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Prévention de la délinquance et de la radicalisation : lancement d'une concertation avec les élus

Après un plan contre la radicalisation en 2018, une initiative pour mieux s'attaquer aux racines de la délinquance en général en 2019, le Premier ministre a affiché jeudi 11 avril 2019  sa volonté de s'attaquer de front aux deux sujets, en pointant leur "porosité". A plusieurs reprises, il a mentionné le rôle essentiel des acteurs locaux, lançant une concertation avec les associations d’élus sur la prochaine stratégie nationale de prévention de la délinquance, concertation qui doit se dérouler d’ici l’été. 

Au terme d'une concertation qui doit se dérouler d'ici l'été, le gouvernement va mettre en place "une nouvelle stratégie" de prévention de la délinquance, avec à la clé de premières expérimentations. La concertation doit permettre “de répondre à toutes les questions", “de repérer les difficultés, de recenser les bonnes pratiques, de les échanger, de voir là où les outils qui ont été mis en place par la loi de mars 2007 doivent être consolidés et là où ils doivent être adaptés”, peut-on lire dans le dossier de presse. Il s'agira notamment d'intervenir de façon "plus précoce", là où la précédente stratégie ciblait les 12-25 ans, a expliqué le chef du gouvernement lors d'un comité interministériel, le 11 avril 2019 à Strasbourg. “Le constat que nous faisons [...] , c’est celui, sinon d’un rajeunissement généralisé des délinquants, du moins d’une manifestation à un jeune âge qui nécessite de développer une capacité d’intervention, de détection et d’intervention plus précoce”, a déclaré Edouard Philippe.

"Sur internet et les réseaux sociaux, dans la rue ou les salles de sport"

Ce nouveau plan va donc consister en une “mobilisation du partenariat local, au sein des dispositifs de prévention de la délinquance, avec des capacités d’intervention préventives plus précoces et tournées vers les formes nouvelles de délinquance telles que le cyber harcèlement, racket, chantage, développement de l’esprit critique, éducation aux médias”, détaille le dossier de presse. Il passera également “par le renforcement de la prise en charge en santé mentale par des psychiatres coordonnateurs dans les ARS (Agence régionales de santé)”.
“Je propose aussi de donner aux acteurs locaux, au premier des rangs desquels les élus, et beaucoup le demandent, les moyens d’intervenir auprès de ces jeunes et de leurs familles”, a complété Edouard Philippe lors de son discours. Pour lui, il faut être présent "là où les jeunes se trouvent" : sur internet et les réseaux sociaux, dans la rue ou les salles de sport. Le Premier ministre a cité l’exemple de la CAF et du conseil départemental de la Manche qui “ouvrent la voie avec ce que l’on appelle les 'promeneurs du net' c'est-à-dire une présence éducative sur Internet”. “J’attends avec intérêt le livre blanc annoncé par le Forum français de sécurité urbaine pour le mois de juin ou de juillet”, a ajouté le Premier ministre. 

“Incapacité collective des acteurs”

Le choix de la capitale alsacienne pour présenter sa stratégie ne tient pas au hasard, quatre mois jour pour jour après l'attentat qui a endeuillé le marché de Noël, faisant cinq morts. Pour le gouvernement, l'auteur de la tuerie jihadiste est une illustration d'une "dérive dans la délinquance, qui se transforme en dérive dans la radicalisation". Elève très tôt violent - signalé par l'Education nationale dès huit ans -, délinquant précoce, Chérif Chekatt, tué par la police après deux jours de traque, a multiplié les condamnations et les séjours en prison avant de verser dans la violence jihadiste. “Ce que met au jour son passage à l’acte, c’est l’incapacité collective des acteurs à freiner une dérive inquiétante, à freiner une dérive délinquante qui s’est in fine confondue avec un parcours de radicalisation", a analysé le Premier ministre. Raison pour laquelle il a souhaité "que nous nous dotions d’une nouvelle stratégie de prévention de la délinquance."

Afin de renforcer un “maillage de détection et de prévention”, le gouvernement travaille à la mise en place d'un nouveau dispositif de formation à la radicalisation. 28.000 acteurs ont été formés depuis 2014. En 2019, un nouveau cycle de formation ciblant, entre autres, les élus de collectivités territoriales doit être proposé. Dans un autre registre, cette journée a été l'occasion de présenter les résultats de la récente loi Gatel, qui durcit depuis avril 2018 le régime d'ouverture des établissements scolaires hors contrat, et qui a permis d'engager quinze procédures d'opposition à l'ouverture d'établissements. 

103 chartes signées entre préfets et maires 

Par ailleurs, 11.000 fiches du fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ont été rendues accessibles à la recherche scientifique. “Il y avait eu, vous vous en souvenez, d’importants débats sur l’accès des maires aux informations sur les individus radicalisés dans leur commune”, a rappelé Edouard Philippe. La circulaire du ministre de l’intérieur du 13 novembre 2018 en a fourni le mode d’emploi. Elle vise à mieux informer les maires sur les risques de radicalisation sur leur commune. Ils peuvent donc être informés, sous certaines conditions, des personnes signalées dans le fichier FSPRT, notamment les agents municipaux employés à des postes sensibles. Depuis, 103 chartes ont été signées entre les préfets et les maires pour permettre ces échanges d’informations. 

95 mineurs de retour dans 23 départements

Ce comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation a permis de communiquer certains chiffres. En 2018-2019, 2.500 personnes ont été prises en charge (dont 55% de mineurs et 40% de femmes) et 700 familles accompagnées, avec une présence systématique des ARS dans chaque cellule préfectorale de prévention et d’accompagnement des familles (CPRAF) et une prise en charge en santé mentale dans plus de 50% des cas. Pour rappel les conseils départementaux sont représentés dans 99% des CPRAF et les communes dans 57% d'entre elles. Par ailleurs, 95 mineurs de retour (83% de moins de 10 ans) ont été pris en charge dans 23 départements. Sur ces 95 mineurs, 88 ont fait l’objet d’une procédure en assistance éducative.  271 majeurs de retour (192 hommes et 79 femmes) ont fait l’objet d’un suivi. 

Le gouvernement a enfin mis sur la table une révision, d'ici l'été, de l'ordonnance pénale des mineurs, comme le prévoit la récente réforme de la justice. Ces dernières années, les infractions commises par des mineurs se sont orientées à la baisse, mais les experts s'inquiètent d'une tendance à l'aggravation des infractions commises et au rajeunissement de leurs auteurs, selon un récent rapport parlementaire.