente sur le territoire national, les collectivités vont rapidement devoir faire face à ce défi. Et ce, autant pour trouver les ressources financières adéquates que pour s'assurer que l'avènement du véhicule connecté ne constituera pas un nouveau facteur d'inégalité territoriale.

Les Assises nationales de la mobilité abordent l'enjeu, en attendant plus

Le sujet du véhicule autonome est par ailleurs présent dans le cadre de la consultation des Assises nationales de la mobilité. La question de l'étendue territoriale du phénomène est l'une des plus abordées par les participants. Certains pointent que le véhicule autonome sera peu adapté aux espaces ruraux et périurbains, quand d'autres jugent indispensable que ce type de nouvelle mobilité soit clairement circonscrit à des territoires précis, où le besoin est le plus patent. Début octobre, la ministre chargée des Transports, Elisabeth Borne, avait annoncé pour la fin de l'année la mise en place d'une stratégie nationale du véhicule autonome. Anne-Marie Idrac a été désignée haute responsable pour la stratégie nationale de développement du véhicule autonome.

 

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