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Premier baromètre des villes marchables : les piétons veulent marcher seuls sur "leurs" trottoirs

Le collectif "Place aux piétons" vient de rendre public son premier "baromètre des villes marchables". De cette enquête, il ressort que les piétons attendent principalement des trottoirs plus larges, bien entretenus, sécurisés… et qui leur soient réservés.

"La marche constitue le parent pauvre des politiques de mobilité durable", déplore Frédéric Brouet, représentant de la Fédération française de la randonnée pédestre. Pour sortir de l'impasse, cette dernière, en partenariat avec les associations "Rue de l'Avenir" et "60 Millions de piétons" – réunies dans un collectif baptisé "Place aux piétons" – vient de publier le "premier baromètre des villes marchables", inspiré du baromètre des villes cyclables (voir l'édition 2019). L'objectif affiché est "de recueillir des données" dans un domaine qui en manque cruellement et de "donner de la visibilité aux piétons", explique Élodie Barbier Trauchessec, animatrice "Mobilités émergentes" au sein de l'Ademe, partenaire de l'opération. Il est, surtout, de faire entendre leur voix. "La ville fait le marcheur, mais le marcheur doit aussi faire la ville", déclare Anne Faure, présidente de Rue de l'Avenir.
Si l'enquête – fruit d'une consultation conduite en ligne du 1er décembre 2020 au 15 mars 2021, via un questionnaire auquel ont répondu de manière complète plus de 40.000 personnes – n'a pas de valeur scientifique (seules 200 communes ont enregistré plus de 40 questionnaires), ses résultats n'en délivrent pas moins plusieurs indications utiles. À commencer par les quelque 70.000 commentaires libres laissés par les sondés sur des éléments très concrets (endroits posant difficulté, lieux appréciés…), qui seront transmis aux élus locaux concernés, via les groupes territoriaux du collectif.

Des communes jugées "peu à l'écoute"

De manière générale, il ressort de l'enquête que les piétons répondants se sentent mal aimés. Plus des deux tiers d'entre eux pensent que "leur commune est peu à l'écoute des besoins des marcheurs" et près des deux tiers qu'elle "fait peu d'efforts pour la marche". Pis, les trois quarts estiment que la situation s'est dégradée au cours des deux dernières années, le Covid n'y étant sans doute pas étranger. Pourtant, souligne Élodie Barbier Trauchessec, la marche constitue "le trait d'union entre tous les modes de déplacement" et ne présente que des qualités : elle est "alimentée par une énergie renouvelable", ne génère pas de nuisances ("pas de pollution de l'air, pas de pollution sonore…"), est économique, bonne pour la santé et "favorise le lien social". Entre piétons uniquement, serait-on toutefois tenté d'ajouter. Ces derniers n'entendent en effet guère partager "leurs" trottoirs, dont Vincent Chas, membre de Rue de l'Avenir, déplore qu'ils soient "de plus en plus multifonctions", envahis par le mobilier urbain, les terrasses, les trottinettes, etc.

Sanctuarisation des trottoirs

Les répondants attendent ainsi prioritairement des pouvoirs publics qu'ils offrent "des cheminements plus larges, bien entretenus, sécurisés et 'désencombrés'", qu'ils "réservent l'usage des trottoirs aux déplacements à pied", qu'ils "verbalisent davantage le stationnement sur les passages piétons et les trottoirs" et qu'ils "modèrent la vitesse des véhicules motorisés".

Viennent ensuite le souhait de la constitution d'un "réseau complet de cheminements dans la ville" (avec les quartiers périphériques, mais aussi entre communes voisines) et du "traitement des points noirs et des coupures urbaines" (carrefours, traversées de voies, giratoires…) – des requêtes que ne renieraient pas les cyclistes –, puis celui d'un "environnement plus agréable", notamment via une végétalisation accrue. Une demande qui se fait plus prégnante chez les jeunes actifs, les "seniors" préférant pour leur part "des bancs de repos, des toilettes et des bornes d'eau potable".

La marche, un exercice dangereux

Les voitures ne sont toutefois pas les seules dans le viseur : les étals des commerces – qui ont gagné du terrain avec le Covid, via le développement des terrasses – et l'essor des "autres mobilités actives" sont aussi décriées. On pense évidemment aux trottinettes ou autres nouveaux "engins de déplacement personnels motorisés". Mais il faut également compter avec le bon vieux vélo, et ce même lorsque ce dernier bénéficie d'un espace dédié. Plus de la moitié des répondants estiment ainsi que "les aménagements cyclables constituent un facteur d'insécurité pour les piétons".

La sécurité constitue de manière générale un point crucial, qu'elle concerne les dangers de la circulation, du manque d'infrastructures… ou la peur de mauvaises rencontres. Le "fait de ne pas se sentir en sécurité à pied" est ainsi un frein particulièrement fort pour les femmes ayant répondu à l'enquête, notamment en raison d'un éclairage public jugé insuffisant. Près des deux tiers des répondants estiment également "particulièrement dangereux pour les enfants d'aller à l'école à pied". Anne Faure, présidente de Rue de l'Avenir, se désole d'ailleurs que "l'enfant soit désormais exclu de la ville" et regrette que "la catégorie d'âge des jeunes parents" soit celle ayant le moins répondu à l'enquête. On relèvera que parmi les outils utilisés pour y remédier se développent les "marches exploratoires", dispositif qui a même fait récemment l'objet d'un guide du ministère des transports (voir notre article du 26 novembre 2020). Preuve que la marche est décidément incontournable…

 

Premières Assises nationales de la marche en ville

La Fédération française de la randonnée pédestre, 60 Millions de piétons et Rue de l'Avenir – en partenariat avec Transdev, l'Ademe, le département des Bouches-du-Rhône et le ministère chargé des sports – sont à l'initiative d'une autre première : les "Assises nationales de la marche en ville", qui se dérouleront le 17 septembre prochain à Marseille. La manifestation s'articulera autour de trois conférences plénières et de six ateliers, au cours desquels seront notamment présentées les expériences conduites par les ville de La Roche-sur-Yon, de La Rochelle ou la communauté d'agglomération de Quimper (voir programme et inscription sur le site de la fédération).

 

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